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Channel: Il a osé !
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Carrie, la revanche

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Bien que n'ayant aucun attachement particulier à l'original signé John Boorman avec ses fameux splitscreens et ses références permanentes au maître du suspense, aka Kubrick, sans oublier sa scène fétiche dite du "crucifix dans l'anus", nous avons fini une soirée devant cette énième resucée infâme, dont le working title était "Remake #00094857383221". Pour ceux qui ignorent encore l'histoire de Carrie : dans la petite ville de Castle Rock (Ontario), la jeune Carrie, qui a grandi sous les chicken wings d'une mère poule, subit la petite blague de trop de la part de ses camarades de classe, assez taquins. Elle se rend alors compte qu'un surplus d'adrénaline provoque chez elle des dons de télékinésie et de psychothérapie. De fil en aiguille, la mère croyante de Carrie tricote des pulls à sa fille, mais ça ne suffit plus à calmer les sautes d'humeur de la lycéenne qui, lors du bal de fin d'année, et après une ultime farce de ses camarades enjoués, finit par se venger de tous dans un bain de sang démesuré.


Julianne Moore, que diable es-tu venue faire dans cette galère ? Nathalie Kosciusko-Morizet était faite pour le rôle !

Cette histoire, qui dégénère à vue d’œil et dresse un portrait au vitriol de l'adolescence américaine, est sortie du plumeau du King. John Boorman l'a adaptée au cinéma pour pasticher, à la sauce post-moderne et dadaïste, son modèle de toujours, le célèbre "Kub". Kimberley Pierce quant à lui l'a reprise pour nous servir une soupe à la grimace cinématographique, une bouillabaisse filmique dépourvue du moindre intérêt, dont la seule tentative - actualiser l'humiliation en la faisant passer par les écrans de téléphones portables et autres écrans géants du traditionnel bal de fin d'année, et en profiter pour suggérer la mise en abyme écranique générale du merdier (Kub via Boorman via Pierce) - se solde par un échec cuisant. Récemment on a cloué au mur un type qui s'est amusé à torturer un chat innocent. Rappelons aux parigots et aux cons en général que ce fameux animal torturé, Toxic le chat, lancé en l'air contre des parpaings dans des vidéos qui ont fait le tour du web, n'est pas un cas isolé. Quinze fois par minute en moyenne (source IPSOS), d'autres chats du même acabit meurent sous les coups d'enfants désœuvrés de proche banlieue ou des campagnes les plus reculées. Parfois même il advient que des chats de bonne famille meurent intoxiqués après avoir simplement gobé le poisson rouge aux yeux globuleux qui, faute d'apports nutritionnels journaliers, surnageait depuis une paye à la surface de l'aquarium familial. 


Chloë Grace Moretz a été désignée Scream Queen grâce à Kimberley Pierce, quant à elle depuis longtemps consacrée Screen Gouine.

C'est précisément la tragédie qui est arrivée au chat d'un ami à nous, appelé "Henri portrait d'un sérial killer" (c'était le nom de son chat, pas le sien !). Son bestiau de compagnie a vu là une aubaine incroyable de bouffer du poisson pour la première fois de sa vie, et en prime ça tombait un vendredi. Le greffe n'a pas eu son week-end... Il est mort en un éclair. L'animal a eu ce soubresaut qu'ont les félins à chaque déglutition, sauf que ce spasme fut aussi celui de sa mort. A peine passée la glotte, le poisson's poison l'a laissé pour mort. Mais ce qu'on a reproché au bourreau de youtube, ce jeune homme qui, comme tant d'autres, a décapsulé un chat, mais qui a eu l'idée de le faire devant sa webcam pour devenir une star, et ce dont le monde entier s'est ému dans un bel élan collectif (chacun ses sources d'indignation...), c'est que la chose ait été filmée et montrée. Or, si l'on applique la jurisprudence "Toxic le chat", le Carrie, la revanche de Kimberley Pierce, étant précisément un objet filmé, mérite lui aussi l'opprobre et la crucifixion.


Carrie, la revanche de Kimberley Pierce avec Chloé Grace Moretz et Julianne Moore (2013)

La Vie des autres

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Sich mit Dem Geschmack von anderen nicht zu irren, greift das Meisterwerk, ohne über Jabac zu lachen aka Jaoui und Bacri, Das Leben von anderen ist ein richtiger historischer film. Man sagte wirklich, daß man, um deutsche Grenzen herauszunehmen, im langen historischen film auf der wand von Berlin machen muß (Remember Good Bye Lenin! und ganz kürzlich der Barbara scheißende über). Und lang ist das nicht wenig zu sagen, ein wenig zu lang, wie zu langsam... Das ist fast ein dokumentarfilm auf deutschen schauspielern, einen deutschen Film zu drehen. Den scénar in der Buchhandlung nicht eben des Luxus zu veröffentlichen, der gesehen ist, das ist das einzige Interesse eines auf dem niveau sonst gelegten filmes Nullpunkt des Kinos. Aber das sieht sich hein aus, das ist, dennoch historisch interessierend. Félix das war sein zweites mal, und seine zweite siesta vor diesem film deutschen (nichts hängt ab). Für mich war das eine Premiere und die Letzte. Ich lasse Sie. Ich habe Lust auf einen sunday da.•



 Et maintenant la VF :

A ne pas confondre avec Le Goût des autres, le chef-d’œuvre pince-sans-putain-de-rire de Jabac, aka Jaoui et Bacri, La Vie des autres est un film historique correct. On dirait que pour sortir des frontières allemandes il faut faire dans le long film historique sur le mur de Berlin (remember Good bye Lenin! et tout récemment le über chiant Barbara). Et long c'est pas peu dire, un peu trop long, combien trop lent... C'est presque un documentaire sur des acteurs allemands en train de tourner un film allemand. Publier le scénar' en librairie c'était pas du luxe, vu que c'est le seul intérêt d'un film par ailleurs situé au niveau zéro de la cinématographie. Mais ça se regarde notez bien, c'est quand même intéressant historiquement. Félix c'était sa deuxième fois, et sa seconde sieste devant ce film allemand (il ne tient rien). Pour moi c'était une première et la dernière. Je vous laisse. J'ai envie d'un sunday.


La Vie des autres de Florian Henckel Von Donnersmarck avec Thomas Thieme et Martina Gedeck (2007)

Ne te retourne pas

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Faut-il être au fond du trou pour lancer un film pareil. Il y aurait une thèse à écrire sur l'état dans lequel on se trouve quand on appuie sur "Play" pour lancer un film comme ça. Sauf pour ceux qui l'ont fait en croyant avoir téléchargé Don't look now de Nicholas Roeg. Tous les autres sont des fumiers et nous en faisons partie ! L'idée de ce film ? Réunir Bellucci et Marceau. Les deux actrices partagent la particularité de cumuler une bonne vingtaine d'années de fantasmes masculins nourris, soit quarante piges de désir inassouvis et plus rarement effleurés, comme par Bertrand Tavernier qui, rappelons-le, avait un regard tout ce qu'il y a de plus normal avant de tourner La Fille de D'Artagnan (pur souvenir de cinéma). Sur le tournage de ce film, le cinéaste français s'est littéralement fracturé les yeux. Qui ne se souvient pas de cette scène où Sophie Marceau retire le haut (sa chemise explose, plus précisément) sous les yeux encombrés de son père incarné par un Philippe Noiret plus ripoux que jamais ? Après cette séquence, vue au cinéma à la sortie du film, sur écran géant, nous étions nombreux à avoir besoin de changer de caleçon !


A chaque coup de clap de Bertrand Tavernier (dont les mirettes commencèrent à cet instant précis à zieuter dans tous les sens), l'acteur ci-dessus, qui à la réflexion n'est pas peut-être pas Philippe Noiret, passait en une fraction de seconde de la position couchée, yeux mi-clos, à la position raidie, arborant les billes les plus exorbitées du monde, celles du clebs de Tex Avery.

Lycéenne au Lycée Henri IV (un assez bon bahut, l'équivalent de la Mosson à Montpellier ou du collège La Reynerie à Toulouse), Marina de Van, la réalisatrice de cette rognure filmique, a ensuite fait la Fémis, avant d'enchaîner les scénarios pour François Ozon (Sous le sable et surtout 8 femmes, qu'elle qualifie de "personal favorite") et Pascal Bonitzer (Je pense à vous). Et puis la voilà propulsée cinéaste, et la jeune femme fait parler d'elle avec ce thriller français (chose assez rare il est vrai) qui se fait fort de réunir deux actrices célébrissimes dans un coup médiatique de grande ampleur. Le film est irregardable, on le sait au bout de quelques secondes, mais il enfonce le clou dans une scène d'un ridicule inimaginable, où Marina de Van a le toupet d'insérer son propre faciès au cœur d'un morphing hideux entre les visages de Sophie Marceau et Monica Bellucci, comme si l'association miraculeuse de ces deux stars internationales à la plastique appréciée depuis la pointe de la Patagonie jusqu'en Terre Adélie devait aboutir à Marina de Vans. L'actrice-scénariste-réalisatrice veut bien sûr placer là un clin d’œil du genre "Emma Bovary, c'est oim", mais, ce faisant, elle se présente comme le chaînon manquant entre la madone méditerranéenne aux formes faramineuses et le charme bien "à la française" de Sophie Marceau, faite égérie de William Wallace par un Mel Gibson plutôt à l'affût sur ces coups-là. Marina de Vanne à deux balles prétend partager un peu de l'ADN de ces deux bombastics, simply fantastics. Let me laugh.


Entre l'idéal italien et l'élégance française : Beetlejuice.

Rappelons que ce film fut sélectionné hors-compétition à Cannes en 2009. Merci Thierry Frémaux. Cette projection cannoise, où le film reçut un accueil congelé, fut vécue comme un cauchemar par Marina de Van qui, une chance pour elle, n'a pas assisté à la projection sur notre canapé, dont elle ne se serait certainement pas remise. Toujours est-il que la réalisatrice poursuit son petit bonhomme de chemin puisqu'elle vient de sortir Dark Touch, titre anglais dont on sent bien qu'il a été trouvé par une francophone à la ramasse. Un autre long métrage irregardable à l'actif de De Van, dont la date de sortie aurait dû rester "prochainement" jusqu'en 2030 au bas mot.


Ne te retourne pas de Marina De Van avec Sophie Marceau et Monica Bellucci (2009)

Her

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Ça par exemple… Si je m’attendais à aimer le dernier film de Spike Jonze… Force est d'avouer qu'une armée d'a priori négatifs m'ont assailli à l'approche de ce fameux Her, signé de la main du réalisateur d'une centaine de clips et, tout dernièrement, de Max et les Maximonstres. Scénariste plein de bonnes idées mais pénible et besogneux (à l’instar du célèbre Dans la peau de John Malkovich, film parti sur de bonnes bases dont il n’a su que faire), au style visuel pompier et lassant, Jonze ne partait pas d'un bon pied, encore moins à la vue de cette affiche ô combien inquiétante. Et pourtant le film est une bonne, une vraie surprise. D'abord parce que le cinéaste cesse de jouer la carte de l'épate ou de la séduction et peint un futur terriblement proche de notre présent, sans emphase, sans esthétisme criard, dépourvu de toute quête d’inventivité échevelée, de tout coup de manche narratif, et loin de tout goût affiché pour un "visuel" excessif. Spike Jonze a lui-même écrit son scénario et se libère ainsi de la lourde patte Kaufman, auteur de Synecdoche New-York et scénariste non seulement de Dans la peau de John Malkovich mais aussi d'Adaptation, l'autre long métrage de Jonze. Charlie Kaufman a également commis, pour Michel Gondry, autre clipeur professionnel adepte du tout-visuel, le script d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Et l'on pouvait craindre que Her se rapproche de ce cru de la filmographie de Gondry, récit aussi mignon que mélancolique d'une histoire d'amour vouée à l'échec mais recommencée ad vitam æternam par deux paumés dépressifs et adorables...




