Quantcast
Channel: Il a osé !
Viewing all 1071 articles
Browse latest View live

Monstres Academy

$
0
0
Il y a un problème dans le scénario de ce film, prequel du célèbre Monstres & cie, un problème qu'il nous tient à cœur de mettre au jour car on ne l'a jamais vu pointé du doigt. Grosso merdo Monstres Academy c'est Rob Zombie, la petite pastille verte avec un gros œil au milieu de son corps-tronche perché sur deux brindilles, qui débarque à la fac des monstres bien décidé à devenir une "terreur", c'est-à-dire à faire partie de l'équipe de créatures dont le business consiste à foutre les foies aux enfants. Or il se trouve que durant tout le film ses camarades se moquent de Rob Zombie, appuyés par la doyenne de l'université (le personnage le plus raté de l'ensemble), sous prétexte qu'il ne fait pas peur. C'est pourtant bien lui le plus flippant d'entre tous, avec mille coudées d'avance. Pensez-y.




Comparez-le par exemple à son acolyte Sully, véritable peluche poilue avec deux bras, deux jambes, un corps, une tête, parfaitement anthropomorphe, donc parfaitement rassurant. Ses deux petites cornes de vachette sont tout ce qu'il y a de plus inoffensif, elles ressemblent à des poignées pour l'agripper et le câliner comme un dingue, ou pour lui foutre un coup de tête s'il fout trop les glandes en venant réveiller votre petite sœur qui fait chier. Considérez donc maintenant le dénommé Rob Zombie. Celui-là ne présente aucune prise, il est insaisissable, on l'imagine lisse comme rien ne peut l'être autant, à part éventuellement un serpent, un requin ou une couille d'acteur porno à la retraite, bref autant de choses vivantes que l'on ne voudrait pas retrouver dans son salon, ni chez soi en général, et encore moins en pleine nuit dans un plumard. Pensez à cet œil, lui aussi lisse et humide, visqueux, si immense surtout, et qui vous fixe, ne vous quitte pas. Pensez à ce champ de vision infini, auquel rien n'échappe. Pensez à cette bouche, seul orifice de l'énergumène, qui doit donc lui servir à tout (ce qui est affreux). Et en prime il est doublé par Billy Crystal, qui lui aussi est désormais tout lisse et tout vert... Y a-t-il encore des journalistes pour rappeler à l'acteur qu'il n'avait pas à ressembler à son personnage, qu'il n'avait pas besoin de se raser la tête façon boule de bowling, que tout ça c'était "du off" ? Bref, quoi de plus flippant en réalité que Rob Zombie, définitivement le maître de l'horreur.


Monstres Academy de Dan Scanlon avec Billy Crystal, John Goodman, Helen Mirren et Steve Buscemi (2013)

Jack Reacher

$
0
0
Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti ce plaisir-là devant un film d'action américain de ce genre. Ce plaisir bien connu, qui m'était devenu familier grâce à quelques films des années 80 et 90, mais que j'éprouve bien trop rarement depuis, facile, une décennie. Ce plaisir, pourtant tout simple, que l'on peut typiquement éprouver devant un divertissement hollywoodien sympa, car ne se prenant pas véritablement au sérieux, qui assume son second degré, qui est véritablement teinté d'humour et dont on ne rit donc pas à ses dépens. Et je ne parlerai pas de "plaisir coupable", comme il est apparemment de coutume de le faire quand on défend ce film, tant les personnes derrière tout ça semblent avoir pleinement conscience de l'aimable spectacle qu'elles nous proposent humblement. A commencer par Tom Cruise, le grand instigateur du projet, qui a refilé le scénario, adapté d'une série de best sellers du roman policier, à son diligent ami Christopher McQuarrie.




La star incarne de nouveau un rôle de surhomme insaisissable et précognitif, aux répliques foudroyantes et aux poings fulgurants, ou l'inverse, un héros invincible et assuré de sa supériorité, irrésistible aux hommes comme aux femmes. Mais cette fois-ci, Tom Cruise le joue avec un sens de l'autodérision jubilatoire ! Il faut le voir proposer calmement à ses assaillants de décamper fissa avant qu'il ne leur brise tous les os, il faut l'entendre promettre à un vendeur de supérette récalcitrant de lui faire visiter l'intérieur d'une ambulance s'il n'accepte pas sa requête, il faut l'admirer tordre avec peu d'effort les doigts d'un ennemi insouciant et lui demander poliment s'il peut emprunter sa voiture en lui faisant pendre les clés au nez (et celui-ci de répondre "oui oui, prends-la autant de temps que tu veuuuuuuuuuuuuux, considèèèèèèèèèère qu'elle est à toiiiiiiiiiiii, les papiers sont dans la boîte à gaaaaaaaaaaaaaants")... C'est un véritable festival !




Son personnage, un ancien officier de police militaire à la réputation légendaire, un véritable mythe au passé trouble, dont on ne sait pratiquement plus rien car disparu dans la nature suite à son retour au pays après quelques faits glorieux commis lors des différentes guerres qu'il a marquées de son empreinte, Jack Reacher, donc, est ici appelé à enquêter sur un quintuple assassinat perpétré par un sniper. Un coupable que toutes les preuves accablent a rapidement été arrêté par les flics. Il semble évident que le tireur a choisi ses victimes au hasard, emporté dans son délire criminel et sa folie furieuse. Mais les preuves sont trop énormes et ces cinq meurtres cachent quelque chose. Il y a anguille sous roche, et ça, Jack Reacher en est immédiatement persuadé ! Il va donc aider une élégante avocate campée par Rosamund Pike, une blonde aux seins tous azimuts, à rétablir la justice. Sa justice.




Une scène particulièrement risible veut nous faire réaliser l'effet encore dévastateur de Tom Cruise sur la gent féminine. L'acteur est dans sa chambre d'hôtel, torse nu, les poumons remplis d'air, le dos bien droit, le ventre rentré. L'avocate est face à lui, considérablement troublée à la vue de ses saillants pectoraux et de son buste constellé de cicatrices impressionnantes. Ayant par conséquent du mal à discuter avec lui normalement, à trouver les mots justes dans toute cette émotion, elle le supplie d'enfiler sa chemise. Reacher refuse, prétextant qu'il n'en a aucune de propre. Puis avance vers elle, la domine totalement, et l'avocate, incrédule, bouche bée, n'en croyant pas ses yeux, s'offre totalement à lui, comme une évidence, avant de découvrir qu'il voulait simplement lui transmettre un objet quelconque. La scène se termine par Rosamund Pike sortant de la chambre toute émue, chancelante, puis s'arrêtant un instant sur le perron pour retrouver ses esprits, en s'éventant pratiquement le visage avec les mains. On se croirait presque devant les aventures de Ron Burgundy ! Tom Cruise s'amuse, et nous avec lui.




Tom Cruise n'est pas le seul à se faire plaisir. Dans le rôle de Zec, le génie du mal, nous avons l'agréable surprise de retrouver le grand Werner Herzog, à la tronche plus patibulaire que jamais. Ce dernier prend vraisemblablement un pied incroyable à débiter avec une application malsaine et son délicieux accent teuton des dialogues incroyables de cruauté. Un autre moment fort correspond à cette scène terrible où le cinéaste allemand explique à sa victime, en sortant une main salement amochée de sa poche, qu'il a survécu au Goulag en bouffant ses propres doigts. Le pauvre type en face est ensuite sommé d'en faire autant pour prouver qu'il tient réellement à la vie. En vain. Nous avons également le plaisir de retrouver Monsieur Robert Duvall, dans le rôle d'un vendeur d'armes dévoué. Il participera pleinement à la fusillade finale, en faisant preuve d'une précision très aléatoire... Et puis il y a Richard Jenkins, dans le rôle du district attorney. Toujours un plaisir de croiser Dick Jenkins dans un film. C'est un ami.




On se fiche un peu des détails de l'histoire et de la sombre affaire que s'échinent à résoudre Reacher et l'avocate. Tout ce qui compte, ce sont les coups d'éclats de l'acteur vedette, qu'on avait rarement vu aussi décontracté. On compte au moins trois grandes scènes, où il nous laisse goûter un talent comique que l'on aimerait mieux connaître : celle dite du bar, où Cruise finit par affronter cinq types dans la rue après leur avoir balancé une série de répliques cinglantes en sirotant stoïquement sa bière ; celle de la supérette, évoquée précédemment, où tout se joue dans les regards et l'attitude de l'acteur, sa façon de poser tranquillement des menaces mortelles et démesurées ; et celle où deux malabars ont la sale idée de s'en prendre à lui à l'aide de battes de baseball (Cruise finit par littéralement prendre l'un pour taper sur l'autre !). L'ultime scène nous montre Jack Reacher dans un bus le menant on ne sait où, prêt à s'évaporer de nouveau dans la nature après avoir rétabli son expéditive justice. A l'arrière du véhicule, on entend un homme maltraiter sa femme. Agacé, Tom Cruise se lève soudainement. Écran noir. Générique. Nous le quittons, alors qu'il est sur le point d'à nouveau exploser à sa façon ! Ce final m'a laissé tout frustré. Je réclame une suite des aventures de Jack Reacher !


Jack Reacher de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Rosamund Pike, Richard Jenkins et Werner Herzog (2012)

Va et vient

$
0
0
Film entièrement conçu sur le temps et qui dure bien ses trois heures, Va et vient est la dernière œuvre du cinéaste portugais João César Monteiro, décédé avant la sortie du film. On peut craindre de s'ennuyer devant ce film long et lent mais on ne s'ennuie pas, on est seulement à la limite de s'ennuyer. Les films qui nous ennuient vraiment sont ratés. Les bons films sont (parfois) ceux qui sont à la limite de nous ennuyer. André Labarthe a dit et bien dit que les gens ne supportent pas le temps, le fuient ou le remplissent pour ne pas le voir, sifflent L'éclipse d'Antonioni à Cannes en 1962 parce que c'est un film à la frontière de l'ennui, un film qui ne dit pas où il va, devant lequel le spectateur voit le temps passer sans savoir où va ce temps, comme s'il était embarqué dans un train sans connaître la destination, situation pour beaucoup cauchemardesque. Devant Va et vient, à condition de lui donner ce temps qu'il réclame, on est aux limites de l'ennui, toujours tenus par un plan magnifique, un dialogue riche, une idée poétique, un simple mouvement d'étoffe ou un changement de lueur. Toutes choses respectivement exploitées jusqu'à la corde, longuement, dans des plans-séquences où le spectateur est poussé aux confins de la vision. João César Monteiro épuise l'image, le texte, la lumière, la composition, les corps, les gestes. Il s'agit d'en tirer toute la force.




Et si l'ennui commence à poindre, alors, nourris par la prodigieuse infinité des possibles offerte par la conjugaison de ces belles choses réunies dans une sympathie si particulière, nous prenons le relais, et nourrissons le film, et par là nous-mêmes, de pensées, d'idées, de poèmes entiers ou de sentiments propres. Le film fabrique une matière de pensée et de formes qu'il nous lègue de même qu'il nous offre du temps pour qu'à notre tour nous fabriquions pensées, formes et durées à notre guise. Toujours à condition de mettre 180 minutes à sa disposition pour en récupérer au moins autant, on ne s'ennuie donc pas devant Va et vient, dont le titre annonce ce programme d'un service à renvoyer, d'un aller-retour, d'un mouvement de réciprocité, d'un prêté pour un rendu. L’œuvre en même temps que son personnage principal (João Vuvu, prolongation du Jean de Dieu déjà maintes fois incarné par Monteiro lui-même) va et vient, retourne sur ses pas, semble se nourrir de chaque voyage (le cinéaste, aux monologues si érudits, est aussi un homme de lettres et a été critique de cinéma), d'autant que ces voyages, notamment en bus, sont quotidiens, toujours identiques, et le ramènent sur ses pas (lui comme le récit : le personnage-cinéaste, grand érotomane devant l'éternel, revient sur les mêmes lieux dans d'étranges répétitions et revit les mêmes situations mais toujours très différemment, avec toutes ces demoiselles, candidates au poste de femme de ménage, qui frappent à sa porte). Quel meilleur moyen de mieux penser, de mieux se connaître et de mieux connaître le monde que de quêter la vérité en soi et pour ce faire de tourner en rond autour de soi ? Il y a du Rabelais chez Monteiro, de ce Rabelais grotesque, rieur, extravagant et génial qui, dans Le Tiers livre, organise un récit cloisonné en trois parties, dont une centrale pour creuser le fameux "Connais-toi toi-même" socratique.





Cette idée de symétrie répétitive et néanmoins toute tournée vers un chemin à suivre, une profondeur (utérine peut-être, le cinéaste évoque parfois Robbe-Grillet dans son érotisme élégiaque plus ou moins ambigu) dans le centre de l'image et de l'être. Cette idée devient construction, elle est à la base de tout le dispositif centripète du film puisque pratiquement tous les plans sont construits de la même façon, avec une profondeur de champ au centre du cadre, et un surcadrage permanent qui vient inscrire un renfoncement ou une ligne de fuite au milieu de l'image. C'est à la fois le point sensible de la fuite et le lieu de l'enfermement, au cœur de tout. A la fois une ouverture et un enfoncement, une avancée et un renfermement sur soi. Très souvent le plan est découpé en trois parties verticales égales, tel un triptyque, œuvre picturale composée de trois volets, plaçant un personnage sur chaque côté et, entre eux, une affiche de cinéma (le Pickpocket de Bresson), un tableau, un cadre, une fenêtre, une route, un "entre-deux". Il est rare de voir filmer ce qu'il y a entre les gens, au sens strict, et qui nous plonge dans un abîme, un manque, un creux où nous nous glissons.