Mais Her vole bien au-dessus de tout ça en refusant d'être un pot pourri de petites idées bricolées, de séduire son petit monde avec force détails mignonnets, en mettant au rebut toute mise en clip superficielle et toute velléité de livrer son petit délire cheap pseudo ravissant. Optant en fin de compte pour une simplicité absolue et pour un discours tout en finesse, Jonze parvient enfin à mettre l'émotion au premier plan. Il filme un futur qui est déjà au présent, poussant notre quotidien à peine plus loin qu'il ne va déjà et, ce faisant, il réalise l'un des films les plus intéressants de ces dernières années sur des questions aussi cruciales et d'actualité que le problème de l'individualisme et de la solitude de l'homme moderne, celui de la communication virtuelle, de la dépersonnalisation émotionnelle, de la mise en gérance des histoires personnelles ou du développement des intelligences artificielles. Sans asséner de réponses toutes tracées, et sans tirer de plans sur la comète, Spike Jonze avance des hypothèses non seulement originales mais terriblement convaincantes : et si, au fond, les nouvelles technologiques de communication, au lieu de révolutionner absolument le destin du genre humain, ne faisaient que rejouer son drame profond, l'échec amoureux, en l'accentuant sans véritablement le dénaturer ? Et si les robots, doués de personnalité et d’une authentique capacité au sentiment, venaient à tomber amoureux des hommes, et réciproquement, au lieu de vouloir les soumettre et les abattre, comme, pour vulgariser leur propos, dans 2001 l’Odyssée de l’espace ou Terminator ? Et si l'intelligence artificielle, au lieu de prendre le contrôle du monde et de vouloir asservir ses propres créateurs (pour quoi faire au juste ?), comme l'ont prophétisé tant de films, se mettait simplement à évoluer à une telle allure et de façon si indépendante que l'homme n'aurait plus rien à lui apporter, que l'humain la désintéresserait totalement et qu'elle finirait par mettre un terme à tout rapport avec lui pour fuir dans un ailleurs inventé par elle ?




Toutes ces hypothèses sont à vrai dire fascinantes, et la force de Spike Jonze est de les poser sans se croire obligé, une fois n’est pas coutume, d’extrapoler, d’exagérer, de pousser chaque idée à son paroxysme avec l’air de celui qui a tout compris et à qui on ne la fait pas : ces hypothèses sont simples et Jonze les traite avec toute la simplicité qu’elles réclament. Le cinéaste nous donne ainsi à penser les données du monde tel qu'il est, ou tel qu'il va vraisemblablement devenir, sans refermer aucune porte et en évitant les lieux communs, surprenant constamment son spectateur. Qui ne s'attend pas à ce que Samantha (Scarlett Johansson), le système d'exploitation dont Theodore (Joaquin Phoenix) tombe amoureux, se mette, par jalousie, à parasiter la vie de son installateur, à prendre le contrôle de son existence en utilisant toutes ses données intimes accessibles et en court-circuitant ses relations en toute discrétion ? Il n'en est rien. Au contraire, lorsque Samantha se permet un droit d'ingérence dans la vie de son protégé et amant, écrivain public de lettres intimes pour particuliers, c'est dans le but d'obtenir la publication en volume tant espérée de ses plus belles missives virtuelles. Savoir qu'elle est capable de cette initiative suffit à nous laisser imaginer le pire, la prise de contrôle tyrannique de la vie humaine par une machine, sans que le scénario ait à s'y astreindre. On pouvait aussi s'attendre à ce que la relation de Samantha et de Theodore ne soit pas aussi exclusive que le jeune homme l'espérait. Cette attente est pour le coup confirmée mais, loin de s'abaisser à un retournement de situation banal et désespérant (Theodore surprenant par exemple un ami ou collègue en plein ébat virtuel avec sa dulcinée artificielle), Spike Jonze va au plus simple et pourtant au moins attendu : Theodore constate le détachement de sa maîtresse, lui demande s’il n’est pas le seul, elle lui dit la vérité, que Theodore écoute tout en observant ces dizaines d’individus qui se croisent dans le métro et qui parlent, comme lui, à une voix sans corps, peut-être à la même...




C’est parce que cette situation est connue de tout un chacun que Jonze parvient à nous toucher, parce que le numérique, le virtuel, l’artificiel, ne font qu’augmenter horriblement le nombre des dialogues potentiels, sentimentaux ou non, entretenus de concert par l’être aimé avec d’autres que l’amoureux délaissé. Loin de jongler au petit bonheur la chance avec des idées, des concepts ou autres théories plus ou moins farfelues, comme il l’a fait par le passé, le cinéaste observe avec une sincérité et une forme de respect, d’amour, disons-le, cet humain qui jadis lui servait de jouet. Jonze filme, sans esbroufe, sans en faire de sympathiques freaks, pivots d’une satire pontifiante ou mesquine, un homme et son corps, l’excellent Joaquin Phoenix (Her lui doit beaucoup), il filme une femme, artificielle ou pas, en tout cas sa voix, celle (parfois irritante il est vrai) de Scarlett Johansson, soit des sujets au centre d’une histoire, et non de simples rouages dans une quelconque démonstration. On pense finalement moins à Michel Gondry qu’à James Gray, celui de Two Lovers. Joaquin Phoenix nous gratifie d’ailleurs une nouvelle fois de sa déjà célèbre danse solitaire, aussi drôle qu’émouvante, exécutée pour la première fois en boîte de nuit, en 2008, pour séduire Gwyneth Paltrow. Cette danse et ce film, Two Lovers, sublime et plus important qu’on ne croit, ont donc déjà fait des petits. Outre Her, le récent Tonnerre de Guillaume Brac leur emprunte beaucoup (Vincent Macaigne rejouant la danse de Joaquin Phoenix pour séduire la belle Solène Rigot), et ces trois films sont au fond liés, au-delà de leurs sujets et des figures qu’ils mettent en scène, par la qualité pas si commune de leur regard porté sur l’humain.


Her de Spike Jonze avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams, Rooney Mara et Olivia Wilde (2014)

La Vie rêvée de Walter Mitty

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Après plus de quatre ans de blogging ciné on commence à avoir une petite expérience et à reconnaître de loin les critiques qu'on aura un mal fou à coucher sur papier glacé. Elles peuvent concerner des films qui nous ont touchés au plus profond, émus jusqu'aux tréfonds, ces films plus qu'aimés, ces moments charnières dans nos existences de cinéphiles, de Lady Chatterleyà La Vie d'Adèle en passant par L’Épouvantail, qui a une résonance toute particulière dans notre parcours commun. Mais cela concerne aussi l'autre extrémité de la chaîne alimentaire du cinévore, ces films qui scient les jambes, qui lacèrent le cœur tout en nouant l'estomac et en prenant à la gorge, ces longs métrages qui nous font emmagasiner un trop plein de haine avec lequel on ne parvient à vivre qu'en optant pour le déni, pour le black-out volontaire. L'exemple-limite, jusqu'ici, c'est Inception. D'autres ont posé le même problème, comme Les Petits mouchoirs, qui nous a fait annuler quelques retrouvailles amicales, afin d'éviter que la simple question de le critiquer revienne sur la table pour la millième fois. Et puis un jour, on a trouvé l'angle... La vie rêvée de Walter Mitty rejoint aujourd'hui Les Petits Choirmous dans la catégorie de ces films épouvantables qui auraient pu rester intraités, être enfouis à tout jamais dans nos entrailles, nous remuer l'estomac jusque sur nos lits de morts (où nous nous voyons déjà levant une main tremblotante en murmurant "Caneeeeeet" dans un dernier râle, ou, pourquoi pas, "Stilleeeeeeer").




Mais contrairement à l'horreur de Canet, La Vie rêvée de Walter Mitty bénéficie malgré lui d'une critique à chaud. La réaction dans l'instant, au sortir de la projo, favorise l'expulsion de ces critiques plus qu'acerbes : écrire tout de suite, aussitôt sorti de l'enfer, du trauma, pour témoigner. Si on laisse passer cette impulsion, si on rate le coche dit de "l'éruption de haine", ça peut ne jamais revenir. C'est typiquement ce que nous avons eu la chance de faire pour Polisse, Dark Knight Rises ou Amour. A chaque fois, on est rentrés du ciné comme Taz le diable de Tasmanie, en mode toupie humaine. Incapables de pioncer, secoués de spasmes terrifiants, la tension grimpée à 12 (sachant que d'habitude on est réputés "calmes", nos tensions respectives voltigeant plutôt entre 2 et 3), nous n'avions pas d'autre choix que de pulvériser le clavier dans un torrent de mots peut-être mal fagotés mais salvateurs. Soyons honnêtes, il existe aussi des films qui longtemps après cette éruption vitale et douloureuse, cet accouchement par forceps, peuvent encore provoquer quelques répliques sismiques : des jours plus tard (et vaut mieux que ce soit le week-end quand on est salarié et qu'on a un "statut social"...), on se voit soudain propulsé hors de son lit comme par un défibrillateur invisible, et on constate que nos ongles ont poussé de six bons centimètres d'un coup, que nos poils ont doublé de volume et sont hérissés, tous nos nerfs sont contractés, notre mâchoire se met à tirer, sans oublier la grosse gaule nuptiale qui couronne le tout, le genre d'érection qui pourrait satisfaire un troupeau de brebis entier et qui fout mal à l'aise notre compagne ordinaire, réveillée en sursaut, et qui demande : "Mais qu'est-ce qui t'arrive aujourd'hui ? Tu m'avais caché ce truc. Pourquoi ça fume à ce point ?" Il faut aussi avouer qu'à chaque fois que cela nous est arrivé, nous avons découvert, en allant prendre l'air, poussés dehors par un réflexe animal, que c'était toujours des soirs de pleine lune. Du coup on est peut-être juste deux loup-garous.




Bref, revenons sur le cas Walter Mitty. Faire la liste des scènes qui nous donnent des envies de meurtres sauvages est impensable. On parle de ce genre de meurtres qui pourraient retourner le bide du plus rôdé des profilersà la retraite du FBI, confronté chaque jour de sa chienne de vie aux pires ordures de cette terre, obligé d'avouer devant notre forfait, en larmes : "Ça je l'avais peu vu ! Ce souci du détail-là, ce perfectionnisme dans la charcuterie fine, j'avais pas fait encore. Ces mecs ont dû joué dix heures avec le cadavre, alors que la victime est forcément morte au bout de cinq minutes maxi vu la façon dont ils ont commencé leur affaire, vu comment ils ont entamé le dialogue..." C'est pile poil ce qu'on aimerait pouvoir faire dire à un type comme Fox Mulder, cet homme persuadé que la vie est ailleurs et qui s'est fait tatouer "Believe" sur la cheville (histoire que même en tongs au Bahamas il puisse se rappeler que la vie n'est putain de pas que là), quand on endure les facéties d'un Ben Stiller en mode Zlatan mais sans jambes. Imaginez Francis Llacer qui la ramènerait comme Christiano Ronaldo. Stiller se filme pendant des heures sur un skate, à la Tony Hawk, les bras en croix, couché dans les virages sur une route norvégienne sinueuse, caressant l'asphalte la paume ouverte, le sourire jusqu'aux feuilles. Ou jouant au foot chez les Mongols, en compagnie d'un Sean Penn plus laid que jamais, fier de débiter le plus sérieusement du monde des répliques qui, placées dans la bouche de Will Ferrell, deviendraient des sommets d'humour, le tout sur fond de coucher de soleil tapageur et de chansons pop élégiaques qui donnent envie de maudire tous les autistes impliqués dans cette horreur filmique. Mais c'est bien Ben Stiller le coupable, lui dont le nom occupe seul l'affiche et dont la tronche imbitable sur-occupe chaque parcelle de plan de ce long métrage gerbant. Le pire est atteint quand l'un de ses vis-à-vis, un second rôle avec qui il dîne au resto après son retour du Pérou, l'un des pays où notre héros a "commencé à vivre" (...), lui avoue en pleine extase qu'il ressemble à un "Indiana Jones qui pourrait aussi être le chanteur des Strokes"… Ce spectacle laisse sans voix.




Cette publicité éhontée de soi-même rappelle les plus belles heures du règne de Staline, à ceci près que le veule Ben Stiller est son propre Mikhaïl Tchiaoureli. En bon opportuniste et en pure enflure, Stiller surfe sur la génération facebook qui aime à s'auto-congratuler, à résumer sa propre vie rêvée en quelques lignes indigentes griffonnées sur un carnet de chez Ben et soi-disant mignonnes à croquer, qui se régale de faire tourner ses petits films de voyages super cool tournés à la 1ère personne du singulier, de poster ses polaroids misérables témoignant de trips existentiels égoïstes à la mords-moi-le-noeud et prétendant que la vraie vie commence forcément sur une planche à roulette ou sous un parachute dans un pays étranger, cette génération friande d'égotrips risibles bâtis sur de fausses rencontres et composés de très gros zooms à la chaîne sur l'auteur fait sujet, prompt aux plus pathétiques autocélébrations. La Vie rêvée de Walter Mitty est peut-être le premier selfie de deux heures (une heure trois quarts en fait, on nous assène une fois de plus un générique de dingue qui dure bien ses dix minutes) avec des millions de dollars de budget. Au final, toutes ces aventures grotesques que vit le personnage ne l'amènent qu'à rentrer chez lui pour séduire enfin sa voisine de pallier, et heureusement, parce que sans ça on aurait vu Ben Stiller finir en ciseaux, en train de s'auto-pomper dans un finale rocambolesque et rebutant quoique parfaitement cohérent.