Le film tourne en rond, mais les choses reviennent toujours nouvelles pourtant, toujours différentes, plus vieilles peut-être mais toujours neuves, même au-delà de la mort. La nouveauté est presque induite, presque obligatoire quand on puise dans un lieu, une géographie, une architecture ou une lumière tout ce qui peut être puisé. Arnaud Desplechin a déjà dit que le faux-raccord est le seul "vrai" raccord, obligatoire et nécessaire, puisqu'il donne sa justification et son intérêt à tout nouveau plan, n'ayant de raison d'être que s'il est radicalement différent de celui qui le précède. Monteiro ne fait pas de faux-raccord (il ne fait pas beaucoup de raccords puisque le film est une suite de très longs plans-séquences), mais à moment il se rapproche des acteurs : c'est, vers la fin du film, dans la séquence où le cinéaste récite une histoire à une jeune policière en jouant de la musique, juste avant que son fils criminel ne débarque dans la pièce. Le plan sur son récit musical dure très longtemps, et lorsque le spectateur en a absolument tiré toute la richesse, Monteiro cadre soudain la jeune policière en plan rapproché (c'est le premier du film) puis fait un champ-contrechamp (le premier également) en se cadrant lui-même en plan rapproché, assis en face d'elle. Ce changement radical de mise en scène, de valeur de plan, pourtant très connue, cet usage soudain d'un paradigme grammatical pourtant très académique en soi saute alors aux yeux et à l'esprit comme un souffle de folie, de nouveauté et de puissance filmique pure et simple. Après deux heures de film, deux heures de plans d'ensemble fixes, on a l'impression de voir pour la première fois de notre vie un plan rapproché, de découvrir pour la première fois de notre vie ce système étrange du champ-contrechamp. Et ces deux plans, incroyablement nouveaux, ne disent certainement pas la même chose que celui qui les précède. Ils disent autre chose, viennent, nourris du plan précédent, de tous les plans précédents, qui les ont rendus possibles, inventer une altérité miraculeuse qu'on ne pouvait soupçonner.






Le dernier plan du film, sans aucun doute le plus beau et le plus fort (né de la somme de tous les autres plans d'un très long métrage d'une rare densité, il ne peut qu'être le plus riche), projette en condensé toute la puissance métadiscursive du film. Il s'agit d'un long arrêt sur image réalisé à partir d'un très gros plan fixe sur l'oeil grand ouvert du cinéaste dans lequel se reflète un décor pour le moins mirifique, contrechamp du plan précédent qui montrait la cime d'un immense arbre au tronc noueux au centre d'une place lisboète, surmonté d'un dôme de feuillages à travers lequel perçait un grand ciel bleu. Monteiro invente sous nos yeux tout un cinéma en même temps qu'il met la dernière pierre à son édifice. Les deux plans opposés ne s'opposent plus l'un contre l'autre mais se confondent, se conjuguent, tiennent l'un dans l'autre, l'un contre l'autre, embrassés. C'est un plan au carré, doublement riche, doublement puissant. Il faut alors ni plus ni moins le temps qu'il faut, et que Monteiro nous laisse, pour en saisir toutes les couches, tous ces possibles que ne recèle pas le photogramme ci-dessus, car il n'implique pas la totalité du film qui précède et ne permet pas de s'inscrire dans la durée de ce plan, bien réelle dans le film malgré l'arrêt sur image, via la musique mais aussi par sa seule incursion au sein de la durée globale de l’œuvre. La profondeur de champ est une fois de plus, et plus que jamais, au cœur de l'image, sur une surface plane, réfléchissante, obturée mais gigantesque, comme un mur où serait peinte une route, comme le plafond de la Chapelle Sixtine où se dessinent le ciel et les Dieux, c'est ici l'oeil alerte d'un vieillard mourant immortalisé, pétrifié par l'apparition féminine, ouvrant sur l'infini. Après Cocteau nous revoilà en plein orphisme, offerts à la possibilité d’entrer dans la mort et d'en revenir par le miroir. L'image s'enfonce dans l'oeil de l'auteur et, se reflétant dans notre propre regard intermédiaire, nous projette dans un tableau, celui d'une femme, divinisée et fantomatique, celui d'un arbre et de tous les cieux. Absorbés à l'intérieur même de cet œil immense, à l'intérieur même de cet homme, nous avons fini (pour l'heure) d'épouser et d'épuiser un regard d'une fascinante richesse.


Va et vient de João César Monteiro avec João César Monteiro, Rita Pereira Marques, Joaquina Chicau, Manuela de Freitas, Ligia Soares, José Mora Ramos (2003)

Happiness Therapy

$
0
0
C'est l'histoire de deux camés par la vie qui se trouvent. A ma gauche, Bradley Cooper, qui fut élu à l'époque "homme le plus beau du monde". A ma droite, Jennifer Lawrence, propulsée par l'opération du Saint-Esprit "femme la plus cool du monde". Elle remporta aussi l'Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle et ceci restera dans l'histoire comme le plus gros hold-up à mains désarmées de l'histoire du monde, et en particulier des Oscars, qui chaque année sont pourtant d'énormes braquages en strass et paillettes. Ces deux success story humaines incarnent pourtant à l'écran deux personnages enfoirés par la vie. L'un est bipolaire, a perdu son travail, sa maison et sa femme, qui le trompait. L'autre est veuve, à l'âge de 14 ans, et possède un caractère extravagant et imprévisible à croquer, dont on nous vante l'originalité alors que c'est le lot de tous les personnages de ce cinéma faussement indépendant américain actuel qui sent le fumier, cet "indiewood" morbide piloté entre autres par les frères Weinstein, ces deux enflures. 




Et bien sûr nos antihéros bien typiques vont apprendre à se trouver, cautériser leurs plaies respectives, s'aimer et trouver dans un spectacle de danse parfaitement raté mais ultra touchant le premier accomplissement de la nouvelle vie qui s'offre à eux. Le film culmine évidemment lors du concours final où les deux abîmés s'agitent mochement sur un mix des White Stipes et de West Side Story, entre autres, revus et corrigés par Monsieur Danny Elfman (n'avez-vous jamais eu cette curiosité bizarroïde de taper "Danny Elfman" dans Google Images ? Une photo de l'homme en dit long sur son œuvre). La chorégraphie coiffée-décoiffée des deux écorchés vifs nous pousse à hurler "CALL 911 !", d'autant qu'elle est hachée par un montage à la hallebarde qui sauve, comme dans toutes les comédies musicales hollywoodiennes récentes (rappelez-vous Nine), des comédiens tout sauf danseurs, et fait penser, a posteriori, qu'on n'a peut-être pas passé de si mauvais moments devant #DALS.




Ce film indépendant à l'eau de rose, réalisé par David O. Russell, cinéaste transparent que l'on confond un jour avec Michel Gondry (I <3 Huckabees), un autre avec Darren Aronofsky (The Fighter) et ici avec Jason Reitman (l'auteur des pires romances indés putréfiées comme Juno, Up in the Air, Young Adult), est un mix de Flashdance et Rain Man. Avec un poil plus de chance ou un type moins morose derrière la caméra on aurait eu droit à "Flashman", un nouveau super-héros autiste mais putain d'à l'aise sur le dancefloor. Sauf qu'on a juste eu droit à une grosse saloperie qui a rapporté plus de 236 millions de dollars pour un coût officiel de "seulement" 21 millions, ce qui nous laisse pantois et installe David O. Russell dans un fauteuil avant la sortie assez attendue, avec ses mille bande-annonces par semaine, de American Bluff




Logiquement, un film comme ça peut trouver son salut dans les acteurs qui forment le couple d'amoureux que l'on doit forcément aimer. Et si la logique a pris, puisque les deux sex-symbols à l'affiche comptent parmi les égéries de l'époque, elle n'a pas fonctionné des masses sur nous, qui ne voyons là qu'un bellâtre sorti de l'Actor's Studio et faisant des pieds et des mains pour s'acheter une crédibilité, et une greluche qui a obtenu le rôle à la dernière seconde, qui agite ses formes pour éveiller nos instincts les plus primaires et dont le "naturel" rend les journalistes gagas, elle qui passe pour un label rouge au milieu de steaks recomposés tels que Megan Fox ou Jamie Foxx. Entre les deux, Bob De Niro, sur lequel nous aurons la politesse de ne rien dire, d'autant que ce n'est pas dans ce film qu'il paraît le plus perdu, c'est dire...




PS. Rech. trad. CDI, plein temps, anglais-français, français-anglais, pour traduire le titre original du film : Silver Linings Playbook. Smic horaire. 10% CP. Femme de préférence, 14-36 ans.


Happiness Therapy de David O. Russell avec Bradley Cooper, Jennifer Lawrence et Robert De Niro (2013)

Before Midnight

$
0
0
Tous les dix ans, Dick Linklater retrouve son couple d'acteurs, Julie Delpy et Ethan Hawke, pour illustrer une étape décisive de leur vie amoureuse. Tout a commencé avec Before Sunrise, où Ethan Hawke osait aborder la charmante Julie Delpy dans un train traversant l'Europe de l'Est, avant de descendre avec elle à Vienne pour passer une nuit à papoter. Ils se retrouvaient dix ans plus tard à Paris, dans Before Sunset, pour cette fois-ci ne plus se quitter. Cette année, enfin, les voici donc parents de deux jumelles, en proie à des problèmes de vieux couple et face à des décisions capitales pour la suite de leur vie commune. La séparation guette et Asghar Farhadi rôde caméra au poing tandis que l'on se demande si Céline et Jesse seront encore ensemble à la fin du film.




Bien qu'il ne nous propose, en fin de compte, qu'une longue scène de ménage extrêmement bavarde, en cinq mouvements et autant de décors, Linklater parvient à maintenir notre attention du début à la fin. On reste planté devant le film, hagard (Farhadi étant toujours dans le coin), quitte à de temps en temps foutre en l'air la table basse du salon d'un revers de main provoqué par l'une des nombreuses saillies de Julie Delpy. L'actrice campe en effet une femme qu'il faut réussir à encaisser bien qu'elle ne soit pas caricaturale et semble bien réelle. On rêve quand même de lui casser la gueule. Ou au moins de lui souffler à l'oreille : "Respire, reste zen, laisse pisser, apprécie la vie, no woman no cry, yé, yé, yé, I REMEMBER !"




Le film de Linklater Dick alterne les moments de haute volée et d'une remarquable fluidité avec des couacs terribles. La mécanique est si bien huilée que dès qu'un grain de sable se fiche dedans et vient gripper la machine, on le sent bien passer. On s'étonne que Linklater ne l'ait pas senti aussi, probablement manquait-il de recul, comme tout artiste absorbé par sa tâche. On lui indiquera donc la performance désastreuse d'Ariane Labed, un putain de grain de sable. Son personnage est une petite bombe de bêtise, un petit écrin de merde qui vient éclabousser une scène de repas parmi les plus faibles du film (qui compte cinq scènes dont trois en-deçà). Quand Labed dit à Hawke, sous le charme de cette grecque au charme factice : "Toi qu'es écrivain, ça te fait quoi de savoir qu'un jour un ordinateur sera capable d'écrire Guerre et Paix ?", on a envie de couper net, de tout éteindre, de dire "allez hop, le film est raté, emballez c'est pesé".




Un mot sur Ethan Hawke, qui a l'art de passer entre les balles depuis qu'il a joué dans Lord of War. Cet homme-là doit aimer les séries Z car il a tourné dans les pires films de ces derniers temps : Sinister, American Nightmare, etc. On l'oublie trop souvent alors qu'il y aurait une thèse à écrire sur sa filmographie et son aptitude à se faire oublier, à disparaître des mémoires. Chemise en jean, cheveux de paille, pieds nus sur table vitrée, un pan de veste sous la ceinture, l'autre aux quatre vents, rappelons qu'il était considéré comme un pur beau gosse il y a dix ans, aux côtés de Jude Law dans Gattaca, et regardez-le maintenant. Malgré tout il inspire plutôt la sympathie dans ce film, et il mérite clairement un Oscar pour l'ensemble de son œuvre, pour son courage. On attend la suite dans dix piges, ce sera Before Nap, car nos protagonistes auront l'âge de faire la sieste, et puis viendra Before Retirement Home, Before Tisane & Scrabble et Before Death.