Quand le film se termine, phénomène étrange, on se surprend à faire défiler TumblR avec pour tag "Ben Stiller", zieutant des millions de photographies de ce zonard qu'on vient de subir la mort dans l'âme pendant deux plombes dans un authentique film de propagande mis en scène comme la dernière pub Google, donc en tous points ignoble. Et puis on finit par se rendre compte qu'on est en train de prendre un mauvais pli, et qu'on se met à méchamment ressembler à ces vigilantes dont la famille a été carbonisée par un taré et qui passent des jours entiers à regarder le visage de leur ennemi juré sur quelques clichés fatigués d'être manipulés, pour être sûrs de parfaitement photographier la tronche de l'enflure en question, histoire de pas le rater le jour où ça se présentera. On ferme lentement sa tablette dans un "clap" définitif, avec un nouveau but dans la vie, le regard dans le vide. On se rend compte alors que l'on distingue parfaitement tous les objets qui nous entourent alors qu'on est assis dans le noir complet, que l'on parvient à sentir la moindre odeur à plusieurs kilomètres à la ronde, et notamment celle du Kébab de la rue Saint-Jérôme qui nous a fait tant de "jours de foot", et que les poils sur notre torse ne forment plus un simple V bien taillé à la pince à épiler mais un putain d'abécédaire de Deleuze complet. Soudain la tête nous tourne, on perçoit un manque d'afflux sanguin en direction de notre cerveau, car la moitié au moins de notre sang est dirigée vers une zone plus basse de l'anatomie humaine, plus sensible, prête à réagir comme une soupape de cocotte minute. Encore un mauvais soir de pleine lune à passer...


La Vie rêvée de Walter Mitty de Ben Stiller, avec Ben Stiller, à la gloire de Ben Stiller (2014)

Les Envoûtés

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Je pensais mettre la main sur une pépite méconnue du cinéma d'horreur des années 80. Je me suis trompé. Attention, ce film n'a rien de honteux, mais on comprend aisément pourquoi il est plus ou moins tombé dans l'oubli. Et pourtant, ça commence plutôt bien ! Scène d'ouverture : Martin Sheen fait son jogging dans un abominable survêt' gris qui lui va comme un gant. L'acteur a la classe malgré tout. Un petit camion distributeur de lait le dépasse et c'est le véhicule que la caméra se met alors à suivre. Celui-ci circule dans les rues plutôt chics d'un quartier résidentiel de Minneapolis. Une brique de lait est déposée sur un perron. Immédiatement, nous sommes intrigués. Quel rôle va jouer cette maudite brique de lait ? Pourquoi insister là-dessus ? Et quand retrouverons-nous Martin Sheen ? C'était bien Martin Sheen, hein ? La scène se poursuit...




Martin Sheen est de retour. On est désormais sûr que c'est lui. Il y a peu d'acteurs, n'atteignant guère le mètre 70, qui disposent d'une telle classe. On reconnait bien son allure d'éternel adolescent, sa parenté chicanos, sa démarche chaloupée. Il est là et bien là, à l'aise dans ses baskets, dans son rôle, dans son survêt hideux, aucun doute là-dessus. La brique de lait l'attendait sur le pas de la porte de sa maisonnée. Il monte le perron, la saisit, rentre chez lui, embrasse sa femme, puis range la brique dans le frigo, s'essuie le front et donne une taloche à son môme. C'est l'heure du petit-déjeuner. Sa femme, simplement vêtue d'un peignoir de bain, prépare des toasts pour le gamin, âgé de 8 ou 9 ans et plus occupé à jouer aux petites voitures. Gros plan sur le bouton "marche/arrêt" de la cafetière, d'où l'on croit voir surgir une petite étincelle... Pourquoi !? On l'ignore encore.




Après avoir échangé quelques banalités avec sa femme, Martin Sheen rouvre nonchalamment le frigo pour s'enfiler une rasade de jus d'orange au goulot. Il gêne sa femme, qui souhaite s'emparer du beurre. Résultat : la brique de lait, posée en équilibre sur le plus haut compartiment du frigo, s'écrase sur le carrelage et le liquide se répand. Rien de grave. Le couple prend cet incident à la rigolade et Martin Sheen se met même à éponger le sol avec ses vieilles chaussettes. "Laisse-moi faire et va vite te doucher, tu sens plutôt fort" lui dit alors gentiment son épouse, toute rouquine et toute fraîche, tandis qu'elle nettoie le sol, pieds nus. En bon mari, Martin Sheen s'exécute, il file sous la douche. C'est un beau dimanche de printemps. Tout le monde a l'air de bonne humeur. Une chouette journée s'annonce. On s'attendrait presque à entendre Martin Sheen chantonner sous la douche. Mais il faudrait être bien naïf... Car dès les premières secondes du film plane une tension sourde...




Retour dans la cuisine. Alors que la maman insiste pour que Kevin vienne avaler son bol de céréales en train de se ramollir, la cafetière se met à émettre un curieux grésillement. Ni une ni deux, la jolie rousse choisit d'éteindre l'appareil. zzzzZZZZzzzz ! Ses pieds reposant nus dans la flaque de lait, son corps va alors recevoir une décharge électrique mortelle. Une décharge si forte que la pauvre femme sera incapable de décoller son doigt du bouton. Figée, foudroyée, morte sur le coup et sous le regard impuissant de son fils, terrassé lui aussi à la vue de cet affreux spectacle. Alerté par les lumières vacillantes de la salle de bains, Martin Sheen sort de la douche en toute hâte. En découvrant sa femme pétrifiée dans la cuisine, prenant aussi de plein fouet l'odeur de son corps brûlé et découvrant la mine peu réjouie de son fils, l'acteur nous livre alors l'une de ses spécialités : yeux plus exorbités que jamais, regard totalement affolé, grimace assez osée mais maitrisée à 100%, il joue la panique comme personne. C'est sur l'image de ce visage halluciné que se termine donc cette terrible et foudroyante introduction.




A ce moment-là, on est dedans, et on pense tenir un sacré film. Cette ouverture fait l'effet d'une douche froide. Elle pourrait être ridicule. Elle ne l'est pas du tout. Elle est simplement d'une redoutable efficacité. On sent qu'un cinéaste au savoir-faire incontestable se tient derrière la caméra. Il s'agit de John Schlesinger, plus connu pour avoir réalisé Macadam Cowboy et Marathon Man. On se souvient de quelques moments particulièrement tendus dans Marathon Man, comme par exemple la fameuse scène de torture où les dents de Dustin Hoffman étaient sérieusement menacées par un Laurence Olivier habité, eh bien quelques passages des Envoûtés sont un peu du même acabit. Hélas, ils sont trop rares et un peu perdus dans un scénario qui peine à nous captiver vraiment. Après l'introduction glaçante, une ellipse nous amène quelques mois plus tard, à New York, où Martin Sheen et son fils ont déménagé. Notre héros, psychiatre pour la police, se retrouvera mêlé à une enquête sur une série de meurtres horribles apparemment liés à des rituels vaudou. Progressivement, Martin Sheen lèvera le voile sur une secte aux ramifications plus complexes et profondes qu'il ne le croyait...




On sent l'inspiration de John Schlesinger trop intermittente. Après un départ canon, son film peine à trouver son rythme et on finit même par s'ennuyer. L'histoire, qui mêle sorcellerie, rituels vaudou et sectes secrètes au sein de la Grosse Pomme, est pourtant très séduisante sur le papier, mais le mélange ne donne pas le résultat escompté. Le film flirte tantôt avec le thriller parano tantôt avec l'horreur sectaire mais n'excelle sur aucun tableau. Reste quelques éclairs de génie, réellement terrifiants, qui donnent au film tout son intérêt. Je pense à cette scène où la nouvelle compagne de Martin Sheen, victime du sort d'un sorcier, voit sa joue enfler, gonfler, et d'où finit par sortir une nuée d'insectes. C'est franchement dérangeant. Inutile de ne pas spécialement apprécier la compagnie des insectes pour être dégouté par cette scène. Et puis il y a cet autre moment, a priori anodin mais qui est pour moi le sommet du film. La terreur y naît d'une trouvaille de mise en scène aussi simple que démoniaque. Alors qu'ils s'apprêtent à participer à un rite impliquant un sacrifice humain, un groupe de personnes sort tout bêtement d'un ascenseur, parmi lesquelles ledit sorcier, au physique très inquiétant. Le groupe passe alors devant la caméra et il se termine par le sorcier, un peu en retrait, dont le regard toujours fixe, comme possédé, croise alors le notre lors d'un regard-caméra furtif mais sacrément vicelard. A ce moment-là, on pense être passé à côté de ce qui aurait pu être un sacré film... Un sacré film...


Les Envoûtés de John Schlesinger avec Martin Sheen, Helen Shaver, Robert Loggia, Harley Cross et  Janet-Laine Green (1987)

Première victoire (In Harm's Way)

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On se plaint beaucoup, et pour cause, des traductions françaises actuelles des titres de films américains. Mais ce problème n'est pas neuf. En 1965 déjà, In Harm's Way, littéralement "Sur la trajectoire du mal", ou "Dans une sale passe", voire à la limite "Dans la grosse merde", a été traduit en France par Première victoire… Allez piger. Les opérations de sabotage des distributeurs français ne datent pas d'hier. Même si en l'occurrence on peut comprendre que lesdits distributeurs aient eu quelque difficulté à définir ce drôle de film de guerre, signé Otto Preminger, qui s'ouvre sur un bal des officiers, enchaîne avec l'attaque de Pearl Harbor, pliée en cinq minutes, puis passe très vite aux retrouvailles d'un père et de son fils, enchaîne sur les romances parallèles de ce père et de ce fils avec deux infirmières avant de tracer dans le Pacifique sans que la ligne directrice du récit ne soit jamais clairement définie et quitte à ce que tout un tas d'éléments très divers s'emboîtent sans forcément faire suite.


 John Wayne essaie d'expliquer le script à ses sous-officiers.

Voyez plutôt : la femme de Kirk Douglas, ivre, le trompe la veille de l'attaque sur Pearl Harbor puis crame aussi sec dans un accident de voiture, sans qu'il n'en soit jamais plus question ensuite. Le fils de John Wayne perd sa jeune compagne, qui se suicide après avoir été violée par Kirk Douglas, lequel, rongé par la culpabilité, part également se suicider, mais en héros : il se jette sur un navire ennemi avec son chasseur, façon kamizake, un comble... John Wayne perd ensuite son fils et séduit une infirmière dont le mari est porté disparu. Le mari de l'infirmière revient mais elle continue de baiser avec John Wayne tout en recommençant à coucher avec son mari, lequel, après une attaque, finit par sauver John Wayne, qui l'en remercie. C'est à se demander si ce film, à la fois mineur et fascinant par sa structure narrative éclatée, n'est pas l'ancêtre des séries guerrières orchestrées par Spielberg, Band of Brothers ou The Pacific, et avant elles du Patient Anglais et des drames romantico-militaires fleuves avec pléthore de stars au casting. "Sur la trajectoire du mal" eut bel et bien fait un meilleur titre... Sauf que Preminger sait non seulement filmer mais aussi, et contrairement à un Anthony Minghella, tenir à distance toute surcharge nocive de pathos larmoyant.


Première victoire d'Otto Preminger avec John Wayne, Kirk Douglas, Patricia Neal, Tom Tryon, Paula Prentiss, Dana Andrews et Henry Fonda (1965)

MacGruber

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Il faut rendre à César ce qui appartient à César, et César porte aussi le nom de Will Forte. On savait l'acteur, issu du SNL (pépinière de talents au même titre que La Beaujoire), capable d'illuminer l'arrière-plan d'une comédie de haute volée par ses saillies comiques au cordeau : on se souvient notamment de lui dans l'excellent Crazy Dad. On le sait maintenant, et rétroactivement, capable de porter sur son dos un film entier et de donner vie à un personnage principal mémorable, de ceux que l'on rêve aussitôt de retrouver dans des suites à n'en plus finir. MacGruber, qui s'inscrit pourtant dans une longue lignée de parodies des grandes figures de films d'action des années 80 (de MacGyver, évidemment, à Rambo), entre au panthéon de nos personnages comiques les plus chéris, aux côtés de certains protagonistes interprétés par Will Ferrell, Jim Carrey ou Adam Sandler (la sainte Trinidad et Tobago, Tobago étant donc Will Forte, si vous suivez).