Before Midnight de Richard Linklater avec Julie Delpy, Ethan Hawke et Ariane Labed (2013)

Belle et Sébastien

$
0
0
On souligne toujours la "performance" de ces films qui donnent la part belle aux enfants ou aux animaux. La millième adaptation de Belle et Sébastien réunit ces deux gageures, et on l'en félicite en l'applaudissant des deux mains. Mais des deux bestiaux, disons-le, l'un est tout de même plus facile à manœuvrer que l'autre. On veut bien évidemment parler du clebs, puisque qu'il en existe des wagons, autant de Sébastien interchangeables à souhait. C'est le truc à ne pas dire pour ne pas faire retomber la magie du film, surtout aux yeux des gamins qui raffolent de ce genre de contes humanistes. Dès qu'on leur avoue que ce chien des quais qu'ils ont tant adoré n'était jamais le même à chaque contrechamp, et que le réalisateur devait composer avec toute une portée de clébards identiques, choisissant toujours le premier à avoir vidé sa gamelle pour le propulser devant la caméra à l'aide d'un grand coup de pied au cul, les enfants ont envie de crever. Tout l'intérêt du film s'estompe en effet, on leur a menti, on les a trompés, on les a pris pour des cons. 


Nicolas Vanier, aka "Nicolas Vanilla Sky", sur le plateau du film, en compagnie de Sébastien 1, Sébastien 5, Sébastien 7, Sébastien 4, Sébastien 2, Sébastien 3, Sébastien 6 et Sébastien 18.

A ce petit jeu-là, seul Annaud, Jean-Jacques Annaud, est resté droit dans ses baskets, portant Bart the Bear au pinacle dans L'Ours. Bart the Bear n'est autre, rappelons-le aux plus jeunes, que l'ours éponyme du petit chef-d’œuvre d'Annaud, un bestiau unique en son genre et fringuant tous les matins. C'est aussi le dernier grizzly d'Europe, qui a assisté à la mort de sa mère pour les besoins du spectacle, et qui nous a livré à cette occasion l'un des regards-caméra les plus troublants de l'histoire du cinéma. Bart the Bear a ensuite traversé l'Atlantique à la nage pour assiéger Hollywood, vaisseau-mère de l'industrie du 7ème Art, afin de révéler au monde l'horreur de ces élevages en masses de clones animaliers destinés à se partager le devant de la scène dans tous ces films vendus aux enfants naïfs. Bart, à cette occasion, a brisé ses chaînes et fait irruption sur le plateau du film A Couteaux tirés (At a arm left) pour niaquer Sœur Anthony Hopkins, dont il avait peu goûté la prestation minable en Van Helsing dans le Dracula de Coppola, adapté de son roman de chevet. Par chance, Lee Tamahori, réalisateur de son état, était là, caméra au poing, œilleton vissé au front, et a capté la scène pour ensuite construire un film autour de cette image-choc. 


Sur ce cliché, Sébastien 3, après une rude journée de tournage, prépare déjà le spin-off du film, annoncé pour 2016. On peut déjà voir que deux futurs Sébastien seront mis de côté à cause d'un mince défaut de pelage à la naissance du zob, et seront abattus puis dépecés. On ne gardera d'eux que leur pelage qui, même imparfait, servira à l'isolation des murs d'un orphelinat. La peau de Berger des Pyrénées est un isolant inflammable de première qualité que le jeune public du film sera ravi d'avoir dans ses murs.

Pour revenir au film, Belle et Sébastien est donc beaucoup moins honnête et puissant que n'importe quel Annaud. D'ailleurs, en passant, procurez-vous toute sa filmo, ses neuf films, et surtout l'avant-dernier, Sa Majesté Minor, l'Annaud de pouvoir, parce qu'il faut se l'enquiller, faut se le foutre au doigt sans verser la larme, un Annaud pour les gouverner tous, un Annaud pour les trouver, un Annaud pour les mater tous et dans les ténèbres les lier, et pour être invisible en soirée aussi, parce que si vous avez l'intégrale d'Annaud à la maison vous êtes certain d'être poliment ignoré même à domicile. En parlant de Jean-Jacques Annaud, on notera la présence au casting de Tchéky Karyo, son acteur fétiche, venu sur le plateau du nouveau film de Nicolas Vanier entre deux gardes-à-vue pour stationnement sur passage clouté, et qui incarne ici l'abominable bonhomme des neiges sans maquillage. L'acteur a sans doute accepté le rôle avant qu'un réalisateur ne soit appelé à la rescousse suite au refus de l'auteur de La Guerre du feu, que Tchéky vénère et qu'il appelle "Le Nécromancien". Un mot sur Belle quand même, la gamine du film, qui quant à elle a passé du bon temps sur le tournage, à cheval sur le dos de Séb', qu'elle appelait "Bastien" quitte à systématiquement faire tressaillir toute la meute de clébards du film. La petite Belle, avare en images chocs mais gourmande en DéliChocs, de Delacre, est assez masculine d'aspect et rend donc peu hommage au prénom de son personnage, tout comme son prédécesseur, Mehdi El Glaoui, qui a bien vieilli mais qui joue dans le film. C'est le problème de toutes ces filles qui s'appellent Linda ("bonne" en portugais), sauf qu'ici le contraste est encore plus saisissant entre le sens du prénom et l'horreur de ce gosse recouvert de poils blancs et cavalant à quatre pattes dans la neige.


Belle et Sébastien de Nicolas Vanier avec Félix Bossuet, Tchéky Karyo, Margaux Chatelier et Mehdi El Glaoui (2013)

Le Joli mai

$
0
0
Dans ce sublime et indispensable documentaire, sorti en dvd le 19 novembre de cette année et distribué par Arte, Chris Marker et Pierre Lhomme (directeur de la photo pour Rohmer, Cavalier, Eustache ou Bresson) dressent un portrait de Paris et de ses habitants au mois de mai 1962. Le film, qui s'ouvre avec la voix d'Yves Montand sur des vues surplombantes de la capitale, commence comme une brève visite touristique, où le poids de l'Histoire se pose d'emblée sur chaque coin de rue, avant de brutalement déboucher sur le présent : mai 1962, les parisiens, les parisiennes, leurs visages, leurs gestes, leurs voix et leurs précieuses paroles surtout, quand ils répondent devant la caméra à des questions aussi brutes et primordiales que : "Quelle est votre définition du bonheur ?" ou "Êtes-vous heureux ?".




Il est extrêmement émouvant de voir et d'entendre la parole plus ou moins libérée mais toujours sincère et surtout toujours soutenue, riche et précise (chose alors répandue dont il faut bien dire qu'elle s'est assez perdue) de ces français d'il y a 51 ans, qui sont ou auraient pu être nos parents et nos grands-parents, et qui, commerçants, se plaignent de leur travail et de leur femme, mères de familles nombreuses prisonnières de vieux immeubles insalubres, se réjouissent (pour certaines) de leur relocalisation accordée dans un lotissement neuf, vieux cons de la première heure, se scandalisent qu'on donne la parole à des lycéens pour aussitôt se l'approprier et ne pas dire davantage, cyniques sûrs d'eux, se gargarisent des absurdités du cours de la bourse, jeunes immigrés, racontent le racisme, jeunes et moins jeunes femmes victimes d'un matraquage ancestral de préjugés à la dent dure, implorent qu'on n'octroie pas le droit de vote à des êtres aussi suiveurs et superficiels qu'elles et leurs semblables du même sexe, ou jeunes mariés, assistent un peu béats et déjà revenus à leurs propres noces célébrées par des oncles et des tantes imbibés d'alcool jusqu'à plus soif, oublieux d'eux-mêmes, des caméras et de ceux qu'ils sont venus marier.




Particulièrement touchant est le portrait de deux futurs mariés, ce jeune homme en fin de service militaire et sa compagne souriante, qui imaginent en couple leur avenir amoureux en se voyant plus amoureux que le reste du monde, mais ne peuvent dissimuler, dans un regard de plus en plus bas et fuyant ou des inflexions de voix incertaines, quand leurs réponses toutes faites et très sereines se fatiguent d'avoir été trop données, et qu'il s'agit de trouver autre chose, d'aller au-delà des formules et d'imaginer vraiment la suite, que cet avenir les enthousiasme certes mais les terrifie aussi.




Tous les sujets, tous les milieux, tous les cadres, tous les gens et tous les lieux y passent ou presque dans cette vaste fresque humaine pleine d'existences, de certitudes, de doutes et d'entrain. Mais ce qui fait le prix de ce beau film, outre tous ces visages et toutes ces voix bouleversantes en elles-mêmes, c'est le regard si intelligent qui tient la caméra, et les mains qui montent (parfois avec malice, comme quand les deux ingénieurs-conseils se désespèrent des constats défaitistes de l'interviewer) l'ensemble de ces moments de pure parole octroyés à ceux qui en ce temps-là ne l'avaient jamais, et qui, dans le réseau de la ville et dans celui du film, font un portrait fascinant de Paris en ce mois de mai non plus fameux que les autres aux yeux de ceux qui le peuplent, malgré l'indépendance imminente de l'Algérie. On rêverait qu'un Chris Marker s'occupe chaque année de faire la même peinture de tous les mois de mai et de tous les français.

PS : Je remercie Cinetrafic, qui m'a permis de découvrir le film en dvd, et, pour ce faire, je dois vous le dire : Visitez Cinetrafic que vous soyez plutôt films comiques, séries, films arabes ou films gays. Y'en a pour tous les goûts chez Cinetrafic !


Le Joli mai de Chris Marker et Pierre Lhomme avec Yves Montand, les parisiens et les parisiennes (1962)

Don Jon

$
0
0
Après un tel film, la logique voudrait que Joseph Gordon-Levitt fasse profil bas pendant un bon moment. Mais la logique, vous savez... On espère en tout cas que les velléités de cinéaste du jeune acteur seront mises en veilleuse indéfiniment. Car, à l'évidence, JGL n'a rien, rien à dire, rien à montrer et donc rien à faire derrière une caméra. Son premier film est d'une nullité inouïe en plus d'être révélateur d'une absence totale de personnalité, à moins que celle-ci se caractérise avant tout par une bêtise et une vulgarité à toute épreuve, ce que ses nombreuses fans auront bien du mal à avaler... C'est en tout cas ce que Don Jon laisse à penser et, étant donné le sourire béat qu'affiche la vedette du début à la fin dans son rôle d'obsédé qu'il doit croire très osé, on a aucun mal à s'imaginer que le bonhomme est tout à fait fier de lui. Ça fait peine à voir.




Joseph Gordon-Levitt a donc voulu nous livrer son film sur les hommes d'aujourd'hui, "l'homo sapiens youpornus" ou "la génération Jizzhut", comme je regrette de l'avoir lu sur internet ; cet homme occidental, à l'environnement saturé d'images aguicheuses ou obscènes, à la recherche du plaisir facile et immédiat, disponible en quelques clics. Cet homme qui se retrouve confronté à de grandes désillusions quand il comprend que les femmes ne correspondent pas aux attentes façonnées par le porno dont il s'abreuve. Ici, Don Jon (Joseph Gordon-Levitt donc) rencontre la dénommée Barbara Sugarman (Scarlett Johansson). Étant donné le look de ladite Barbara et son patronyme ridicule, on imagine d'abord que le bienheureux Don Jon est bel et bien tombé sur une véritable actrice porno, là, à sa portée, trouvée dans cette boîte qu'il hante toutes les nuits en quête du coup d'un soir.




Mais non. Malgré son extrême vulgarité, ses tenues ignobles, son maquillage abject et, pour faire plus simple, son allure de trainée, Scarlett Johansson, qui n'a jamais été aussi laide, incarne une jeune femme propre sur elle attendant encore le prince charmant. Gordon-Levitt essaie donc longuement de s'intéresser à ce décalage entre les fantasmes et les espoirs des deux personnages, mais il n'en tire strictement rien. Et quand Barbara surprend Don Jon en train de regarder du porno sur son sacro-saint MacBook, c'en est fini. Leur amour naissant se désintègre d'un seul coup. Le jeu ridicule de Scarlett Johansson n'aide pas à rendre la réaction de son personnage plus compréhensible et crédible ; Don Jon est immédiatement sommé de débarrasser le plancher. Alors on passe à autre chose, comme Don Jon justement, qui oublie tout du jour au lendemain, pour les tâches de rousseur (ou de putréfaction ?) de la triste Julianne Moore...




L'idée d'axer son scénario sur un pur tocard dont la vie serait parasitée par son obsession pour la pornographie pourrait donner lieu à un film au moins un peu amusant, à des situations forcément comiques. Il n'en est rien. Joseph Gordon-Levitt nous propose seulement une galerie de personnages sans vie, auxquels on ne croit pas une seconde, la palme revenant à la petite sœur toujours collée à son portable. Le tout est accompagné par quelques numéros d'acteurs pathétiques (il faut voir Tony Danza en faire des tonnes dans la peau du papa rital macho, c'est véritablement insupportable) qui s'agitent tour à tour dans une succession de scènes abrutissantes car menées sur un rythme intenable via un montage proprement dégueulasse. Très vite, les petites idées de l'apprenti réalisateur lassent terriblement et forment un ensemble ingérable, sans aucune tenue. Son film réussit à ne ressembler à rien et à la fois à tout, à tout ce qu'on ne veut plus voir, à n'importe quelle saloperie indé se croyant un peu subversive.