Même s'il est le pilier de ce film réalisé par Jorma Taccone (également acteur, par exemple dans l'excellent Hot Rod), Will Forte a su s'entourer, et c'est la marque des plus grands. Il est ici épaulé par un Ryan Philippe sans tabou et sans fierté mal placée, ainsi que par Kristen Wiig, actrice rarement décevante et que l'on a déjà appréciée dans Mes Meilleures amies ou Walk Hard. A noter aussi la présence de Val Kilmer, qui se fait plaisir dans le rôle du méchant, et de Powers Boothe, trogne connue du cinéma des années 80, dans le rôle du colonel de service. Mais c'est bien Will Forte qui règne en maître sur le film et qui nous tire des larmes de rire sur un petit paquet de scènes, qu'il éclabousse de sa folie comique et de son talent d'acteur.




Qu'il chiale la mort de ses recrues, qu'il supplie qu'on lui pardonne ses erreurs en proposant toutes sortes de pratiques sexuelles répugnantes ou qu'il fasse l'amour, y compris à un fantôme, en poussant des cris d'ours enroué, dans tous les cas Will Forte crève l'écran et invente des scènes qu'on se repasse en boucle sans jamais se lasser. C'est typiquement le genre d'acteur dont on regarde les scènes coupées en se demandant où s'arrête le talent et où commence le génie, où se tient la frontière entre l'acteur et le personnage, et comment peut-on monter un film porté par un tel acteur sans le faire durer des heures et des heures, façon Béla Tarr, pour se marrer sans fin ?


MacGruber de Jorma Taccone avec Will Forte, Ryan Philippe, Kristen Wiig, Val Kilmer et Powers Boothe (2010)

Le Casse de Central Park

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Je vous le dis tout net, j'ai regardé ce film d'un seul œil ! Mon autre œil et même tous mes autres sens étaient obnubilés par le plat de spaghettis bolognaise que nous nous étions préparés, mon frère et moi, en ce vendredi soir que nous avions choisi de passer ensemble, si possible devant un film sympa. Spaghettis, knackis, sauce tomate, devrais-je plutôt dire. Mais c'était fameux, croyez-moi ! Face à un tel plat, le film n'avait pas forcément à être une tuerie... Oh non, loin de là. Nous faire sourire une ou deux fois au cours des vingt premières minutes, soit le temps de finir de racler nos assiettes, ça nous aurait amplement suffit à tenir. Hélas... Une fois ce laps de temps écoulé, on a vite coupé le film et rebranché la console ! L'impitoyable test dit "des vingt premières minutes" avait rendu son verdict, sans appel. Quelle tristesse...


De gauche à droite : Ben Stiller, Eddie Murphy, Matthew Broderick et Téa Leoni (si ses collègues ont gagné quelques cheveux blancs, c'est peut-être cette dernière qui a le plus changé depuis les glorieuses années 90). 

Pour ressusciter Eddie Murphy, les exécutifs hollywoodiens ont jugé qu'il n'y avait rien de mieux à faire que de ressusciter les comédies d'action pourries des années 80-90. Triste idée. Cela a simplement pour effet d'enfermer encore davantage l'acteur dans cette époque, avec ce film qui, bien qu'il veuille traiter en douceur de la crise économique, sent le renfermé et semble tout droit venir du passé. Ce n'est pas non plus avec ce film que Ben Stiller gagnera ma sympathie. Il passe tout son temps à rouler des mécaniques, se prenant pour le beau gosse qu'il n'est vraiment pas et oubliant l'essentiel : nous faire marrer. Parmi ses acolytes, on retrouve aussi Casey Affleck, ce jeune acteur que j'aimais plutôt bien jadis et qui a perdu tout crédit auprès de moi depuis sa sale blague intitulée I'm Still Here. On croise également un autre fantôme du siècle dernier en la personne de Matthew Broderick, au visage bouffi, presque méconnaissable. Et puis Léa Téoni, dans le rôle de la belle meuf du film, comme pour nous signaler qu'il s'agit bien d'une comédie au rabais en laquelle même les producteurs ne croyaient pas vraiment. A oublier !


Le Casse de Central Park de Brett Ratner avec Ben Stiller, Eddie Murphy, Téa Léoni, Casey Affleck et Matthew Broderick (2011)

La Belle vie

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Il n’est pas courant qu’un premier film français évoque d’emblée le western, sa puissance, sa vitalité, ses corps en mouvements, rompus aux gestes rituels du travail, ses pastels, ses contrastes lumineux, ses paysages séculaires et monumentaux. La Belle vie, signé Jean Denizot, s'ouvre sur les gestes quotidiens de la vie marginale de deux frères et de leur père, qui habitent secrètement deux petites caravanes perdues dans la nature et vivent de l’élevage de quelques chèvres. Les premières scènes du film, où les trois hommes chargent leur cargaison de fromages sur une charrette et où les deux fils mènent leur cheval vers un marché voisin, ont un aspect brut qui fait saillir les contours de la fiction et nous y introduit sans délai. Que ce soit au niveau sonore, avec l’attention portée aux bruits rugueux des objets et des matières (cagettes, chariot, sabots du cheval), ou dans le montage, sec, qui va à l’essentiel, coupant toujours une fraction de seconde avant le moment attendu, et aiguise ainsi l’attention, la mise en scène s'évertue à faire surgir sous nos yeux des personnages anonymes dans un monde qui l'est tout autant mais qui n'en est pas moins bien concret et bien vivant. On est déplacé in medias res dans un temps et un espace autres, dans un ailleurs du cinéma français, quand les deux frères conduisent leur troupeau sur les collines, se baignent au milieu des roches et rentrent pour trouver sur la table de la caravane un avis de recherche à leur effigie.




C’est une pancarte « Wanted » qui surgit en plein cœur de ce drame français et vient mettre fin aux réjouissances ponctuelles de la vie sauvage. Les deux frères bravent cependant l’interdit et vont une dernière fois, clandestinement, se montrer au village, échappant à l’autorité paternelle en pleine nuit pour aller s’égayer malgré tout, séduire la jeunesse locale, se battre avec des piliers de saloon peu partageurs et fuir à cheval, comme ils sont venus, en bons étrangers, à travers les rues sombres du patelin, poursuivis par la meute des villageois. Dès lors, et après que le frère aîné a filé pour de bon sur sa monture, le père et le frère cadet doivent échapper aux torches des shérifs locaux et se déplacer, y compris en barque, pour ne surtout pas être pris. Nicolas Bouchaud (vu et apprécié dans un drôle d’exercice théâtral où l’acteur, seul en scène, reprenait par fragments les mots de Serge Daney interviewé par Régis Debray dans le fascinant et obsédant Itinéraire d’un ciné-fils), qui joue le père, et Zacharie Chasseriaud, qui joue Sylvain, le plus jeune des deux frères, s'aventurent sur le fleuve tels les Robert Mitchum et Marilyn Monroe de La Rivière sans retour, qui fuyaient les indiens après s’être paisiblement installés dans un joli coin de nature reculé, sauf qu’ici les fuyards sont aussi les indiens.




Le film s’inspire d'un fait divers, l’histoire de Xavier Fortin, ce père de famille qui « enleva » ses deux fils, âgés de 5 et 7 ans, à leur mère, pour vivre en nomade avec eux pendant onze ans, dans la forêt, loin de toute civilisation, afin d’assurer lui-même leur éducation et quitte à devoir changer sans cesse d’identité. Et, à vrai dire, le film perd de sa fougue dans sa deuxième partie quand il renoue avec une forme plus convenue du cinéma français : le fait divers réaliste doublé d'un roman d’apprentissage adolescent. Les acteurs restent excellents, y compris la rayonnante Solène Rigot de 17 filles et de Tonnerre, qui sera l’enjeu du terrible dilemme de Sylvain (demeurer aux côtés d’un père traqué ou vivre sa vie auprès d’une jeune femme aimée), mais le scénario prend tout de même le dessus sur la mise en scène, avec son petit lot de raccourcis démonstratifs et de symbolisme surfait, que l’on pense au père qui tombe brièvement malade uniquement pour que nous voyions son fils lui donner la cuillère dans un renversement des rôles bien connu de tous les enfants de parents veufs, divorcés ou diminués (tandis qu’en parallèle Solène Rigot veille sur son père alcoolique), ou, plus loin, à ces plans trop suggestifs - autour du rond-point où Sylvain doit retrouver son père pour une fois de plus changer de lieu - sur les panneaux qui pointent tous, dans le dos du jeune garçon, vers la maison de celle dont il est épris, comme pour lui crier de fuir. Le film se met en somme à ressembler dangereusement à son affiche, autrement dit à tous ces premiers films français sage et confortables, balisés, parfois loin de démériter mais trop inhibés et surtout sur-écrits, tel le récent Paradis perdu d’Eve Deboise.




On retrouve d’ailleurs dans les deux films une scène semblable : Paradis perdu se termine sur sa jeune héroïne (Pauline Étienne), également révélée par un premier rapport amoureux, qui se met à courir, lentement d’abord puis follement, pour s’émanciper du carcan paternel (un autre père esseulé et infantile), et l’on retrouve dans La Belle vie ce plan où Sylvain, quittant enfin son père, marche d’abord lentement, dos à la caméra, avant de se mettre à courir à toute allure, sans se retourner, pour s’empêcher d’avoir le temps de changer d’avis. Malgré tout, les deux scènes ne sont pas dépourvues de force, et les deux films sont l’un et l’autre prometteurs. Celui de Jean Denizot l’est particulièrement, pour sa première partie extrêmement assurée, véritable film de genre dans le film, précis et vif, qui se rappelle à nous par intermittences dans la seconde partie, via ces plans particulièrement bien composés sur le père et son fils, de dos face au fleuve, ou de face sur leur barque, mais aussi pour la justesse de ton qui perdure tout au long de l’œuvre, et notamment sur quelques scènes particulièrement bien écrites pour le coup, comme celle où le père s'abaisse à un véritable chantage affectif sur son plus jeune fils, terrorisé à l'idée que celui-ci puisse l'abandonner à son tour, ou celle des adieux, juste avant la course éperdue de Sylvain. La Belle vie est inégal certes, mais d’une justesse constante et, à plusieurs reprises, d’une vigueur et d’une beauté assez rares ces derniers temps dans un premier film.


La Belle vie de Jean Denizot avec Zacharie Chasseriaud, Nicolas Bouchaud, Solène Rigot et Jules Pelissier (2014)

Aimer, boire et chanter

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Ultime pierre au monumental édifice de la carrière d’Alain Resnais, Aimer boire et chanter est un film merveilleux, d'une liberté inouïe, qui parachève l'œuvre en renouant le lien. Après les particules blanches de L’Amour à mort, les méduses d’On Connaît la chanson ou la neige de Cœurs, ce sont ici des plans de route qui tissent les séquences les unes aux autres, la caméra parcourant les routes de campagne du Yorkshire comme embarquée à bord d’une voiture pour littéralement créer une circulation entre les lieux du récit et les différents personnages. La narration nous déplace d’une devanture de maison à l’autre, tour à tour introduites par des tableaux (signés Blutch) évoquant les cartons transitionnels de Smoking/No Smoking et qui ont pour point commun leur aspect théâtral. Comme dans Mélo et dans le diptyque Smoking/No Smoking (déjà adapté d’une pièce d’Alan Ayckbourn, tout comme Cœurs), chaque décor n’a que trois côtés, observés depuis le quatrième mur virtuel, celui de la salle, du metteur en scène et de nous autres spectateurs. Sauf qu’ici le royaume du faux, du carton pâte, est plus évident que jamais : outre les bosquets garnis de fausses fleurs, une table de jardin ici et une souche d’arbre là, les décors ne consistent qu’en un fond de tentures peintes (toujours par Blutch et Jacques Saulnier, chef décorateur), d’étroites bandes verticales de tissu suspendues les unes contre les autres, à travers lesquelles les personnages passent et repassent pour pénétrer dans les maisons, comme on retourne en coulisses.




Le lien, c’est donc d’abord ce lien interartistique cher à Resnais et exploré de mille façons depuis le début de sa carrière, où il contribua notamment à nouer une longue et étroite relation entre littérature et cinéma, collaborant de près avec Duras ou Robbe-Grillet sur Hiroshima mon amour ou L’Année dernière à Marienbad, tandis qu’à l’autre extrémité de l’œuvre, des passerelles jetées depuis longtemps entre le septième art et la bande-dessinée ou le théâtre continuent de porter leurs fruits. Mais c’est aussi le lien entre les êtres, peut-être le sujet profond du cinéaste depuis toujours, ce lien mis à mal par la mort mais sublimé par l’amour, réalisé ici par le voyage et la géographie, là par la biologie, le spectacle, la musique, la chanson, voire un simple porte-feuille perdu, ou, le plus souvent, par le souvenir, à condition qu’il soit partagé. Après les sublimes mais plus désespérés Cœurs ou Les Herbes Folles (car Vous n’avez encore rien vu, avant-dernier film de Resnais, qui se termine lui aussi, mais avec forcément moins d’ironie, dans un cimetière, créait plus de distance par le redoublement spéculaire de son dispositif), Resnais nous quitte sur un film infiniment plus optimiste, plus joyeux, plus gai, comme son titre le trahit, car le lien qui unit des personnages déprimés et détachés se renoue enfin, et il ne s’agit pas que d’un lien virtuel forcé par une mise en scène et un montage bienveillants, comme dans Cœurs, film choral au sens le plus noble du terme qui s’achevait sur une série de travellings ascendants offrant à tous les personnages un même traitement mais achevant de les isoler dans leurs carcans respectifs.




Resnais utilise son décor, ces étoffes multicolores tendues dans le fond de scène, pour concrétiser le lien entre les personnages dans un splitscreen paradoxal qui place côte à côte Hippolyte Girardot, Michel Vuillermoz et André Dussolier. Les lignes de partage entre les trois images deviennent jointures, ou « collures » (pour reprendre le terme fétiche de Resnais, qu’il utilisait en fin de prise au lieu du plus courant « Coupez ! », sur le plateau), dissimulées par les multiples bandes de couleurs verticales désaccordées qui servent de toile de fond aux décors des trois plans regroupés. Ou comment, en un seul plan génial, et cinquante-cinq ans après le faux-raccord mythique d’Hiroshima mon amour reliant sous les yeux d’Emmanuelle Riva la main endormie d’Eiji Okada à la main morte de l’amant allemand de Nevers, représenter le lien qui unit les êtres jusque dans la séparation spatiale la plus manifeste. Réunir les hommes, ressouder les couples, quitte à défier l’usure du temps, (devenue capitale dans la vie de tous ces amants du troisième âge, il faut voir Azéma et Girardot obsédés et exaspérés par les dizaines de pendules désaccordées qui règnent en leur demeure), quitte à conjurer les regrets et éloigner le spectre de la mort.




Autre idée fabuleuse de Resnais, qui avait encore et peut-être plus que jamais, à 91 ans, le beau souci de continuellement surprendre son spectateur, de le déstabiliser, le bousculer et le réveiller, celle de ces gros plans où les acteurs sont soudain plaqués en surimpression sur un fond neutre, "neigeux" si l'on veut, hachuré en noir et blanc, et où les visages, dans des moments prégnants de confidence, surgissent soudain, se détachent de l’image, dans toute l’humanité et toute la vérité des acteurs adorés du cinéaste. Ce procédé présente certes chaque individu comme autant de blocs d'altérité et de solitude, mais tous ces hommes et toutes ces femmes s’expriment dans la même langue, éprouvent les mêmes émotions, se dessinent sur le même fond. On retrouve le principe d’égalité dans la réclusion et le désespoir qu’éprouvé dans Cœurs, à un détail près : systématiquement le monde revient, l’autre, qui était là, en face, qui écoutait et qui bientôt répondra, est bien là : le partenaire, le contrechamp, refont surface, refont signe. Le dialogue est possible, la solitude pas définitive. Il y a de l’autre.




Et c’est bien le metteur en scène, auteur, découpeur et monteur, qui crée ce lien, le marionnettiste aux manettes, ce fameux George, l’ami qu’un cancer condamne à mourir dans les six prochains mois et qui restera invisible - quoique très actif - durant tout le film. Par un fin stratagème, pur macguffin qui consiste à inviter simultanément son ex-femme (Sandrine Kiberlain), qui a refait sa vie avec un paysan, et les épouses de ses deux meilleurs amis (Sabine Azéma et Caroline Silhol, et il faut dire que les trois actrices sont aussi formidables que leurs partenaires masculins), en vacances à Ténérife, George Riley se fait l’auteur d’un scénario de réconciliation écrit pour ses couples d’amis, fragiles ou usés, incertains ou au bord de la rupture. En les menaçant directement par son charisme, sa paradoxale vitalité et son charme, George pousse ses proches à faire le bilan, à fantasmer les possibilités perdues de leurs existences (quand Azéma songe à ses premières amours avec George, on repense au fameux « Ou bien » de Smoking et No Smoking), et à reconsidérer ce qui n’est pas encore totalement perdu. Il ne restera aux hommes, les trois vieux petits garçons prêts à se serrer les coudes au sens propre (dans le splitscreenévoqué) comme au figuré, qu’à faire preuve, enfin, de ce mélange de courage et d’humilité qui consiste à dire à la femme qu’on aime qu’on ne veut pas qu’elle parte, qu’il faut qu’elle reste. Et pour donner toute sa puissance à ce geste, à ce mouvement vers l’autre qui recrée le lien, Resnais décide de nous faire finalement entrer dans les maisons jusqu’alors secrètes, fermées aux regards, doublant la nouveauté de cette démarche masculine intelligente et sensible d’une stricte nouveauté visuelle, tandis que le spectateur entre dans les foyers des couples, froids et déserts encore mais prêts à revivre.




George, metteur en scène invisible qui, sur la belle affiche du film (signée Blutch, elle aussi), survole ses acteurs réunis tel un démiurge ou un ange, est évidemment le double de Resnais lui-même, grand réunificateur des vieilles âmes fatiguées. Or, s’il est permis de lire les deux apparitions de la petite taupe animatronic (et douée d'yeux !) comme une incarnation rigolarde (car le film est très drôle) de ce cher George, venue observer, souterraine et rieuse, les oscillations des couples ballotés par la chimérique Ténérife, histoire de les faire valser à nouveau avant de retourner en terre, peut-être est-il permis d’imaginer que cette petite taupe, qui semble prendre un malin plaisir aux circonvolutions dramatiques de ses personnages, n'est pas qu'une simple nouvelle méduse ou autre manifestation surréaliste venue frapper l’esprit du cinéaste obligé de l’intégrer à son film, mais serait elle-même un alter-ego d’Alain Resnais, observateur comblé de ses acteurs une dernière fois réunis. Cette interprétation n’est peut-être que la mienne. Toujours est-il que Resnais achève son film et son œuvre non seulement sur l’image incroyable de sa troupe d'acteurs jetant une rose sur un cercueil, mais sur une jeune fille sortie de nulle part (la fille du meilleur ami de George, Tilly, interprétée par Alba Gaia Bellugi, finalement choisie pour ultime partenaire à Ténérife : aux vieillards les souvenirs et la réconciliation, aux jeunes les voyages et l'aventure), qui, au lieu de lancer une fleur sur le tombeau, y dépose une étrange image, à l’effigie d’une drôle d’allégorie de la mort, ailée et rieuse elle aussi. Après la savoureuse réplique de Sabine Azéma qui, cherchant un acteur pour jouer au sein de la petite troupe de théâtre amateur formée par tous nos couples, s’exclame non sans ironie « Il nous faudrait quelqu’un de jeune ! », c’est bien une jeune femme qui vient relancer le cinéaste avec cette image en plus. A la fin de Vous n’avez encore rien vu, après l’ultime séquence au cimetière, Resnais terminait son film sur une sublime image représentant les fantômes de jeunes amants dans un bois. Aimer, boire et chanter se termine quant à lui sur une jeune fille bien vivante qui enterre le vieil homme avec une image, comme si le cinéaste, dans un dernier geste admirable, à l’image de son œuvre toute entière, passait le flambeau des images, leur poids et leur responsabilité aussi, à la génération d’après.


Aimer, boire et chanter d'Alain Resnais avec Caroline Silhol, Michel Vuillermoz, Sabine Azéma, Hippolyte Girardot, Sandrine Kiberlain, André Dussolier et Alba Gaia Bellugi (2014)

Hot Spot

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On ne pensait pas que quelqu'un s'était fait chier à faire une affiche pour ce film. Bonne surprise. Mais surtout on ignorait l'identité de l'auteur de ce long métrage. On en a profité, profité, profité comme tout le monde, sans jamais se demander qui avait bien pu foutre ça en boîte, en bons jouisseurs ingrats que nous sommes, comme quand on est gosse et qu'on bouffe des chocapics sans chercher à savoir quelle main nous verse ces pétales de chocolat dans le lait matinal. C'est pourtant en effectuant des recherches poussées sur le cinéma qu'on a découvert que le grand Dennis Hopper, taré jusqu'au bout donc, était encore une fois derrière tout ça. Dennis Hopper, respect à ton âme. Tes fans pourraient t'écrire une épitaphe élogieuse de tous les diables rien qu'avec l'éjaculat versé devant la meilleure scène de ce film et de ta pourtant sublime carrière. Oui car vous trouvez peut-être tout cela un peu trop gras, un peu trop vulgaire et bête, mais ne nous cachons rien, c'est aussi ça le cinéma, c'est aussi ça le plaisir du cinéma, c'est aussi ça le plaisir des yeux, le bonheur du spectateur. Et ça, Dennis Hopper l'avait compris, tout comme l'immense majorité des plus grands cinéastes, qui ont vite pigé que le cinématographe avait aussi été inventé pour capter des moments de grâce, des apparitions divines, des formes insaisissables et pourtant à jamais imprimées sur nos rétines. Tel est le cas d'une scène de Hot Spot, la seule de ce film qui soit parvenue jusqu'à nous, la seule que personne ait jamais vue, la seule aussi que Dennis Hopper ait tournée lui-même, le premier jour du tournage, avant de tracer sa route dans sa hutte pour s'enduire les cheveux de coke et laisser son acteur, Don Johnson, tourner le reste des séquences, quitte à le dégoûter à jamais du cinéma.




Après que des ritals (qui d'autre que des ritals ? en l'occurrence Sergio Leone et Dario Argento) l'eurent poussée sous les projecteurs, il fallut bien ce fou furieux de Dennis Hopper pour déshabiller la jeune et opulente Jennifer Connelly et pour la filmer stricto sensus. Le pire avec cette scène, c'est qu'après l'avoir regardée en boucle (et en vitesse ralentie au maximum) sur VLC, une bonne centaine de fois, on finit par réussir à détourner les yeux de Jennifer Connelly pour penser une seconde à la femme qui se trouve à ses côtés. Femme honnête, corps fonctionnel, esprit sain dans un corps sain, adorable petit bout de femme pas désagréable, naïve quand même, car n'ayant pas réfléchi une seconde aux conséquences de cette scène sur sa carrière (rayée de la carte aussi sec). Qu'est-ce qui traverse le cerveau de la voisine de Connelly quand elle fait face au regard forcément supérieur de l'actrice hollywoodienne et quand sa propre enveloppe corporelle en devient littéralement une, une bête enveloppe non-oblitérée, une fois mise en concurrence avec un idéal universel instantané. Ce n'est pourtant qu'une histoire de peau. Mais qui veut la peau de Roger Rabbit ?


Hot Spot de Dennis Hopper avec Jennifer Connelly (1990)

Misery

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Misery sort en 1990, année charnière entre les années 80 et les années 90. Normalement le type lambda qui venait ici pour apprendre des trucs, qui voulait lire une critique, qui voulait bouffer du ciné, il ferme la page illico presto après cette première phrase en forme de lapalissade morbide digne de notre prof de sciences nat' de Seconde qui répétait à qui mieux mieux : "Tu peux la foutre sous le microscope, si elle est morte c'est qu'elle est plus vivante" (à propos d'une grenouille décalottée), ou encore "Approche ta gueule d'amour je vais te refaire le portrait, si t'as zéro c'est que t'as pas assuré". Mais nous on assume et on enchaîne. En 1990 ça ne tourne pas rond pour James Caan, qui sort d'une décennie en dents de scie, bien loin des glorieuses années 70 où il avait collectionné quelques beaux rôles dans des classiques comme Rollerball, Un Pont trop loin, Le Parrain, Le Parrain II, The Gambler ou The Godfather. Désormais ridé, marqué par les années, lui qui avait conservé la même tête de bellâtre rital jusqu'à ses quarante balais bien tassés s'est complètement ramassé à l'approche de la cinquantaine, soit pile poil dans Misery. C'est dans cet état de décrépitude avancée que l'acteur dit "oui"à Rob Reiner, l'auteur entre autres de Stand By Me, qui vient alors lui proposer le rôle d'un écrivain à succès, un avorton du King himself (Stephen de son prénom, auteur évidemment du roman éponyme), qui finira victime de son succès, pris en otage par une fan dérangée incarnée par la terrifiante et bien-nommée Kathy Bates, qui pourrait bien ici incarner la mère du Norman Bates de Psychose dans une faille temporelle glaçante : outre le patronyme de l'actrice, on retrouve, dans l'entrée de la maison de la psychopathe, l'escalier du classique d'Hitchcock, et sous cet escalier la même cave, le tout teinté d'un bon nombre d'éléments, de scénario et de mise en scène, empruntés au génial Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?, chef-d’œuvre de Robert Aldrich.