Étant donné le sujet, on pourrait flirter avec les plus grasses comédies d'Apatow, et c'est peut-être l'impression que l'on peut furtivement ressentir quelques fois, mais les tentatives d'humour sont beaucoup trop timorées pour situer clairement le film dans cette catégorie-là. On pourrait s'attendre à une sorte de Shameautoproclamé plus "fun" et "cool", puisque la sexualité de l'omniprésent Don Jon est tout de même assez préoccupante, mais la chose est traitée de façon si superficielle qu'on ne peut finalement pas rapprocher les deux films. Au bout du compte, c'est surtout à une de ces romcoms minables que le film s'apparente. Après quelques égarements, Don Jon finit par trouver chaussure à son pied, et c'est là tout l'enjeu d'un (très) long métrage à la morale grotesque ; un enjeu il est vrai un peu tardif dans un film terriblement mal rythmé et achalandé. Le pire, c'est que Joseph Gordon-Levitt a l'air sincère, il semble croire en ce qu'il fait et en ce qu'il nous raconte. Il doit considérer très touchante et très juste la romance putride qu'il invente entre son personnage d'obsédé sexuel et cette vieille femme endeuillée, jouée par la fantomatique Julianne Moore, dans un rôle de détraquée imprévisible mais drôle comme on en croise des wagons dans l'indiewood. C'est terriblement déprimant, vraiment, et même plutôt embarrassant car, devant tout ça, on se sent souvent assez gêné pour l'acteur.




Au générique, Joseph Gordon-Levitt adresse ses remerciements à Rian Johnson, Christopher Nolan et Steven Spielberg. Du beau monde... Le premier aurait aiguillé celui qu'il a dirigé dans Looperpendant l'écriture du script, corrigeant notamment ses nombreuses fautes. Le second aurait vivement encouragé l'acteur à passer derrière la caméra et l'aurait accueilli à sa table de façon anormalement régulière entre février et avril 2012. Quant au troisième, on espère sincèrement qu'il n'y est pour rien ou qu'il a simplement prêté l'une de ses casquettes. 


Don Jon de Joseph Gordon-Levitt avec Joseph Gordon-Levitt, Scarlett Johansson, Julianne Moore et Tony Danza (2013)

The Immigrant

$
0
0
Les affiches remarquablement laides du film, la présence sur ces affiches de Marion Cotillard et les récentes affinités de James Gray et Guillaume Canet (sans parler de leur collaboration pour le scénario du premier film américain de notre nullard national), tout cela laissait présager le pire. Réjouissons-nous donc, The Immigrant n'est pas la débandade tant redoutée, et s'il n'est pas à la hauteur de Two Lovers, qui reste à ce jour le chef-d’œuvre de son auteur, le film est digne de James Gray et lui ressemble énormément. Il lui ressemble pour le pire (même si le mot est trop fort), dans une scène relativement grossière, ou disons surlignée, qui rappelle, en très atténués, les défauts des premiers films du cinéaste (notamment ces effets sur-dramatiques, avec ralentis poussifs à la clé, qui alourdissaient le néanmoins remarquable La Nuit nous appartient), mais il lui ressemble surtout pour le meilleur.




Le film brille par un certain nombre d'idées de mise en scène tout en finesse, réalisées avec un talent inestimable. On repense longtemps, par exemple, à la représentation de l'ivresse d'Ewa - incarnée par une Marion Cotillard une fois n'est pas coutume excellente - quand la caméra glisse lentement, pesamment, sur les miroirs déformants du cabaret. Surgit aussi de l'ensemble de l’œuvre le jeu excessif et maîtrisé du cinéaste sur la figure monstrueuse du génial Joaquin Phoenix à la fin du film, quand, le dos voûté, le visage défoncé et la voix détruite, il s'incrimine auprès de sa victime et protégée, devenant soudain un "monstre d'humanité", pour reprendre cette expression misérable dans un sens quasi-littéral, après avoir fait étalage d'une humanité monstrueuse, en particulier dans la scène où il accusait Ewa de vol pour aussitôt la pardonner et refermer ainsi son piège sur elle. Mais sans focaliser sur ces moments prégnants, c'est de l’œuvre entière que se dégage un sentiment bien rare et appréciable : cette douceur singulière du cinéaste, qui, comme dans Two Lovers, joue dans le feutré, réalise un film sage et secret.




On oublie vite la séquence contrariante du meurtre, où l'accès de bêtise du beau personnage de Jeremy Renner dénote au même titre que les excès de la bande sonore et que le jeu outré de Marion Cotillard, que ses mauvais réflexes rattrapent brièvement à ce moment-là, on oublie tout cela pour ne retenir que la musique tourmentée et consolante à la fois que nous joue James Gray du début à la fin du film. La force de The Immigrant est de parvenir à rendre l'hommage le plus juste et le plus pertinent qui soit au cinéma muet américain des années 20 : non pas tomber dans le pastiche façon The Artist (ces mains maladroitement posées sur son visage par Marion Cotillard viennent quand même de là), non pas reproduire des procédés anciens ou se limiter à la citation à n'en plus finir du cinéma de Griffith, Borzage et Chaplin, ne pas rendre un simple "hommage" en somme, mais tenter de recouvrer et de se réapproprier une forme de mélodie rythmique propre à l'époque, la grâce de ces mélodrames tout en visages et en gros plans expressifs, débordant d'émotions quoique parfaitement pudiques, une certaine poésie consubstantielle de l'éclairage, de la composition et du montage portée à incandescence dans les grands chefs-d’œuvre de ce temps-là. James Gray a l'intelligence de cet hommage, qui précisément n'en est pas un, et révèle donc (une fois encore) ce que cela suppose d'intelligence du cinéma.


The Immigrant de James Gray avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix et Jeremy Renner (2013)

Le Congrès

$
0
0
En 2008, on avait reproché à Ari Folman, auteur de Valse avec Béchir, une certaine tendance à la dénonciation stabilotée, un acharnement à mettre le doigt un rien trop lourdement sur les problématiques soulevées par ses films. Mais que dire alors de ce Congrès, assez unanimement encensé par la critique, qui fait montre d'une lourdeur sans commune mesure ? On dirait bien qu'Ari Folman est décidé à s'éloigner de plus en plus consciencieusement de toute idée de subtilité. L'idée du Congrès (retitré "Le Symposium" au Québec), passionnante à l'état embryonnaire, c'est de dépeindre un avenir proche où les acteurs de cinéma disparaissent au profit de leurs doubles scannés, numérisés et informatiquement manipulés une fois intégrés dans tous les films possibles et imaginables, ces doubles d'images et de sons étant condamnés, à terme, à devenir de purs produits consommables et assimilables en gélules par les masses.




L'actrice qui sert de pivot au scénario de Folman n'est autre qu'une Robin Wright pour le moins reluctante à l'idée de quitter les planches au bénéfice de sa projection animée. Son agent, interprété par un Harvey Keitel une fois n'est pas coutume bien balourd, presse sa protégée de signer l'ultime contrat proposé par la Miramount (...), qui tirera bientôt d'elle un pantin digital à la merci des requins des grands studios. Keitel, pour convaincre notre ex-madame Sean Penn, argue que sa carrière n'a été qu'une accumulation de choix désastreux. Il est vrai que son plus grand rôle reste celui de Bouton d'Or dans Princess Bride… à côté de quoi surnagent vaguement ses seconds rôles dans Forrest Gump ou Incassable. A côté de ça (mais on pourrait mettre Princess Bride dans le lot), l'actrice s'est perdue dans une succession de désastres artistiques à laquelle, on finit par l'en convaincre, il serait temps de mettre un terme. Dieu sait que ce n'est pas avec ce film (ni d'ailleurs avec le récent Perfect Mothers d'Anne Fontaine) qu'elle y parviendra.




Le film est assez rasoir dès le départ, avec ces personnages caricaturaux et cette intrigue parallèle pénible sur le fils bientôt aveugle et sourd de Robin Wright, mais l'échec de The Congress devient criant dès la scène cruciale, et qui arrive assez vite, de la "captation" numérique de la comédienne. Revêtue d'une combinaison couleur chair, enfermée dans une boule de capteurs lumineux où des flashs menaçants crépitent sans prévenir, Robin Wright est sommée par un technicien de déployer la palette de ses émotions en répondant au doigt et à l'oeil à toute une série d'expressions faciales dictées par autant d'ordres impersonnels et froids ("souris, marre-toi comme une baleine, sois triste, chiale !", etc.). L'actrice étant très vite sur le point de tout arrêter, son agent décide de lui raconter une anecdote afin de provoquer en elle les affects requis. L'idée se tient, qui veut que jouer ne se limite pas à un exercice de singe savant obéissant et forçant ses émotions sur commande, qu'un récit est requis, des personnages nécessaires, un réel préexistant aux sentiments, afin d'atteindre au jeu véritable. Mais le bât blesse quand l'anecdote sans intérêt débitée par un Harvey Keitel franchement attristant fait rire aux éclats puis pleurer comme une madeleine la jolie Robin Wright en omettant d'en faire autant pour le spectateur, qui quant à lui a tout le loisir de s'ennuyer ferme, faute d'y croire, et que la musique pathos bien ronflante que Folman lui balance agace de toute façon beaucoup trop pour qu'un fœtus d'émotion ou d'implication puisse espérer naître en lui.




Dès cet instant, le film sombre. Mais il ne fait encore que commencer à s'abîmer et n'a pas fini de racler le fond. Folman plonge encore quand, vingt ans après les faits qui nous ont été racontés, il projette un monde cauchemardesque où les êtres humains deviennent des créatures de dessins animés (dessinées par Folman lui-même, un putain de cauchemar en effet), capables en outre de changer de peau de papier, d'adopter temporairement l'aspect idéal souhaité (qui de ressembler à Eastwood dans son poncho leonien ou à Elvis Presley ?) en absorbant une simple pilule. Ce monde de rêves superficiels réalisés sans effort, univers d'hallucination collective vouée à faire oublier la sordide réalité du concret, est plébiscité par un gourou effrayant, ersatz de Steve Jobs nommé Reeve Bobs (Folman n'est pas lourdingue pour un sou... il faut voir aussi sa caricature de Tom Cruise !), prêt à vendre du rêve à des masses d'adorateurs inconscients, perché dans un dirigeable impeccable qui surplombe la vermine. On sent la délicatesse du propos de Folman, qui aime par-dessus tout glisser dans la bouche de ses personnages des débuts de questionnements philosophiques dignes d'un lycéen moyen en fin de Terminale L qui sait qu'il n'aura son baccalauréat qu'au rattrapage et en baissant son froc. Folman lance des sujets puis s'épargne bien sûr tout approfondissement trop fastidieux, quand il ne se contente pas de répéter en boucle à son héroïne "Tout se passe dans ta tête…". Bien vu l'aveugle.




Mais le pire c'est qu'il y avait un truc à faire ! Tout sauf ça. Même avec très peu de moyens et un traitement épuré, Folman pouvait travailler sur le concept même de motion capture et l'idée d'avatars numériques plus vrais que nature quoique parfaitement inhumains. C'était ça, en fait, le sujet. Mais Folman, qui certes n'est pas doué pour les prises de vues réelles et s'avère médiocre quand il s'agit de filmer de vrais gens (la séquence de captation de Robin Wright, censée jouer sur le visage d'une actrice de chair et de sang, est un fiasco total), devait forcément caser ses dessins dans le merdier… Or son coup de crayon, d'une laideur sans pareille, et la composition de ses plans, avec incrustation surchargée de milliers de petits détails hideux et maladroitement juxtaposés, donne des envies de mort subite. Ari Folman a au moins l'air content de lui, et c'est déjà pas mal, puisqu'il fait dire à l'avatar de son actrice qu'elle évolue dans un univers comme dessiné par un "génie sous amphétamines". La mégalomanie du cinéaste laisse songeur et n'a d'égal que la lourdeur de la très longue partie dessinée de son film, ultra boursouflée, qui semble durer des siècles et se révèle vite irregardable. Une petite réclamation personnelle pour terminer : Ari Folman me doit un nouveau téléviseur, vu que l'ancien est désormais constellé de pixels morts, qui se sont suicidés après le passage répété des dessins dégueulasses du Congrès, authentique conglomérat de fèces graphiques au service de bonnes idées de départ devenues rachitiques une fois traitées.


Le Congrès d'Ari Folman avec Robin Wright et Harvey Keitel (2013)

Tel père, tel fils

$
0
0
Encore un bien beau film à mettre à l'actif de Hirokazu Kore-Eda qui traite avec toute la délicatesse qu'on lui connaît cette histoire de gamins échangés à la naissance entre deux familles que presque tout oppose. Bien que l'on ait très souvent loué la tendresse et la justesse de son regard sur les enfants qu'il met en scène, c'est cette fois-ci sur un personnage d'adulte que le cinéaste nippon choisit de se concentrer essentiellement : un père un peu paumé, remettant progressivement en question ses nombreuses certitudes, à commencer par sa conception de son rôle paternel, quand il apprend que son seul fils ne partage pas son sang.




A partir d'un tel point de départ, le traitement de Kore-Eda pourra en surprendre et peut-être en décevoir quelques-uns. Tel père, tel fils est moins directement émouvant que son précédent film, I Wish, et ne contient pas les mêmes fulgurances poétiques. Il est peut-être davantage à rapprocher du sublime Still Walking, avec lequel il partage plus de similitudes et de réflexions communes sur la famille et ces rapports, riches en non-dits, entre les parents et leurs enfants. Mais ces comparaisons sont de toutes façons bien vaines tant rien ne ressemble plus à un film de Kore-Eda qu'un autre film de Kore-Eda ! La patte du cinéaste est en effet reconnaissable entre mille. Nul autre que lui ne saurait raconter d'une si douce manière cette belle éclosion d'un père, en faisant preuve d'un regard plein de tact et de finesse pour un homme (brillamment interprété par le beau Masaharu Fukuyama) que l'on pourrait aisément trouver antipathique ailleurs, et tout en parvenant, dans le même temps, à ne délaisser aucun autre personnage, à tous les faire joliment exister, dans leurs joies, leurs tristesses, leurs réflexions et leurs doutes respectifs.




Cependant, on pourrait presque considérer que les enfants sont cette fois-ci relégués au second plan, après avoir été les protagonistes de Nobody Knows et I Wish. Mais ce serait faire erreur, car l'une des plus grandes réussites de Kore-Eda réside ici dans sa façon discrète et magnifique de filmer le regard que posent les enfants sur les adultes, sur leurs parents. Ce n'est pas, il me semble, quelque chose que l'on voit très souvent au cinéma et il ne doit pas être évident de parvenir à saisir cela avec une telle acuité, mais le cinéaste y parvient et cela donne lieu aux plus belles scènes de son nouveau film, à des moments parfois très fugaces où Kore-Eda réussit à capter l'indicible. Le talent des acteurs, tous irréprochables, n'y est évidemment pas pour rien non plus.




Si ses choix pourront donc décontenancer, il faut aussi souligner que Kore-Eda ne tombe jamais dans la facilité. Il pourrait nous montrer, de façon alternée, par vignettes ludiques successives, la vie des deux petits garçons une fois arrivés dans leurs nouvelles familles, en insistant avec humour sur les différences de celles-ci. Car les deux familles ont bien sûr quelque chose d'archétypale, mais jamais le réalisateur ne baigne dans cette caricature qui serait bien commode pour susciter le rire. On peut évidemment rire et sourire quelques fois devant Tel père, tel fils, mais cet humour, toujours léger, né des réactions naturelles de personnages réellement touchants et de petites choses qui sonnent tout à fait juste. Kore-Eda pourrait aussi s'épancher avec emphase sur le vécu intérieur des enfants ou de leur parents, plongés au cœur de ce qu'ils vivraient alors comme un véritable drame, en y allant franco sur le pathos afin de provoquer les larmes. Mais nous sommes bien loin de tout ça, car Kore-Eda a l'intelligence de ne jamais perdre le cap qu'il s'est fixé, celui, subtil et inattendu, qui finalement lui ressemble tant. A travers cette histoire d'apparence très simple, Tel père, tel fils apparaît en fin de compte d'une grande richesse et parvient ainsi facilement à dépasser son sujet et à l'universaliser sans effort.




Contrairement à ce qu'ont pu me faire redouter certaines réactions cannoises, Tel père, tel fils est donc un film où l'on retrouve tout ce que l'on aime chez Kore-Eda, et surtout cette infinie humilité et cette rare douceur à laquelle il nous a habitués. Il n'est pas étonnant que ce film, couronné du Prix du Jury au dernier festival de Cannes, ait tapé dans l’œil du président d'alors, Steven Spielberg. Ce dernier en aurait même acheté les droits en vue d'un remake hollywoodien. Et là, par contre, il y a tout à craindre tant sont rares les cinéastes aussi sensibles et délicats que le précieux Hirokazu Kore-Eda. 


Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-Eda avec Masaharu Fukuyama, Machiko Ono, Lily Franky et Yoko Maki (2013)

Who's That Knocking at My Door

$
0
0
Who's that knocking at my door est le premier long métrage de Martin Scorsese, tourné sur plusieurs années, sans argent, en noir et blanc et avec de jeunes acteurs inconnus (dont Harvey Keitel dans son premier rôle, qui n'allait pas rester inconnu longtemps, et comment s'en étonner en le voyant déjà si charismatique et si doué). Le premier film du cinéaste, indépendant par la force des choses, réunit pour le coup pas mal des caractéristiques majeures des premiers essais d'un certain nombre de grands réalisateurs indépendants américains. On pense au premier Cassavetes, Shadows, au premier Spike Lee, Nola Darling n'en fait qu'à sa tête, ou au premier Van Sant, Mala Noche, quand on découvre cette œuvre magistrale, foisonnant d'idées de mise en scène, d'expérimentations formelles, de trouvailles visuelles qui font presque toujours mouche, bref débordant d'une très joyeuse et intarissable inventivité.




On sent à chaque instant que l'influence de la Nouvelle Vague, et particulièrement celle d'À bout de souffle, le dispute à une imprégnation déjà primordiale dans le cinéma américain et particulièrement dans le cinéma de genre. Scorsese met immédiatement dans la bouche de son acteur principal tout un discours, très savoureux, sur La Prisonnière du désert de John Ford, avant même de véritablement nous immerger dans ce qui sera sa première incursion au cœur du film de gangster, genre qui, ici, contrairement à ses films suivants (dont le génial Mean Streets, tourné quatre ans plus tard), n'est encore qu'un prétexte pour filmer ce que tous les cinéastes débutants (ou presque) filment en premier : un jeune personnage dans la fleur de l'âge, en proie à la découverte de l'autre sexe et confronté à sa première relation amoureuse.




Tout Scorsese est déjà là, les gangsters donc, leur gouaille, leur camaraderie incertaine, leur tiraillement entre le poids de la religion d'un côté et des activités délinquantes de l'autre, et, partant, la relation difficile et ambiguë avec les femmes, unilatéralement saintes (c'est-à-dire épouses et mères) ou putes. Sauf qu'en prime Scorsese réalise son film sinon le plus maîtrisé, puisqu'il fait là ses premiers pas, peut-être le plus audacieux en termes esthétiques (si l'on excepte The Big Shave, son premier court métrage déjà fascinant, mais reposant sur une seule et vertigineuse idée, là où le premier long de Scorsese dont nous parlons en regorge à n'en plus finir). Le jeune cinéaste s'amuse, tente, ose tout ce qui lui passe par la tête : séries de gros plans brutalement raccordés dans l'axe (les suites d'inserts sur le cadenas du bar, agréablement superflus), faux-raccords violents (dès le début du film, quand Keitel écoute le speech ridicule de son ami fanfaron dans un bar tout en fantasmant la présence au comptoir de la fille qu'il convoite et que nous voyons apparaître par la grâce de son désir, pour régulièrement se (et nous) projeter - souvenir ? fantasme ? scène magnifique en tout cas - sur un banc, auprès d'elle, les deux tourtereaux faisant connaissance dans ce qui ressemble à un hall de gare en échangeant à propos du chef-d’œuvre de Ford), travellings et surcadrages (toujours dans le bar, quand l'ami de Keitel est filmé à travers les pieds des chaises de bar retournées sur le comptoir, effet aussi gratuit que réussi), montage poétique et ralentis (dans l'inoubliable séquence du défilé des putains chez Keitel, scène charnelle et voluptueuse qui retentit du plaisir de son auteur), et ainsi de suite.




Ajoutez à cela un beau portrait de gangsters à la petite semaine et en devenir, une bouleversante histoire d'amour entre un jeune homme aux vues étriquées par son éducation religieuse et une jeune femme violée considérée par celui qu'elle aime comme une fille facile prête à tout pour justifier sa perte de virginité, le tout admirablement traité et filmé dans un noir et blanc très contrasté que Scorsese exploite avec brio, qu'il s'agisse de filmer une séquence de dialogue où les amants marchent côte à côte, visages surexposés dans un décor urbain charbonneux (séquences que reprend l'affiche), ou un flash-back terrible sur l'agression de l'héroïne, dont les longs cheveux blonds déchirent littéralement la nuit, et vous obtenez un premier film époustouflant, pour moi le meilleur de son auteur.


Who's That Knocking at My Door de Martin Scorsese avec Harvey Keitel, Zina Bethune, Anne Collette, Lennard Kuras, Michael Scala et Harry Northup (1967)

Prisoners

$
0
0
Ces dernières années, il fallait plutôt regarder du côté de la Corée du Sud pour dénicher des thrillers tendus, aux ambiances pesantes et malsaines, les Américains s'avérant bien incapables de rivaliser avec leurs concurrents asiatiques sur ce terrain-là. Ce manque évident explique peut-être en partie l'accueil dithyrambique réservé à Prisoners, largement présenté comme la plus grande réussite américaine en ce domaine depuis Seven, voire Le Silence des Agneaux. Zodiac et Mystic River sont les autres titres les plus souvent cités pour situer le film de Denis Villeneuve. Si cette filiation est plus ou moins justifiée et si Prisoners s'impose effectivement comme l'un des thrillers américains les plus efficaces sortis dernièrement, il ne s'agit pas pour autant d'une réussite entière et le film peut décevoir quand on attend un peu plus que 153 minutes de divertissement.




Alors il pleut beaucoup, certes, tout le temps même, comme dans Se7en. Emportés par leur malheur, les personnages agissent bêtement, guidés par leur ressentiment et leur amertume, comme dans Mystic River. On a bien du mal à dénicher le tueur, et on finit même par penser qu'on ne parviendra jamais à mettre la main dessus, comme dans Zodiac. Il y a une battue dans la forêt pour dénicher les gamines disparues, ce qui rappelle inévitablement La Règle du jeu. Et enfin, l'Amérique dépeinte par Denis Villeneuve semble surpeuplée de monstres, de détraqués, un peu comme dans Le Silence des Agneaux, dont la filiation est tout de même bien plus floue à nos yeux. On a d'ailleurs eu un mal de chien à en inventer une. Et on va arrêter là ce petit jeu des références parce que nous en avons nous-mêmes très très peu et ça commence à se pifer. Finalement la vraie bible de Denis Villeneuve c'est KidA, qui défile en intégralité dans Prisoners comme dans Incendies (film dont on a vu l'affiche !), son précédent film. Le réalisateur québécois ne jure en effet que par Radiohead, le groupe anglosaxon incontournable, celui qui réunit des gens aussi différents qu'Yvan Attal, David Fincher, Brad Pitt, Guillaume Canet, Alfonso Cuaron, Richard Linklater, Cédric Klapisch, Cameron Crowe et Smaïn. Au point qu'on se demande finalement si ces gens sont si différents... Quelle est la frontière entre Fincher et Smaïn ? Elle est maigre, ça c'est sûr, et Johnny Greenwood est assis dessus, avec une guibole osseuse qui pend de chaque côté. Pour la petite histoire, on aurait aperçu David Fincher, Smaïn, Ed Norton et Brad Pitt échanger quelques verres dans le carré VIP du dernier show privé de Radiohead à Milan (Italie). Aurons-nous droit à un biopic de Smaïn par le grand duc d'Hollywood, l'auteur de Fight Club ? La rumeur cavale depuis maintenant !




Puisque le paragraphe précédent sur les influences de Villeneuve est un semi-échec, concentrons-nous sur l’œuvre en tant que telle, pour dire d'emblée qu'en 2h33, on est en droit d'attendre des personnages plus étoffés, plus mémorables. Si les acteurs font tout leur possible pour leur donner de l'épaisseur, à commencer par un honnête Jake Gyllenhall, les personnages ont bien du mal à exister en dehors de leur fonction. Jake Gyllenhall est enquêteur, alors il enquête. Hugh Jackman est un papa brisé par la disparition de sa fille, alors il se met en colère et perd la raison. Ne parlons pas des mamans, Maria Bello est condamnée à rester au plummard en s'enfilant des cachetons. A propos de Maria Bello, saviez-vous qu'elle a récemment fait son caméo ? On pouvait deviner qu'elle était au moins des deux bords, bi-sexuée, en regardant attentivement les scènes trash dont regorge sa filmographie, à commencer par A History of Violence, dans la version longue recommandée par David Cronenberg, le cinéaste de la chair, des muqueuses et de tout ce qui chlingue. Qui a vu cette version uncensored, le devil's cut du film, n'a pas pu oublier ces scènes supplémentaires, ces bonus bonnards où Maria Bello, après s'être grimée en pom-pom girl de pacotille pour satisfaire les bas besoins de son macho de mari, plie ce dernier à ses propres désidératas en le déguisant en écolière et en le labourant dans les escaliers avec un ustensile qui a perdu son nom lors de ce tournage et qui n'en a pas retrouvé depuis. D'ailleurs, même pour les miséreux qui n'ont vu que le fameux 69, transformé en 96 dans la version x-rated, il suffisait de décoller le regard de ce putain d'artiste qu'est Aragorn pour mater le regard haineux, rêveur, ailleurs, de Mario Bella, pour le moins "not interested".