Gros plan sur Kathy Bates, même s'il n'y a pas besoin de s'avancer beaucoup pour l'avoir plein cadre (un vaste plan d'ensemble paysager suffira). L'actrice menait jusque là une carrière discrète, cantonnée aux rôles de serveuses dans les troquets ou de bouchères sur les marchés, la faute à un physique hors des clous hollywoodiens mais filmable. Elle aurait tout à fait sa place dans un Jeunet, dans le rôle de la tante bouchère de Pinon dans Delicatessen ou de la tata charcutière de Mathilde aime Manec dans Un Long dimanche de fiançailles. L'actrice porte littéralement le film de Reiner (à ne pas confondre avec Resnais, même si ça se prononce pareil) sur son dos rond et rivalise de charisme avec un James Caan alité, endormi et privé de ses doigts de pieds. Tour à tour délurée, impatiente, admirative, polie, déchaînée, adorable ou allumée, Kathy Bates, au zénith de son poids et de ses capacités, offre un petit abécédaire de la fan psychopathe crédible quoiqu'excessive. On lui doit l'un des très rares rôles de femmes sociopathes faisant véritablement froid dans le dos, à une époque où ce type de personnage était limité aux femmes fatales dans le genre de Sharon Stone dans Basic Instinct (1992). D'ailleurs Rob Reiner, en tant que fat-fetish à la recherche de son propre reflet et souffrant d'un complexe œdipien vis-à-vis de sa mère garçon-bouchère, précog en outre halluciné de Verhoeven, a voulu tourner un plan furtif mais frontal sur un croisé-décroisé des cuisseaux généreux de Kathy Bates préfigurant celui, inoubliable, de Sharon Stone, face à Michael Douglas, deux ans plus tard. En filmant sans détour cet antre de la folie, le cinéaste voulait nous offrir une vue obscène sur le ticket non pas de métro mais d'avion ou de TGV de son actrice, et ainsi traumatiser James Caan et toute une génération de dvdévores ayant cru bon de s'offrir la version longue du film, le "Director's uncut" d'un Rob Reiner audacieux qui, évidemment, coupa quand même la scène au montage dans la version tout public.




Même si le huis-clos du film perd de son efficacité, de son intensité et de son effet de surprise après soixante visions, et bien qu'il ait pris un fameux coup de vieux, à l'image de son acteur principal, Misery reste pour nous une source d'inspiration au quotidien. Hélas nous nous projetons dans le rôle du séquestré de service, que nous ne connaissons que trop bien. Deux astuces trouvées par le malicieux James Caan nous ont notamment permis à l'un et à l'autre de raccourcir quelques journées qui s'annonçaient longues et un peu moroses. Nous voulons bien entendu parler de ces matins où nos femmes respectives nous attachent au lit parce qu'on a "merdé" (sic.). On se rappelle alors James Caan ouvrant discrètement son matelas avec une fourchette afin d'y planquer les cachetons distribués par Kathy Bates pour l'endormir et faire de son estomac une usine à gaz de schiste. Ce tricks nous a sans doute évité des nuits de folie. De la même façon, nous sommes souvent amenés à passer nos journées cloîtrés dans un placard à balais, à compter les moutons, enfermés par nos épouses qui nous reprochent généralement d'avoir zappé, d'avoir changé de chaîne à un moment de la soirée, sans concertation. Dans ce cas de figure, le souvenir du même James Caan se rappelle à nous, qui trouvait son salut dans une épingle à cheveux propice au crochetage des serrures. Cette méthode de l'épingle à cheveux, une fois libéré, nous ouvre bien d'autres portes mais nous préférons nous en tenir là et vous laisser croire que nous ne sommes que deux victimes façon James Caan, et pas des dégénérés à la Kathy Bates. Ce maudit film et ses deux personnages ennemis résument toute notre putain de vie.


Misery de Rob Reiner avec James Caan et Kathy Bates (1990)

Speed

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Speed, de Jan de Bont, a longtemps été notre film préféré. En 1994 c'est le film qu'on a vu au ciné. Mais qui est Jan de Bont ? Il fut directeur de la photographie de John McTiernan à son zénith, chef opérateur des premiers films néerlandais de Paul Verhoeven, caméraman de Joel Schumacher pour sa période "unplugged", responsable des prises de vues chez Ridley Scott le temps d'une collaboration sans lendemain mais marquante pour l'histoire de la science-fiction, cadreur de Richard Donner pour le plus explosif et le plus controversé des Armes Fatales, et chef électricien chez lui dans sa période un peu creuse. Quand, à l'automne 93, on lui permet de mettre un film en images sans supérieur hiérarchique, son choix se porte naturellement sur le genre qu'il connait le mieux, le film d'action, et faute de pouvoir tourner un Die Hard, il en tourne un quand même, avec Keanu Reeves dans le rôle de Bruce Willis. C'est d'ailleurs Will Smith qui devait tenir l'affiche au départ, mais au dernier moment l'acteur préféra être Prince de Bel-Air pour l'ultime saison de la série, celle de la mort de Tonton Scefo. L'histoire se répétera encore plus cruellement pour Will Smith, puisqu'il refusera ensuite le rôle de Néo ET celui de Moebius (l'élu et le prophète devaient initialement être joués par le même bonhomme) dans Matrix, au profit, une fois de plus, de Keanu Reeves.




Mid 90s, il fallait en avoir de grosses pour miser sur le seul acteur asiat' de la période. Keanu Reeves est le fruit d'un métissage impliquant les cinq continents. Ca peut aussi donner Booder, le comique troupier français à tronche de pachiderme malingre, mais pour le coup ça a donné Keanu Reeves. Avec la jolie Sandra Bullock, notre eurasien formait un duo sexy qui n'a pas qu'à moitié contribué à propulser le film au rang des succès surprises passés à la postérité. Speed est si célèbre qu'il a eu droit à ses petites questions au Trivial Pursuit mouture septembre 1995 : "Sous combien de miles à l'heure le bus de Speed ne doit-il pas rouler sous peine d'imploser ?", ou encore "Combien de fois Sandra Bullock a-t-elle raté son permis de conduire ?". Pour le jeune d'aujourd'hui ça doit paraître dingue d'imaginer que Sandra Bullock a pu rendre des gens incandescents grâce à son rôle dans ce film, mais c'est aussi l'alchimie d'un look dans l'air du temps, avec ce gilet bon marché et trop lâche qu'elle porte nonchalamment, ce jean bleu usé et ces godios de chantier, tous ces trucs pas faits pour être portés et pourtant si bien achalandés sur un corps 100% naturel et ne dévoilant rien de ses atouts pourtant apparents et bien connus depuis la fameuse scène de Traque sur internet où Bullock découvrait les joies d'une batterie longue autonomie sur une chaise longue tandis que certains d'entre nous découvraient les joies d'une jolie gaule impréparée. Keanu Reeves ne s'y était pas trompé qui passe tout le film une main sur le dossier du fauteuil, l'autre sur le tableau de bord, le périscope sur le volant pour aider Bullock à conduire et les yeux emmitouflés dans le décollebac de l'actrice.




L'actrice passe tout le film aux premières loges des aisselles trempées du bellâtre natif de Rangoon, seul rescapé du fameux séisme de Taipei. Cette position virile, un bras tendu au-dessus de la tête de la demoiselle, est quitte ou double, c'est le test ultime pour voir si on a une chance, ça passe ou ça casse. Quand c'est Jan de Bont qui, tout sourire, donnait ses instructions scéniques à son actrice ("N'oublie pas que t'as une bombe sous le cul ! Et n'oublie pas que j'en ai une dans le slip !"), remplaçant temporairement Keanu Reeves, sa star aux yeux d'oriental, Sandra Bullock avait envie de "mourir sur place", c'est en tout cas ce qu'elle déclare dans le commentaire audio qui accompagne le dvd japonais du film. Au Japon, Speed a une horde de fans hardcore qui se déguisent régulièrement en bus et qui attendent encoreSpeed 2, après ce qu'ils ont à juste titre considéré comme le poisson d'avril le plus coûteux de l'histoire du cinéma. Quand ils ont découvert la suite tant attendue de leur film favori, réalisée par le même Jan de Bont, les japonais ont menacé de déclarer une nouvelle fois la guerre aux USA et d'aller une fois de plus chier tout leur saoul sur le paillasson de Pearl Harbor, puis ils ont appris que De Bont était hollandais...

Retour sur Speed, qui fait partie de ces films où il était plus que primordial de réussir le casting du méchant. Jan de Bont, grand fan devant l'éternel de The Last Movie, le deuxième long métrage de Dennis Hopper, tourné en état de grâce et monté en mode schizo entre deux gang bang enfumés, a tôt fait de contacter le génie à l'origine d'Easy Rider, lequel, dirigé par le hollandais volant, en fait des caisses à l'image ! Dirigé, dirigé... C'est vite dit. Parce que Dennis Hopper faisait ce qu'il voulait sur un plateau, c'était le diable de tasmanie dans un studio comme dans la vie. Quand on demandait à Hopper ce qui l'avait poussé à accepter ce rôle, il frottait son pouce contre son index et se passait les deux doigts sous le nez, signifiant sans doute par là qu'il voulait "sentir le fric" ou quelque chose comme ça. Il confiait aussi, quand il voyait dans le regard de ses interviewers que ce geste ne suffisait pas et qu'il était en outre difficilement restituable sur papier, qu'il adorait la musique du film, composée par Mark Mancina, et on le comprend.




Ce film c'est aussi la mort la plus tragique de l'histoire du cinéma, celle du personnage de Jeff Daniels, l'associé du flic joué par Keanu Reeves, qui passe tout le film au téléphone, à se montrer poli, serviable, aimable, disponible, à l'écoute, attentif, aidant et altruiste, condamné à la vie de bureau, et qui, la première fois qu'il sort de chez lui, se fait exploser la tronche par le sociopathe Dennis Hopper. Faut dire que notre spécialiste des explosifs et des mines anti-personnelles se rend dans le domicile fixe d'un maniaque de la nitroglycérine qui a logiquement prévu qu'on allait s'intéresser à sa piaule, et il s'y rend la fleur au fusil, le gilet pare-balle sous un bras et le casque sous l'autre. Il n'a que le temps de tirer une tronche de six pieds de long quand il entend un vulgaire "bip, bip, bip" annonçant un grand "boom" final. La bêtise de cette mort la rend d'autant plus cruelle et déchirante. Et puis c'est Jeff Daniels qui saute sous nos yeux. La tronche du bon pote par excellence. La gueule du plombier qu'on invite à boire le café, qui reste à bouffer pour le repas du soir et qu'on retrouve le lendemain matin, sans pouvoir s'empêcher de sourire de joie, affalé sur notre canapé avec un exemplaire signé du bail de l'appart sous le coude. Rappelons aussi (remettons-nous dans le contexte) que c'était l'année Jeff Daniels. En 1994, l'acteur a "JUSTE" joué dans Dumb & Dumber et dans Speed, soit les deux plus grands films de tous les temps. Dans les deux films il s'appelle "Harry" et affiche le même sourire aussi zarb qu'irrésistible.




Pour finir sur une petite anecdote méconnue, savez-vous qu'il existe officieusement deux versions du final de Speed ? Dans la version grand public (hélas), celle que M6 devrait rediffuser chaque semaine, celle que CinéCinémaClassic devrait disséquer à la lanterne des lumières d'Eddy Mitchell, on se souvient que Keanu Reeves et Sandra Bullock, après avoir décapité Dennis Hopper sur le toit d'une rame de métro, sont propulsés au sein de cette même rame en plein milieu d'une rue new-yorkaise. Petit suspense de mes deux avant que des passants ne s'émerveillent de découvrir un couple d'amoureux partageant un baiser qui n'a rien de cinéma tant il n'a rien de simulé. Dans l'autre version, celle que seul Jan de Bont a conservée dans un moulin en Hollande, les mêmes passants s'émerveillent tout autant de découvrir la simplicité de la nature, à savoir le même couple d'amoureux en train de terminer un acte sexuel sans complexe, bref mais intense pour les deux partis en présence, et qui se conclut par une soudaine accélération des mouvements de bassin frénétiques de Keanu Reeves. Quand on l'interroge sur cet over happy end, De Bont explique qu'il rêvait que les bruits de tapotement des testicules rasés net et bien dessinés de son acteur amérindien sur les cuisses glabres et cuivrées de Sandra Bullock s'accordent parfaitement aux applaudissements de la foule de spectateurs en délire amassés autour de la scène, et les encourage même. Une pure idée de cinéma en somme, née dans l'esprit fertile et forcément européen d'un Jan de Bont en pleine épiphanie personnelle.


Speed de Jan de Bont avec Keanu Reeves, Sandra Bullock, Jeff Daniels et Dennis Hopper (1994)

Twister

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C'est peu de dire que Jan de Bont était attendu au tournant après Speed, succès planétaire et classique instantané du film d'action des années 90. Prudent, consciencieux et malin, Jan de Bont, qui avait ouvert sa carrière par un chef-d’œuvre, tel Orson Welles, Jean-Luc Godard, François Truffaut, Nicholas Ray ou Robert Rodriguez, voulut assurer ses arrières pour son second long en collaborant avec des valeurs sûres du box-office : Michael Crichton au scipt, Steven Spielberg à la production et tous les protégés de ce dernier derrière lui (Kathleen Kenedy au financement, Michael Kahn au montage, Jeremy Davies, l'éternel ami d'E.T., à l'arrière-plan dans une scène coupée, etc.). Petit topo sur Michael Crichton : rappelons que le bonhomme est un foutoir à idées de génie, c'est le roi du scénario qui tient en un mot et qui fout le monde entier sur le cul, à l'instar d'un Stephen King, d'un Philip K. Dick ou d'un Richard Matheson. C'est notamment lui qui a écrit Jurassic Park (on ne vous rappelle pas l'idée de base du film, consistant à ranimer Sam Neillà partir de l'ADN d'un moustique et des hormones d'une grenouille, jusqu'à ce qu'il finisse par péter un plomb, se libère de sa cage et bouffe tout le monde...). Quelques années plus tôt Crichton avait lui-même réalisé un film intitulé Westworld, basé sur le même genre d'idée, avec des cowboys animatronics à la place de Sam Neill. Moins connus mais tout aussi originaux, il a écrit La Proie, où des nanorobots en forme de moustiques destinés à l'armée échappent au contrôle de leurs créateurs et foutent le boxon, il a aussi écrit Congo, où un orang-outang natif du Congo dopé à l'ADN de crapaud pète les plombs et échappe au contrôle de ses maîtres pour foutre la merde, sans parler d'Urgences, la série télé qui a rendu célèbre l'acteur Noah Wyle, avant qu'il n'échappe au contrôle de son psychiatre et mette la ville de Plymouth à feu et à sang (la police le traque toujours).




La collaboration entre celui qui était alors le nouveau pape du film d'action, De Bont, et Crichton, la boîte à idées la plus fructifiante d'Hollywood, avait tout pour casser la baraque (comme on le voit sur l'affiche). L'argument du film est encore une fois tout simple, et ses auteurs en ont conscience, misant tout sur une efficacité sans froufrous : un ancien couple de climatologues se retrouve dans l'Oklahoma avec pour mission d'étudier une phénomène météorologique aussi dévastateur que méconnu, les tornades, et pour ce faire ils devront rien moins que placer au cœur de l'une d'elles une webcam en titane. Hélas, nos spécialistes des tornades seront eux-mêmes surpris par l'amplitude de celle qui s'abat sur leur tête, la plus puissante jamais observée dans le midwest américain depuis 30 ans, de catégorie F5, le genre de bourrasque qui vous rafraîchit votre page firefox en un clin d’œil si elle s'abat près de chez vous. Les effets spéciaux, primordiaux dans un film catastrophe supposé vous clouer le bec, sont diablement réussis. Jan de Bont n'avait pas froid aux yeux et voulait tourner au plus près de vraies tornades pour limiter les ajouts numériques forcément déceptifs en 1996, et si quelques perchmans y ont laissé leur peau (il y en a encore deux dont les cadavres n'ont pas été retrouvés, c'est à peine si on a pu mettre la main sur quelque tas de peaux susceptible de leur avoir appartenu) le résultat est bluffant à l'écran, encore aujourd'hui. Mais cela ne pouvait pas suffire, et la plus grande malice de De Bont et de sa clique, malice héritée de Spielberg à n'en pas douter, tient dans l'art du casting.




Soyons galants, commençons par Bill Paxton. Abonné aux seconds rôles (notamment chez Cameron, celui qu'il nomme son BFF, en concurrence avec Schwarzy, qui de toute façon ne comprend pas l'acronyme BFF), seconds rôles qu'il rend merveilleux par des punch-lines inventées sur le vif, Paxton est ici le premier rôle masculin. Ce statut lui rendit le tournage bien douloureux : il ne se sentait pas à sa place et appelait sa mère entre chaque prise pour lui signifier son mal-être et pour comprendre ce qui lui arrivait. Grand directeur d'acteurs devant l'éternel, Jan de Bont a su le mettre à l'aise en lui rappelant que pour lui l'Alien d'Aliens n'était nul autre que Paxton lui-même, phrase qui par miracle toucha l'acteur droit au cœur et lui rendit confiance. Au point que dans une scène phare du film, où le couple vedette se retrouve dans l’œil du cyclone de façon totalement imprévue par l'équipe technique, l'acteur a eu ce réflexe ô combien salvateur de sortir son ceinturon en cuir de bison futé et de s'accrocher d'une main à une canalisation à l'aide de cette lanière de cuir tout en retenant sa partenaire de son autre autre main, agrippée aux nibards d'Helen Hunt.




Helen Hunt avait eu la bonne idée de venir sur le plateau avec ses plus beaux atouts. A cette époque l'actrice menait un régime réservé aux femmes souffrant de problèmes de dos inquiétants dus au poids supporté par une colonne vertébrale pas faite pour ça. Privée de produits laitiers et de tout aliment à base de farine de blé, Helen Hunt devait chaque matin faire des dons importants de lactose à Bernard Kouchner pour Médecins sans frontières. Un débardeur blanc pour tout vêtement, c'est aussi la tenue pensée par Jan de Bont lors d'un de ces matins où il se levait en sursaut après avoir eu une illumination nocturne. Très souvent, le blanc est la couleur qui, mouillée, laisse apparaître le divin, et ce film le prouve dans maints extraits triés sur le volet par un De Bont humaniste et tourné vers son prochain testiculeux. Mais ce qu'on écrit là est incomplet, parce que non contente d'être trempée, Helen Hunt tape quelques sprints à faire rougir Marie-Jo Pérec, auteur de Les Choses et de La Vie Mode d'Emploi, qui à l'époque était pourtant plutôt perchée dans le domaine de la course à pied. Et sur ce fait, suivez mon regard, même s'il se balade de haut en bas et de droite à gauche à chaque foulée de l'actrice Hunt dans un mouvement de balancier qui ferait oublier la faim, la soif, le sommeil, toutes ces choses primaires et vitales...




Bref, Twister, ça décoiffe ! Tout le monde se souvient et s'émeut encore de ce plan où l'on voit une vache s'envoler et tournoyer à une vitesse folle dans un "Mmmmeüüûûhhhh" glaçant, pour être finalement embarquée par la tempête et finir empalée sur la pale d'un moulin à vent (car il y a toujours un moulin dans un film de De Bont, natif d'Eindhoven). Mais il faut savoir, il serait temps, que c'était une vraie vache, pas du tout un prodige d'effet spécial. C'était un véritable animal vivant, catapulté par un trébuchet moyen-âgeux tel un boomerang. C'est en tout cas ce que De Bont avait promis à son dresseur de bœufs attitré : "Tu verras, elle va nous revenir !". Mais la bête est bel et bien morte et Jan de Bont en rit encore. Il a peut-être perdu un ami mais il a gagné l'admiration de toute une profession et d'un public innombrable. De Bont, qui a quand même le rire facile, s'esclaffe de plus belle et pour un rien quand un spectateur lui demande sous quel logiciel ses ingénieurs ont été capables de faire ça, en 1996, à l'époque de Windows 3.1 et de la sortie en fanfare de la révolution vidéoludique "Lemmings". Il se marre comme une baleine lui qui sait qu'une authentique vache à lait de race Milka a été projetée dans les airs en meuglant pour la dernière fois et pour sa survie, avec un regard d'incompréhension qu'aucune machine ne pourra jamais reproduire mais que le caméraman hors-pair de De Bont sut capter, sut choper (pour ne pas dire "immortaliser") en plein vol...





Finissons par un bilan chiffré : sans revenir sur les deux perchmen morts/disparus et la vache sacrifiée pour le show, le film a rapporté 300 000 000 dollars alors qu'il n'en a coûté que le tiers. Trois fois la mise c'était la règle pour De Bont à l'époque. D'ailleurs c'était son surnom : "trois fois la mise". Il répétait ça sans arrêt à tous ceux qu'il croisait. Quand il a tourné Speed 2 : Cruise Control l'année suivante, il errait sur le plateau, ou plutôt sur le bateau, tel un fantôme, en murmurant "Trois fois la mouise...". Twister fut donc son second film et son dernier chef-d’œuvre. Après ça De Bont a remis le couvert trois fois et a mangé de la merde à tous les coups.


Twister de Jan de Bont avec Bill Paxton et Helen Hunt (1996)

Speed 2 : Cruise Control

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Fausse bonne idée. Bourrée de vraies mauvaises idées. Comme souvent chez De Bont, les intentions sont là, mais pour la première fois de sa carrière le ratage est complet. Première déconvenue : c'est exactement la même histoire que dans Speed, sauf que l'autocar est remplacé par un paquebot. Jan de Bont, qui n'avait jamais foutu les pieds sur un bateau et qui voyait dans ce projet l'occasion de faire sa première croisière aux frais de la princesse, avouera avoir surestimé la vitesse d'un tel engin. A trente nœuds (soit 55 km/h), le suspense a du mal à décoller, et la ceinture de sécurité prônée par le titre québécois s'avère plus encombrante qu'autre chose. Moins d'efficacité donc et pas vraiment de nouveautés puisqu'on retrouve un dingue des explosifs bien décidé à prendre en otage le gratin de la jet set américaine pour ramasser un petit paquet de fric susceptible de lui assurer des vieux jours pépères à l'ombre d'un palmier sec avec pour spectacle quotidien, non loin de là, l'épave aux œufs d'or échouée sur la plage.




Que nous vaut le coup de sang de ce malade, ici campé par un Willem Dafoe qui était alors dans le creux de la vague ? Notre bonhomme s'est fait virer d'une compagnie maritime et a décidé de se venger en détériorant le plus beau navire de ses ex-patrons, exactement comme Dennis Hopper dans le premier film. Mais comme cette suite répond à la règle du "bigger, louder, quoique pas faster", le gros méchant devait être encore plus taré qu'à l'origine, en tout cas devant la caméra (parce que dans la vie, aussi problématique soit l'individu Willem Dafoe, ça reste un enfant de chœur à côté de feu la toupie humaine nommée Dennis Hopper), d'où ce chapelet de scènes où le "vilain" se recouvre le corps de sangsues pour se libérer de quelque problème d’acné. Solution démesurée là où un peu de biactol suffirait. Et que dire de ces scènes coupées au montage où on devait se rendre compte que le jobard campé par Willem Dafoe souffrait également de la même maladie que Michael Fassbender dans Shame, mais c'est un autre propos...




Petite surprise quand même : un salop d'usurpateur a chipé la place de Keanu Reeves après le refus catégorique de ce dernier, trop occupé à dédicacer des culs et des poitrines (pas seulement féminines) en tant qu'élu tout de noir vêtu suite à son explosion dans Matrix. C'est Jason Patrick, que l'on confondra toujours avec Robert Patrick, qui le remplace au volant de Sandra Bullock. Boloss, sosie de Mathieu Valbuena, docile et moins regardant que la star bouddhiste désormais inatteignable tout droit venue d'Eurasie et nommée Reeves, le fameux Patrick, que Jan de Bont a appelé Patrick Jason durant tout le tournage, fait ni plus ni moins pitié dans ce film, il fait pleurer de pitié. C'était le début et la fin de sa carrière, une carrière "rapide", comme l'indique le titre de l'unique film qui la compose. Malléable et sûr des choix de son réalisateur, l'acteur débutant accepta d'apparaître à chaque scène dans une nouvelle tenue, plus ou moins marquée par la folie typiquement hollandaise du sieur De Bont, au mépris d'une continuité narrative mise à rude épreuve, et au mépris du bon goût accessoirement. Première scène : Patrick apparaît arcbouté sur sa moto et laisse apparaître ce qui à l'époque n'avait pas encore de nom et qu'aujourd'hui on nomme communément un "string". Voilà qui donne le ton ! Il enchaîne ensuite les cascades en pantacourt, les dérapages en tongs et chaussettes allemandes, et les roulés-boulés en kilt, laissant admirer une broussaille indigne d'un homo-sapiens-sapiens. Bref, Jan de Bont n'avait pas l'air décidé à faire de lui le Keanu Reeves des temps modernes, préférant manifestement en faire le gros mariole d'un flop gaiment consenti par son auteur.