Comment revenir au film après ça ? Peut-être en disant que la fin retombe comme un soufflet. On aurait carrément préféré que le personnage tourne en rond encore longtemps, cherche le criminel toute sa vie, que le film dure, dure, dure, des heures, des jours, des semaines qui sait ? Mais qu'il ne s'arrête pas comme ça... Pas là-dessus. Le film semble chercher son souffle à la fin. C'est pas tous les jours qu'on mate un film qui ventile, qui cherche de l'air, qui tire des taffs dans le vide pour pas clamser sous nos yeux faute d'oxygène, tout bleu. On conseillera quand même peut-être ce film asphyxié à tous les jobastres qui se ruinent la vie devant les documentaires glauques de la TNT à base de criminels malades et de serial killers en folie, et qui ne zappent que pour atterrir sur les séries TV policières de TF1 ou de Canal+, Cold Case, Cold Squat, Portés disparus, l'instit, Les Experts, C'est pas Sorcier, Mentalist, Nip Tuck, True Blood, Médium, Lie to me, Profiler, 36 chiens des quais des orfèvres, La Planque, Narco, Trafico, La Garde-à-vue, Le Prisonnier, Crimes, Missions pas possibles, Affaires congelées, Dexter, JAG, La Crim', Central Nuit, Les Cordier Juges et keufs, Braquo, Esprits criminels, Body of bullet proof et consorts. Prisoners vous permettra de conjuguer votre passion pour le meurtre et ce grand écran que vous délaissez tant, même si c'est le genre de film dont on ressort en disant "Ouesh...", ou, pour les plus bavards : "Ouesh, ouesh, qu'est-ce qu'y se passe ?".


Prisoners de Denis Villeneuve avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal et Paul Dano (2013)

Putty Hill

$
0
0
Discrètement sorti sur nos écrans en septembre 2011, Putty Hill est le second long métrage de son auteur, Matthew Porterfield, mais le premier que l'on peut vraiment voir (Hamilton, son premier essai, étant toujours inédit par chez nous). Sous sa forme d'abord très intrigante de faux documentaire, il s'agit d'une sorte de chronique sociale sur la population blanche, pauvre et délaissée, de la ville de Baltimore, Nord-Est des États-Unis. L'argument initial est le décès tragique d'un jeune homme de 24 ans suite à une overdose. Matthew Porterfield recueille les paroles de ses proches à l'approche des funérailles, et dresse davantage le portrait de leurs existences que celle du disparu, de plus en plus mystérieux au fil des interviews, mais dont l'absente présence est plus que jamais palpable lors de la très belle scène finale où deux adolescentes s'introduisent dans sa maison. Le jeune cinéaste, également originaire de Baltimore, ville qu'il sait joliment filmer, mêle ces interviews à des scènes illustrant le quotidien de cette frange à la dérive de la population. De l'ensemble se dégage une ambiance singulière très rapidement saisissante, notamment due à cet ancrage dans le réel si particulier.




Porterfield filme surtout des adolescents et il y a peut-être quelque chose qui rappelle Gus Van Sant dans la douceur et la justesse du regard que le réalisateur porte sur ses teenagers un peu paumés et, tous, assez attachants. La séquence où Porterfield filme un skate park et interroge l'un un des garçons vient appuyer cette impression puisqu'on repense alors un peu à Paranoid Park. On peut également penser à Werner Herzog dans la façon qu'a le cinéaste baltimorien, dont on entend parfois la voix hors champ, de faire parler ses acteurs en ayant l'air de révéler, sans effort, leurs vraies natures et caractères, bien que nous soyons ici dans une fiction, et, à travers eux, de saisir un portrait très universel et parlant d'une certaine jeunesse. Les acteurs, pour la plupart amateurs et incarnant pratiquement leurs propres rôles, sont d'ailleurs remarquables d'authenticité. Le cinéaste fait preuve d'une grande attention pour ces personnages, mais aussi pour leurs gestes et leurs pratiques (musique, tattoo, tag sauvage et planches à roulettes), ce qui contribue à les faire exister si fort et rend certaines scènes assez fascinantes. Alors certes, le dispositif fragile de ce faux documentaire s'essouffle parfois et ne tient pas vraiment la longueur, le film parvenant ainsi à ennuyer malgré sa courte durée. Mais malgré cela, Putty Hill laisse un souvenir très prégnant, celui d'une œuvre forte attestant d'une vraie personnalité. Il y a des qualités, là-dedans, qui font de ce Matthew Porterfield un bel espoir pour le cinéma indépendant américain et, en tout cas, un réalisateur à suivre de très près dont je regarderai le nouveau film, I Used to be Darker, avec une grande curiosité.

PS. Attention à ne pas confondre ce film avec Pussy Hill, la colline des teuchs.


Putty Hill de Matthew Porterfield avec Sky Ferreira, Cody Ray, Dustin Ray, Zoe Vance et Walker Teiser (2011)

L'Art de séduire

$
0
0
Oh je vous vois venir : "Mais pourquoi il nous parle de ça ?". Parce que Julie Gayet est à fond dans l'actu et que je n'ai aucun scrupule. Adios et à jamais, éthique de blogueur ciné... L'actrice, selon Closer, succèderait à Marilyn Monroe dans le cercle pas du tout fermé des actrices devenues maîtresses de présidents. Je peux piger qu'on s'encanaille avec John Kennedy, mais faut-il que le pouvoir exerce un magnétisme dément sur ses sujets (hommes ou femmes, là n'est pas la question) pour qu'on craque sur François Hollande. Restons cependant mesurés, tout cela n'est pour l'instant que soupçons. La vraie question, c'est pourquoi ai-je maté ça... C'est tout con. Ma compagne m'a demandé de lui mettre un "film à la con". En même temps c'est pas ce qui se fait de pire, ça se regarde, y'a quelques petites choses plaisantes, mais globalement c'est quand même pile poil un "film à la con" et j'étais dans le sujet. L'affiche en dit déjà long. Mathieu Demy est assez chouette pourtant, et c'est peut-être un acteur sous-exploité. Il a une scène très réussie, quand il prend son premier verre en terrasse avec Julie Gayet, où son personnage est nullissime en terme de rencontre et de drague et n'arrête pas de dire des trucs ultra cons sur un ton encore plus con qui finit par faire marrer. On aurait aimé que le comédien reste sur cette lancée mais le scénario n'a pas dû le motiver, ni lui donner envie de s'amuser ou d'être heureux, et on le comprend.


Je pige mal Julie Gayet mais je ne pige que trop François Hollande, qui avait oublié de préciser "Moi président, je prendrai mon pieeeeeeeeeeed ! Moi président, je profiterai à mort...". Car pour avoir croisé Julie Gayet in vivo, je peux vous assurer qu'en regardant ce genre de phénomène on se dit que Dieu existe.

Le film raconte l'histoire d'un jeune psy célibataire assez frappé pour faire des photos de poissons morts et - y a-t-il un rapport ou non - incapable de faire le premier pas vers la femme qu'il aime, et vers les femmes en général. Il demande à l'un de ses patients, un génie de la séduction à qui personne ne résiste (Lionel Abelanski, c'est beau la fiction), de l'aider à draguer n'importe qui dans la rue pour pouvoir faire face à son rêve : Julie Gayet. En fait il s'avère assez rapidement que le personnage incarné par Gayet est une connasse finie, complètement névrosée et désagréable, et le héros finira en fait avec une fille délurée, extravertie et définitivement horripilante, draguée par hasard à la terrasse d'un café (Valérie Donzelli, insupportable pour ne pas changer, et je rappelle que le héros du film adore photographier des poiscalles morts, y'a-t-il, oui ou non, un rapport ? Moi je dis oui). Il lui aura fallu essuyer toutes les humiliations de la part de Gayet pour en avoir enfin ras-le-bol d'être traité comme un torche-cul et pour se rendre compte que la débile rencontrée sans le faire exprès et repoussée jusque là lui correspondait en réalité davantage, vu qu'elle est tarée. Si c'est pour finir avec ça autant crever seul, mais passons.


Mais si Zeus existe, l'antéchrist aussi...

L'histoire est alors tellement grossière, cousue de fil blanc et chiante comme tout, que la relative légèreté de ton du début s'évanouit vite au profit des poncifs accablants de la petite comédie franchouillarde typique sur des blaireaux lunaires et loufoques, pathétiques surtout, qu'on a envie de baffer un grand coup. L'Art de séduire a un titre de film d'Emmanuel Mouret, les acteurs d'un Mouret (en tout cas pour Demy et à fortiori pour Julie Gayet, qui jouait dans le génial Un Baiser s'il vous plaît), un même goût pour les malaises sentimentaux et autres situations improbables, et l'ambition de développer un récit aussi touchant qu'amusant et décalé, sauf qu'au final ce n'est même pas du sous-Mouret. A vrai dire, alors que tout nous y conduit sur le papier, on ne pense même jamais au cinéma de l'auteur de Fais-moi plaisir ! et de L'Art d'aimer devant ce téléfilm mollasson qui, il faut bien le dire, est un strict navet. La seule chose positive à retirer de L'art de séduire c'est que beaucoup de scènes, et notamment les premières rencontres de Demy avec Gayet et Donzelli, se passent en terrasses de petits bars ensoleillés, et avec ces ciels gris de janvier qui nous accablent, on se dit que ce sera cool quand il fera plus beau.


L'Art de séduire de Guy Marzaguil avec Mathieu Demy, Julie Gayet, Valérie Donzelli et Lionel Abelanski (2011)

The Spectacular Now

$
0
0
James Ponsoldt, retenez ce nom ! Et surveillez-le de près. Il pourrait, un jour, réaliser un bon film. The Spectacular Now est son troisième long métrage et on y trouve des qualités trop rares dans le cinéma indépendant américain actuel. Je veux parler ici de ce cinéma adoubé par Sundance, et c'est le cas de ce film, couronné chez Bob Redford. Smashed laissait déjà entrevoir ces modestes qualités. Le film était porté par la prestation étonnante de la mignonne Mary Elizabeth Winstead dans la peau d'une irrécupérable alcoolique. James Ponsoldt, vous saurez écrire son nom convenablement après avoir lu cet article, est un directeur d'acteurs certainement assez doué. Ou plutôt, un directeur d'actrices doué. Dans son nouveau film, c'est la jeune Shailene Woodley, déjà vue dans The Descendants, qui apporte un peu de fraîcheur et de vérité à son personnage. Son partenaire, Miles Teller, sorte de sosie du Chandler de Friends (période bouffi par la coke), est clairement en deçà, et c'est dommage, car il incarne le personnage central d'un film qui pourrait porter son nom : Sutter.




Sutter est un adolescent drôle et charmant (vous me signalez quand ça se voit trop que je copie directement le pitch d'Allociné) qui ne vit que dans l'instant présent. Sa perception du monde évolue tout doucement lorsqu'il rencontre Aimee, une jeune fille timide totalement différente de lui, dont il sera le premier amour. Hélas, leur relation est gâchée par le manque d'amour propre et l'attitude autodestructrice de Sutter, très porté sur la boisson... Les plus vigilants d'entre vous l'auront déjà remarqué : James Ponsoldt a un problème personnel avec l'alcool. Cela fait trois films de suite qu'il accorde à la bibine une place prépondérante dans l'histoire racontée. Son premier film, Off the Back (Back off out of my back en VF), mettait en scène le vétéran Nick Nolte, et je pourrais m'arrêter là, car l'acteur ne jouait pas vraiment un rôle de composition. Son second film nous narrait donc la lutte de la très sympathique MEW contre un alcoolisme qui mettait son couple en péril.




Dans The Spectacular Now, l'alcool est simplement l'épée de Damoclès que le personnage principal trimballe du début à la fin au-dessus de sa vieille ganache. L'expression de "vieille ganache" n'est pas gratuite puisque l'acteur approche tout de même de la trentaine et joue ici un élève de Terminale S (je déduis qu'il s'agit de la filière scientifique en raison du rôle décisif joué par le prof de maths bigleux, incarné par un étonnant Manu Katché). C'est un peu gênant, mais personne ne l'a remarqué tant nous nous sommes tristement habitués à cela dans les films américains. Enfin quand même... Dans notre cher pays, on a au moins le mérite de choisir une actrice qui n'a même pas encore obtenu son bac pour interpréter une jeune femme découvrant son homosexualité, pour assurer des scènes hot sans souci, avant de devenir une institutrice expérimentée, sans que l'on ne cesse d'y croire, 3 heures durant. Là, dès qu'on voit le dénommé Miles Teller se balader dans les couloirs de son bahut, on commence à tiquer. Son sac à dos à l'air tout riquiqui par rapport à l'envergure de ses épaules ! On n'est pas taillé comme ça à 18 piges ! A moins d'avoir du sang wallisien... Shailene Woodley est bien plus crédible, elle qui n'a que 22 ans en réalité. L'actrice devrait toutefois s'inquiéter de son acné...




Par ailleurs, sachez que James Ponsoldt a de bons goûts et aime les étaler. Mais il le fait tout de même assez discrètement, car il est plus élégant et subtil que la plupart de ses congénères indie. On entend seulement l'introduction de la sympathique chanson de Kurt Vile, Wakin' on a pretty day, aussitôt coupée net, James Ponsoldt se contentant d'avoir su la glisser-là. Nous avons donc au moins un artiste en commun sur nos comptes Last.fm et ça me fait une belle jambe. De la chillwave quelque peu obsolète occupe le reste de la bande son, mais ce n'est jamais rien d'autre qu'une tapisserie sonore et seules les plus fines oreilles sauront tagguer les chansonniers concernés.




Beaucoup ont été bouleversés par ce film souvent décrit comme la dernière pépite du cinéma indépendant US. A ceux-là, il ne faudrait pas montrer La Vie d'Adèle, ils risqueraient de ne jamais s'en remettre... Peut-être ai-je un cœur de pierre, je ne sais guère, mais je ne pense pas. La preuve : je dois reconnaître avoir marché dans la combine pendant une petite demi-heure, je dirai, et c'est déjà pas rien. Durant cette première partie, où James Ponsoldt se concentre sur la romance naissante entre ces deux personnages, le film atteint son but, évite la plupart des clichés et dégage une certaine fraîcheur, pas déplaisante, il faut bien l'avouer. Quand il aborde le thème du premier amour, le film fonctionne à plein régime et son efficacité est bien réelle. On est très loin de l'infâme 500 Days of Summer, écrit par les mêmes scénaristes et mis en avant sur l'affiche. On se dit donc que le cinéaste n'y est pas pour rien. Celui-ci nous montre des choses inhabituelles, que l'on croise rarement sur grand écran. La mise en place du préservatif, lors du premier rapport sexuel des deux tourtereaux, par exemple. C'est hors-champ, mais c'est tout de même bien long et on entend des bruits que j'aimerais oublier. Il y aurait d'ailleurs une thèse à écrire sur le rôle du hors-champ dans le cinéma de James Ponsoldt. En général, est hors-champ ce que le cinéaste ne veut guère nous montrer. Dans l'exemple évoqué, cela lui permet d'éviter la censure ou le classement dans la catégorie "film pornographique". C'est donc très habile de sa part. Il y a d'autres moments qui étonnent un peu, et devant un tel film, il est toujours agréable d'être étonné. Cela arrive une ou deux fois, mais au point où on en est, ça suffit pour être relevé...




Quand, ensuite, le cinéaste se focalise entièrement sur le personnage de cet adolescent en crise se lançant à la recherche de son père disparu (lui aussi alcoolo, vous l'auriez deviné), le film se désagrège complètement. Tout devient très attendu, médiocre, tout tombe à plat. On finit même par prendre sérieusement en grippe cette enflure de Sutter capable d'éjecter sa douce girlfriend de sa bagnole au beau milieu de l'autoroute. Celle-ci finit logiquement par se faire emporter par la première voiture qui passe, lors d'une scène qui provoque, bien malgré elle, des éclats de rire nerveux. C'est là que l'on se rend compte du fossé qui sépare le début du film, où l'on souriait presque vaguement devant ces deux lycéens qui se tournaient autour puis se découvraient, de cette dérive lamentable, où l'on a très hâte d'en finir. Le Bukowski du ciné indé espère alors muer en Salinger en tentant de saisir le profond mal-être adolescent. Ça se règle en deux bouffes que le garçon reçoit sans moufeter, plaqué par sa mère (Jennifer Jason Leigh, méconnaissable !) contre le gigantesque frigo de la cuisine, et c'en est terminé.




Sérieusement, il y a d'infimes chances pour qu'un jour, James Ponsoldt réussisse un film. Il a 36 ans tout juste, il a donc encore du temps devant lui, pour apprendre et se perfectionner. Serai-je encore parmi vous quand sortira son chef d’œuvre ? Je l’ignore, je suis son cadet mais j'ai bien des soucis. Son 30ème film sera peut-être le bon. En attendant, il faut faire preuve de patience. En ce qui me concerne, j'éviterai sans doute ses 29 prochains films. Je vais laisser pisser un moment, si vous le voulez bien...


The Spectacular Now de James Ponsoldt avec Miles Teller, Shailene Woodley, Brie Larson, Jennifer Jason Leigh, Kyle Chandler et Mary Elizabeth Winstead (2014)

Woman on the Run

$
0
0
En 1950, Norman Foster, acteur et réalisateur américain, tourne Woman on the Run, film noir que l'on a bien failli ne jamais voir. Il s'en est fallu de peu pour que cette petite merveille du genre ne disparaisse à tout jamais en 2008 dans l'incendie des locaux de la Universal qui détruisit son unique copie 35mm, mais par chance le film a été subrepticement numérisé cinq ans plus tôt par Eddie Muller, qui signe "Sauvé des cendres", le livre accompagnant la toute récente édition dvd du film chez Wild Side. Il est ainsi possible aujourd'hui de redécouvrir cette œuvre géniale signée par un collaborateur de longue date d'Orson Welles. La qualité du film n'est probablement pas sans lien avec l'héritage exceptionnel de Norman Foster, qui emprunte assez manifestement au maître quelques uns de ses traits formels (notamment les plans tout en profondeur de champ avec un personnage dans le fond du cadre et un autre très détaché au premier plan, l'ombre et la lumière contribuant à découper et à étager les strates d'espace dans l'image) et rend directement hommage à la fin magistrale de La Dame de Shangaï en situant à son tour l'ultime séquence de son film, trois ans après Welles, dans une fête foraine. Mais un maître de marque ne fait pas tout, et si Norman Foster n'est somme toute pas Orson Welles, et si par conséquent Woman on the Run ne délivre pas les exubérances formelles faramineuses et uniques en leur genre de La Dame de Shangaï, La Soif du mal ou Mr. Arkadin, il n'en reste pas moins un film incroyablement tenu et plein de belles surprises.




Dès l'ouverture, Foster captive et surprend son auditoire. Frank Johnson (Ross Elliott), un quidam qui promène son chien dans les rues de San Francisco, assiste à un meurtre et manque de se faire tuer à son tour. Le criminel, croyant l'avoir abattu, prend la fuite. Quand la police arrive sur les lieux, l'inspecteur chargé de l'enquête (Robert Keith) démontre à Frank, seul témoin de l'affaire, que le tueur lui a bel et bien tiré deux balles dans la tête, à ceci près qu'il a visé l'ombre de sa tête, projetée sur un muret derrière lui. Frank Johnson, craignant d'être traqué et abattu par son agresseur, assassin un rien myope mais pas manchot, va littéralement se transformer en ce qu'il a bien failli devenir, un homme mort, et disparaître de la circulation comme de la surface du film. La police, ainsi qu'un journaliste (Dennis O'Keefe) en quête de scoop, vont se lancer à sa recherche en allant à la rencontre de son épouse, une femme sur le retour, déçue par la vie et détachée de son mari depuis belle lurette. Le film suivra donc cette femme désenchantée à la répartie destructrice qui, harcelée par l'enquêteur et le journaliste qui la suivent de près, retombe peu à peu et paradoxalement amoureuse de Frank, ce peintre épousé dans une autre vie et qu'elle a lentement perdu de vue jusqu'au moment de sa fuite, cette nuit où elle a totalement, concrètement, perdu sa trace.




Le film dresse le portrait émouvant de cette femme, Eleanor Johnson, interprétée par la magnifique Ann Sheridan (l'influence de Welles est telle que Norman Foster choisit une sorte de Rita Hayworth fatiguée et malmenée pour incarner son héroïne), tout en racontant et sa quête d'un amour perdu, et son enquête - qui compte de nombreux et judicieux rebondissements - avec une efficacité folle (le film ne dure qu'1h14), le tout teinté de fameuses répliques, typiques du genre noir, dignes de l'humour d'un Dashiell Hammett en pleine forme, et parsemé de plans d'une beauté plastique étonnante (par exemple cette ombre qui dévore le visage de l'actrice sous le manège). Mais, non content d'emporter l'adhésion, Foster force carrément l'admiration avec sa séquence finale, au bord de l'abstraction visuelle et sonore, quand Ann Sheridan, bouleversante figure d'impuissance, est prisonnière d'un grand huit dont la vitesse fulgurante et la structure même, échafaudage de barres blanches entrecroisées dans la nuit noire, brouillent sa perception, tandis que le rire horrible d'une créature de manège retentit en boucle, scandé par les cris des passagers du roller coaster grisés par l'appel du vide. Avec cet ultime tour de force formel, Norman Foster parachève un bien beau film de genre, dont la disparition eût été une grande perte.


Woman on the Run de Norman Foster avec Ann Sheridan, Dennis O'Keefe, Robert Keith, John Qualen, Frank Jens et Ross Elliott (1950)

Bilan 2013

$
0
0


Chaque année, le même débat. Pourquoi ? Comment ? Où ? Quand ? La société actuelle a-t-elle vraiment besoin d'un classement supplémentaire ? On est chaque jour abreuvés de tops en tous genres, de tous poils, partout, qui nous disent tout sur tout et surtout rien. La télévision se repaît de ces classements vite consommables, avec l'imbuvable Yann Barthès en tête de file, qui nous dégueule continuellement des Top 4 de ceci, des Top 3 de cela, en arborant son air satisfait de crétin absolu. Et la toile, le web, répond à cela par une avalanche d'autres classements sans intérêt et plus ou moins drolatiques qui nous épuisent quotidiennement et nous écœurent même carrément : les dix animaux les plus cons, les dix connards les mieux payés du PAF, ou encore les dix lieux abandonnés les plus glauques, et ça commence à être vexant que la cuisine de notre ancien appartement commun ne soit jamais citée en prems, alors que, croyez-nous, y'a pas photo. On croule sous les best-of, la hiérarchisation permanente, les côtes de popularité et les listes de tout et n'importe quoi dont on nous saoule à ras-la-gueule. On est donc à deux doigts de passer notre chemin cette année, mais, pourtant, et parce que ce n'est qu'une fois par an, parce que la chose reste amusante et bon enfant, parce qu'elle nous permet aussi de remettre en avant des films qui nous tiennent à cœur et qui n'ont peut-être pas suffisamment été exposés (genre La Vie d'Adèle), nous n'y couperons pas. Voici donc, sans plus tarder, nos classements personnels, suivis, comme chaque année, du Top et du Flop des lecteurs/blogueurs, autrement dit de vos classements pour 2013.


LE TOP DE RÉMI


1. Michael Kohlhaas d'Arnaud Des Pallières
2. L'Inconnu du lac d'Alain Guiraudie
3. La Fille de nulle part de Jean-Claude Brisseau
4. La Vénus à la fourrure de Roman Polanski
5. Mud de Jeff Nichols
6. L'Image manquante de Rithy Panh
7. Gimme the Loot d'Adam Leon
8. A Touch of Sin de Jia Zhang-ke
9. La Fille du 14 juillet d'Antonin Peretjatko
10. The Immigrant de James Gray / La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche

La première place de mon classement annuel revient sans conteste à Michael Kohlhaas, pour mille raisons. Parce que c'est un film sublime, d'une maîtrise et d'une beauté sans équivalents pour moi cette année. Parce que c'est l'adaptation brillante et pourtant ô combien risquée d'un chef-d’œuvre de la littérature allemande. Parce qu'en conséquence un immense écrivain, Heinrich Von Kleist, qui mérite plus que jamais d'être relu à notre époque, est exhumé et honoré par l'un des plus grands cinéastes français vivants, de même qu'un héros mythique est soudain superbement incarné par un acteur hors du commun, Mads Mikkelsen, qui livre sans doute l'une des prestations d'acteurs les plus frappantes de ces derniers temps. Enfin, et pour ne pas trop m'étendre, ce film me semble important en ce qu'il est porteur d'une véritable intelligence morale. Nous avons me semble-t-il grand besoin, à l'heure actuelle, de films intelligents et moraux. Michael Kohlhaas est aujourd'hui le précieux antidote, esthétique et éthique, aux derniers films, entre autres, de Quentin Tarantino, qui aime, et ils sont nombreux dans son cas, à diffuser, dans des œuvres de plus en plus ratées, des idées nauséabondes et simplistes sur des questions aussi fondamentales que celles du droit et de la justice, notamment. Arnaud Des Pallières apporte un contrepoint salvateur à cette domination insolente de la bêtise crasse, de la jouissance primaire et de l'amoralité consommée, et rien que pour ça, Michael Kohlhaas est à mes yeux le film le plus important de 2013, en plus d'être une réussite sur tous les plans.

Je ne vais pas parler de tous les films de ce classement, qui sont pratiquement tous critiqués sur le blog. Je dirai juste que L'Inconnu du lac, autre film de genre français (un film d'horreur pour Guiraudie, un western pour Des Pallières), vient logiquement en second, qui quant à lui adapte les théories d'un autre grand écrivain, Georges Bataille, et questionne le désir et l'érotisme dans leur dimension mortifère, (auto)destructrice. Le film s'achève également sur un regard humain esseulé : Kohlhaas finit planté face à ses actes et ses convictions, comme Franck l'est face à ses élans et ses pulsions. Des Pallières et Guiraudie, dans des objets cinématographiques complexes et envoûtants, nous montrent des hommes ébranlés dans leurs certitudes, en proie au vide vertigineux des conséquences de leurs choix. Ce faisant, qu'ils en soient remerciés, ils nous ébranlent à notre tour et nous posent de gigantesques questions.

Pour finir, je constate la prédominance du cinéma français dans mes goûts, et j'ignore si le sus-nommé se porte bien, comme l'affirme le titre d'un documentaire sur le point de sortir, mais je suis convaincu qu'il est d'assez loin le plus passionnant depuis quelques années. Pour talonner les deux plutôt jeunes cinéastes français qui dominent mon Top, deux cinéastes plus vieux : Jean-Claude Brisseau et le désormais très français Roman Polanski, capables, comme en attestent leurs derniers films, de grandes choses avec pas grand chose, sinon de la sagacité et de l'envie.


LE TOP DE FÉLIX


1. La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche
4. Mudde Jeff Nichols
-. A Touch of Sin de Jia Zhang-Ke
5. L'Inconnu du Lac d'Alain Gui raidi
6. Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-Eda
7. Michael Kohlhaas d'Arnaud Des Pallières
8. Resolution de Justin Benson et Aaron Moorhead
-. Gimme the Loot d'Adam Leon
9. A Field in England de Ben Wheatley
10. Ma Vie avec Liberace de Steven Soderbergh

Mon top 2012 fut un véritable calvaire de cinéphage, un pur cauchemar de blogueur ciné. Quand j'essaie de me souvenir du mois de décembre 2012, les images qui me viennent en tête sont sous-titrées, accompagnées d'un insupportable charabia franco-allemand et barrées par deux envahissantes lignes noires horizontales. Pris de vitesse, j'avais pour ainsi dire accouché de mon top dans la douleur. A côté de ça, 2013 fut une véritable partie de plaisir ! Je suis facilement arrivé à 10, seuil minimal pour gagner une crédibilité, malgré, comme vous le voyez, de nombreux ex-aequo et un film qui occupe une place à part et sur lequel je ne reviendrai pas. A la 4ème place, pour signifier l'écart entre le film d'Abdellatif Kechiche et les autres, échoue Mud, vous savez aussi bien lire que moi. Autant vous dire tout de suite que je ne suis pas convaincu par mon classement. Il y a un film que j'ai préféré aux autres, je l'ai donc logiquement positionné tout en haut. Je précise en effet que cette liste est supposée se lire de haut en bas, les films étant classés par ordre décroissant de préférence (contrairement à celle de mon acolyte qui se lit, il me semble, de bas en haut). Mais exception faite du number one, on pourrait changer l'ordre, je ne m'en rendrais pas compte, je n'y verrais que du feu ! En vérité, seuls le premier et le dernier sont à leurs places. Steven Soderbergh m'a fait beaucoup de mal par le passé, réussissant parfois à remettre en question mon amour pour le medium cinéma. Je n'oublie pas (je ne l'oublie pas Steven). Son dernier film m'a très agréablement surpris et je voulais vous démontrer toute ma capacité à pardonner (ce que je considère personnellement comme une qualité) en le faisant apparaître dans mon top. Étant tout de même assez rancunier, je ne pouvais pas accorder une meilleure place à Soderbergh, qui est donc bon dernier, le cancre de mon top.

Le reste, c'est un véritable bric à brac où, comme toujours, j'ai cherché à me différencier très superficiellement en plaçant des films plutôt marginaux, que très peu auront pu voir. Je fais surtout allusion à Resolution et A Field in England (ce dernier a même chipé la place à YellowBrickRoad, petit film d'horreur encore plus obscur, fauché mais génial, datant de 2011 et sorti en dvd cette année - je vous en parlerai bientôt). Deux films inclassables et très originaux, deux bols d'air frais pour un amateur comme moi de cinéma de genre, deux œuvres prometteuses et atypiques qui sont tout simplement les plus surprenantes et étranges découvertes faites l'an passé.

L'ordre alphabétique n'est pas respecté, le top reflète mes préférences pour l'année cinématographique qui vient de s'écouler et pour laquelle je précise qu'il me reste encore des films à découvrir. Je n'ai pas pu tout voir.


LE TOP DES LECTEURS/BLOGUEURS 
(par ordre de préférence)

http://ilaose.blogspot.com/2013/05/mud.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/09/linconnu-du-lac.html


http://ilaose.blogspot.com/2013/07/la-rochelle-2013-1ere-partie.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/08/michael-kohlhaas.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/11/inside-llewyn-davis.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/11/gravity.html





LE FLOP DES LECTEURS/BLOGUEURS
(par ordre de répugnance)

http://ilaose.blogspot.com/2013/01/django-unchained.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/06/die-hard-5-belle-journee-pour-mourir.html



http://ilaose.blogspot.com/2013/08/elysium.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/04/stoker.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/11/gravity.html


http://ilaose.blogspot.com/2013/04/oblivion.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/07/evil-dead.html


Nous souscrivons globalement à ces très beaux classements. Le premier, votre Top, sacre pour la deuxième année consécutive le jeune Jeff Nichols, déjà bien installé semble-t-il dans le cœur des cinéphiles, et nous en sommes ravis. Le second, votre Flop, à 100% ricain (disons 99% pour Park Chan-Wook, expatrié) atteste plus que jamais de l'éjection de Quentin Tarantino de son panthéon, enterrant celui qui n'était jamais tombé si bas et dont on a bien peur qu'il ne cesse de creuser.

On tient enfin à saluer et à remercier tous ceux qui nous ont soutenu pendant l'année. Parce que oui, nous avons parfois besoin de soutien, notre passion ne suffit pas toujours. Quand on écrit la critique d'un film tel qu'Elysium, que nous n'avons même pas vu (au moment de la rédaction, s'entend, nous l'avons regardé après, pour faire les choses sérieusement et dans l'ordre), il nous en faut, du courage, pour programmer un tweet par heure pendant trois jours afin de promouvoir l'article avec les maigres moyens à notre portée. Cela nous prend du temps et 140 caractères, c'est soit insuffisant, soit beaucoup trop, rarement pile poil. Plusieurs fois, dans l'année, nous avons mangé froid. Dans ces moments-là, votre soutien nous réconforte et nous réchauffe, si ce n'est notre assiette, au moins à l'intérieur. On vous remercie également d'avoir participé à ce modeste bilan annuel. Vous avez été nombreux. Pour vous donner une idée, sachez que vous étiez assez nombreux pour faire une belle partie de foot improvisée avec un banc particulièrement bien fourni, d'un côté comme de l'autre, collègues blogueurs et amis lecteurs. Parmi vous : Nicolas de Cinergie (un belge récupéré gratos au mercato) ; Gendar (une valeur sûre, toujours droit comme un piquet, fidèle au poste, un pilier, la colonne vertébrale de l'équipe, qui a véritablement la forme inquiétante d'un pylône inamovible) ; Olivier Père (entraîneur-joueur de prestige à l'accent teuton) ; Fredastair (décolle un peu les yeux de l'image qui illustre le top de Félix, veux-tu...) ; Nightswimming (qui a récemment changé d'équipementier et affiche désormais une fière allure sur la pelouse après avoir fait grise mine toute la saison - quel caractère de cochon !) ; Le Cinéphobe (que nous avons perdu de vue, hélas, sans doute a-t-il tracé en Arabie Saoudite pour le pognon) ; Ca flim (qui nous a quittés sur un bras d'honneur sans élégance, on retient...) ; Une fameuse gorgée de poison (toujours pas avalé son article sur le film d'Abdel !) ; Nolan (jamais sur la feuille de match, uniquement à cause de son blaze, d'ailleurs son maillot n'est même pas floqué) ; C'est entendu (ça c'est simplement un vieux link qu'on place de temps en temps) ; Thibault (l'artiste aux cheveux d'or venu d'Ukraine) ; Christoblog (le Llacer de la blogosphère) ; TeddyDevisme (ce gars est une crème, il a participé et nous suit toujours malgré notre article sur Evil Dead, une crème !) ; Pausanias (loin des yeux, près du cœur) ; FredMJG (une incompatibilité manifeste entre son service de messagerie mèl et le nôtre nous a encore une fois privé de son top) ; Josette K. (notre plus fidèle allié !) ; Hamsterjovial (débarqué à l'intersaison mais déjà sur tous les ballons) ; Dr Orlof (le médecin de l'équipe) ; Pierre Morin (toujours la bonne humeur, toujours le sourire, comprend-il tout ce dont on parle ?...) ; Sylvain Métafiot (quel nom de star du ballon rond, ça claque, bon sang !) ; Guillaume A. (droite, à droite, sur ta droite, merde ! et toi tu pars à gauche, les yeux rivés sur tes propres godasses !) ; Balloonatic (gonflé à bloc, qui devrait parfois laisser pisser... conseil amical, la gastrite annonce généralement un mauvais ulcère, mec) ; Gols (opérant bien que privé de sa doublette magique) et tous les autres !

Merci encore à tous et à très bientôt pour de nouvelles aventures cinéphiliques !

Blue Jasmine

$
0
0
Vu y'a trois jours, et je m'en souviens déjà très mal, le Woody Allen de 2013 n'est vraiment pas un grand cru, contrairement à ce qui a beaucoup été dit. Comme d'hab. Mais dès les premières minutes, il m'a tout de même apporté une grande satisfaction, un immense soulagement : ce film n'allait pas chambouler mon top ! Ma plus grande crainte, en tant que blogueur ciné, est toujours de découvrir l'un des meilleurs films de l'année passée seulement après la publication officielle de mon top. C'est ma hantise. Il y a une période où je lance toujours les films de l'année écoulée dans la peur... J'en fais des cauchemars la nuit. Avec Blue Jasmine, aucun risque, dès le premier quart d'heure, regardé sans décrocher les mâchoires, j'étais fixé. Même pas dans mon top 20 !




Nous sommes donc supposés rire et pleurer devant les déboires de la belle Jasmine, incarnée par une Cate Blanchett irréprochable. Sauf qu'on ne rit à peu près jamais et que l'on pleure encore moins devant les mésaventures de cette pauv' femme amenée à dégringoler les classes sociales suite à la mort de son mari (Alec Baldwin), riche hommes d'affaire new-yorkais et véritable escroc (je fais très bref, c'est un peu plus compliqué que cela). On ne fait donc qu'admirer la performance d'une actrice qui prend visiblement bien plus de plaisir que nous dans la partie et qui parvient à rendre supportable un personnage auquel on aurait, sans cela, bien du mal à croire. On suit tout ça sans souffrir, en se demandant parfois quand est-ce que le film va vraiment commencer, étrangement. Par chance, j'apprécie plutôt Cate Blanchett au demeurant, ça m'a permis de tenir. A vrai dire, peut-être est-ce le jeu extrêmement précis et maîtrisé de l'actrice qui situe le film dans un espèce d'entre-deux bizarre, entre la comédie légère et le drame social tragique, et finalement nulle part, car d'aucun côté Blue Jasmine ne trouve son salut. Ce serait tout de même assez cruel envers Blanchett, qui est clairement le principal intérêt du film...




J'ignore si je suis atteint d'une forme rare d'amnésie sélective, mais je ne me souviens plus précisément de ce film. Voilà, j'ai presque tout oublié. Au troisième paragraphe, je dois bien vous l'avouer, car là vous me voyez ramer. Je ne sais plus, par exemple, comme il se termine, ce qui est toujours rageant quand on a flingué une soirée pour arriver au bout. Alors certes, j'imagine qu'il doit bien y avoir deux ou trois passages assez savoureux là-dedans, ça reste un film de Woody Allen, il n'a pas complètement perdu la main. Mais je ne pourrais pas replacer ces trop rares moments ni vous assurer qu'ils existent bel et bien. Je n'arrive pas à retomber dessus sur VLC Player. Je vise toujours largement à côté. Je suis donc passé à travers le Woody Allen de 2013, après l'avoir pris en pleine poire comme les dix précédents. Pas grave, il y aura d'autres occasions, je n'ai pas non plus l'impression d'avoir raté grand chose. Je pourrai me rattraper cette année, il les enchaîne le filou !


Blue Jasmine de Woody Allen avec Cate Blanchett, Sally Hawkins, Alec Baldwin et Peter Sarsgaard (2013)

Volte-face

$
0
0
Nous venons de recevoir un mail de la part d'un lecteur qui voulait nous faire part de son admiration pour Volte-face et pour le courage de son duo d'acteurs. Voici ce mail tel que nous l'avons découvert dans nos spams :

Chers ilaose, 

Je vous écris car je lis souvent votre blog qui fait justice à ce noble art qu'est le cinéma. Je voulais alors vous parler d'un film pas assez reconnu a sa juste valeur : Volte-face de Tom Woo. 

Je suppose que vous recevez beaucoup de mails mais j'espère que vous prendrez le temps de me lire, même si je comprendrais que vous n'avez pas le temps.

J'ai jamais compris pourquoi on ne parlait pas plus de la prouesse technique de Volte-face. Pour les besoins techniques d'un film, deux acteurs ont accepter de faire des greffes mutuelles de visage. Ces deux acteurs n'avaient rien à prouver, que sont John Travolta, star de Grease Anatomy, et Nicolas Cage, technicien de l'ombre du chef-d'œuvre (une étoile dans Ouest-France) d'Hitchcock Les Nicolas Oiseaux. Cette opération n'était pas évidente médicalement. Elle constituait (et toujours) une première pour la médecine. Et pourtant ils l'ont fait. Pas pour la science, mais pour le cinéma. Mais ni la science, ni le cinéma ne les a reconnus à la hauteur de leur sacrifice. Au lieu de ça on préfere s'extasier pour des acteurs qui prennent 300 kg pour un film. Le cinéma est a l'image de ce monde : malade.

 


Désolé de terminer sur cette note négative mais je tenais à vous écrire ça car je vous adore. 

Merci de votre lecture, et bonne année 2011 !
Stéphane Udronc


Volte-face de John Woo avec John Travolta et Nicolas Cage (1997)
Viewing all 1071 articles
Browse latest View live