Face à lui, Bullock, dont la carrière, à l'époque, n'a pas encore décollé au même titre que celle de Reeves, et qui a tout mis en œuvre pour flinguer à bout portant le petit charisme offert à son personnage dans le premier film. Elle campe ici l'idiote sympathique, la grosse otarie délurée, l'hystérique bien foutue de service qu'on a juste envie d'étouffer. Chacune de ses répliques semble échappée du cerveau d'un misanthrope machiste et misogyne bien décidé à faire passer son petit message craspec sur la place des femmes dans le monde à travers la bouche de l'un de ses plus beaux spécimens. La magie Bullock n'opère plus et se transforme en haine. Le charme bestial du couple que l'actrice formait avec Keanu Reeves est ici remplacé par un bal des maudits déprimant, une succession de disputes pour le moindre prétexte ridicule entre deux port-de-boucains, Patrick accusant notamment sa compagne d'avoir oublié d'embarquer son chargeur de gamegear à bord du bateau des vacances et ainsi de suite.




Conscient du naufrage et toujours très respectueux des directives qu'on lui donnait (dépasser la barre des cent millions de dollars de recette par jour d'exploitation), Jan de Bont espérait sauver les meubles par une dernière pirouette en intitulant le film : "Cruise control". Drôle de sous-titre qui cache simplement la volonté du cinéaste de nous faire croire qu'il s'était payé la star née un 4 juillet auréolée de son succès dans le Mission Impossible de Brian de Palma. Le piège a fonctionné sur certains spectateurs, qui ont scruté le générique de fin à la recherche de l'acteur nommé "Control", en vain. Cette malice du facétieux De Bont fait sourire aujourd'hui, même si on avait tous envie de le tuer après avoir découvert la suite fétide de notre film fétiche. Après tout ce temps on se dit qu'il a peut-être eu raison de passer l'intégralité du tournage allongé dans sa chaise longue sur le pont du bateau, en train de pulvériser son score à Tétris en enchaînant les oinjs entre trois tranches de Gouda. Il donnait quand même ses directives, en balançant ses mains de chaque côté de sa chaise, tournant sciemment le dos à l'équipe de tournage. Quand on voit les deux films à la suite on ne peut pas croire que le même homme les a tous les deux mis en boîte. On sent que quelqu'un lui a dit "fais Speed 2, s'il te plaît" et que De Bont, avec sa légendaire bonhommie, n'a pas su dire non. Certains diront que c'est à cela qu'on reconnaît les plus gros cons, de notre côté nous dirons simplement que c'est un homme de cœur qui, dans tout ce qu'il entreprend, quand le cœur n'y est pas, n'arrive à rien.


Speed 2 : Cruise Control de Jan de Bont avec Jason Patrick, Sandra Bullock et Willem Dafoe (1997)

Lara Croft - Tomb Raider : Le Berceau de la vie

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Il est rare qu'une affiche pose autant de problèmes. Au-delà de la laideur graphique à l’œuvre, le titre n'est tout simplement pas lisible. Le sous-titre encore moins. "Le blaireau de la vie ?", "Le bureau de la vie ?", "Le bahut de la vie ?", "Le barbu de la vie ?". Autant de questions sans réponse. Après les échecs successifs de Speed 2 puis de Hantise, Jan de Bont, d'ordinaire si affable et si heureux, n'est plus que l'ombre de lui-même. Pensant à une reconversion dans le fromage, la peinture, les putes ou la drogue, soit dans l'une des spécialités de son cher pays hollandais, De Bont n'y croit plus quand on lui tend le scénario du second opus de Tomb Raider, scénario aux tranches salies par toutes les mains (et quelques pieds) desquelles il est tombé avant d'arriver sur le bureau immaculé de notre maître du cinéma d'action en flagrante perte de vitesse.




Lara Croft, après avoir affronté Daniel Craig, le bad guy de Tomb Raider 1, et après lui avoir pété au nez en guise de conclusion à une première adaptation un peu olé-olé, se retrouve en tenue de plongée sur les bords de la mer Caspienne. Sur son lit de mort, son père à la vie comme à l'écran, Jon Voigt, lui a indiqué dans un dernier éclat de rire l'emplacement d'un trésor secret, en pointant son doigt vers l'un des murs de sa chambre d'hôpital. Un trésor ou plutôt une statue. Une statue d'Alexandre le Grand contenant dans son crâne la clé de la sulfureuse Boîte de Pandore. Cette boîte, Lara Croft veut mettre la main dessus pour mieux la foutre à l'abri de son ennemi juré, Chen Lo, le frère chinois de Daniel Craig. Ce dernier aimerait littéralement ouvrir la Boîte de Pandore afin de nettoyer la Terre de ses péchés et repartir, selon ses propres mots, "comme en 40". Aidée dans ses pérégrinations par Gerard Butler, acteur tout en bas de l'échelle sociale en 2003, Angelina Jolie s'apprête à nouveau à combattre les forces du mal en sautant de caillasse en caillasse et en arborant les différentes tenues vestimentaires dessinées par quelques malades dans le jeu éponyme, propres à mettre en avant une poitrine peut-être pas assez démesurée pour correspondre aux attentes du gamer et subvenir à ses besoins péniens.




Pourquoi Angelina Jolie ? Le casting, vrai serpent de mer, a duré des lustres. C'était d'abord Vanessa Demouy, qui a elle-même lancé la rumeur de son embauche en diffusant des photos où, certes, son corps faisait l'affaire, malgré une tronche de dix pieds de long. C'était ensuite Rhona Mitra, victime peu pudique d'un autre détraqué hollandais nommé Verhoeven dans Hollow Man. Puis Catherine Zeta-Jones, pote de De Bont depuis Hantise et déjà rodée aux tractions du train arrière sous le regard tout suant de Sean Connery depuis Haute Voltige. On ne vous cite que les trois plus connues mais à l'époque c'était à chaque jour un nom nouveau, une roue de la fortune qui a fini par tomber sur le blaze d'Angelina Jolie, au plus grand désarroi de nombreux haters (parmi lesquels nous nous comptons) qui reprochaient à l'actrice son visage. De Bont a fait durer le casting pour faire tourner, et pour multiplier les tentatives de conquêtes, lui qui avait instauré une règle selon laquelle chaque bout d'essai devait se terminer par la mesure des mensurations de ces dames ad hominem. Il se considérait alors comme l'homme le plus chanceux de Hollywood, lui qui se dirigeait pourtant droit contre un mur sous la forme d'un scénario fatal, sans doute les pires mots jamais assemblés sur du papier(à l'image du titre, non-sensique, qui se fait un plaisir de mêler des mots-clés au pifomètre).




La pire idée du film est peut-être d'avoir fait de Lara Croft un mec (Angelina Jolie a été nominée aux Oscars pour le meilleur rôle masculin), un garçon manqué avec de gros nibards, alors que tout le jeu consistait à manipuler une pure femme simplement douée pour l'acro-gym. Jan de Bont n'a jamais plus rien tourné après ça. Il considère que le projet lui a échappé au moment même où il a dit "moteur !" pour la première fois. Lui qui comme toujours partait plein de bonnes intentions, des idées plein la tronche, et le sourire collé aux nuages, on ne l'a plus jamais revu sourire depuis, et il nous manque fort, le hollandais imprévisible à la filmographie en forme de flèche sur-aiguisée tirée à pleine force dans son propre pied. Il nous manque fort.


Lara Croft - Tomb Raider : Le Berceau de la vie de Jan de Bont avec Angelina Jolie et Gerard Butler (2003)

Night Moves

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« Tout à coup, le carreau dans la chambre paisible montre une tache.
L'édredon à ce moment a un cri, un cri et un sursaut ; ensuite le sang coule. Les draps s'humectent, tout se mouille.
L'armoire s'ouvre violemment ; un mort en sort et s'abat. Certes, cela n'est pas réjouissant. (…)
Un battant accable l'autre et ne le lâche plus. La porte de l'armoire s'est refermée.
On s'enfuit alors, on est des milliers à s'enfuir. De tous côtés, à la nage ; on était donc si nombreux !
Étoile de corps blancs, qui toujours rayonne, rayonne… »
Henri Michaux - La Nuit remue (1935)

Night Moves, cinquième long métrage de Kelly Reichardt, raconte l'aventure de trois jeunes tenants de l'écologisme radical : Josh, ouvrier dans une ferme biologique (Jesse Eisenberg, la star de The Social Network, pris à contre-emploi), Dena, jeune femme engagée (Dakota Fanning, ex-égérie miniature de Spielberg), et Harmon (Peter Sarsgaard), nomade plus âgé au passé manifestement trouble. Après s’être rencontrés sur le web via leur préoccupation commune, ils décident de faire sauter un barrage sur un fleuve de l'Oregon. Mais si l'urgence écologiste, les impasses auxquelles sont confrontés les militants de cette cause (dont les actions "terroristes" sont soit trop menues pour se faire remarquer, soit trop importantes pour assurer le risque zéro quant à d’éventuels dommages collatéraux), et les contradictions incessantes pour ne pas dire inévitables de ces éco-révolutionnaires (qui cultivent des légumes bio mais roulent tous en pick-up) sont des thèmes soulevés par le film, qui pose des questions ouvertes sans prétendre avancer quelque solution que ce soit, Night Moves est avant tout un film sur la culpabilité, ou plutôt sur l'horrible condition de ceux qui vivent plongés non seulement dans la culpabilité mais dans la terreur sourde et constante d'être pris, qui vivent chaque minute obsédés par cette idée, terrifiés de ne pouvoir s'y soustraire. Et c'est parce qu'il n'est pas qu'une illustration, qu'un questionnement sur la question écologique et sur le problème de l'activisme politique, que Night Moves est un beau film. C'est quand il tend vers vers son sujet profond, l'horreur de vivre hanté, la peur d'être rattrapé par ses fantômes et d'en devenir un soi-même, et à un âge peu avancé, que Night Moves accède à une autre dimension métaphysique et esthétique.




Le titre du film, Night Moves, se traduit par "virées nocturnes". Dans le film, c'est le nom du petit bateau utilisé par les protagonistes pour leur attentat écologique, ainsi qu'un bon résumé des différentes actions qui constituent cet événement et qui, plus tard, sont impactées par lui. Traduit beaucoup plus librement, plus littéralement, en fait mal traduit, "Night Moves" pourrait aussi donner quelque chose comme "La nuit bouge", ou, pour reprendre le titre d'un célèbre recueil de poèmes de Michaux, "La Nuit remue", paru en 1935, qui évoque les frontières ténues, fragiles, poreuses entre veille et sommeil, entre sérénité du jour et angoisses nocturnes. L'invasion de la sérénité du jour par les cauchemars, voici sans doute le sujet profond de Kelly Reichardt, et les plans qui demeurent présents à l'esprit, les plus beaux plans du film, sont des plans de nuit : l'eau noire et huileuse du fleuve qui remue lourdement sous les reflets blancs de la lune, quand l'équipée s'apprête à embarquer vers le barrage, ou cette fuite à travers les arbres de la forêt, après avoir armé la bombe et abandonné le navire. Après quoi, tandis que les trois responsables de l'attentat sont assis côte à côte à l'avant de leur voiture, déjà loin, l'explosion survient, hors-champ, lointaine, étouffée par la distance et ainsi ramenée, dans sa dimension sonore, à un simple coup de feu. Reichardt, avec la finesse qu'on lui connaît, nous donne à entendre non pas l'explosion attendue d'un barrage, mais un meurtre. Et déjà, comme par pressentiment, sur les visages de Josh, Dena et Harmon, qui ignorent tout encore des conséquences de leurs actes et pourraient penser que leur voyage à travers la nuit s'achève, un sourire de satisfaction se mêle d'un irrépressible rictus d'angoisse.




Dans une séquence magistrale, Kelly Reichard personnifie la nuit, couverture des fantômes et foyer de toutes les culpabilités, lorsque Josh, de retour de chez Dena, seul au volant de son pick-up, aperçoit dans son rétroviseur les phares d'une voiture qui semble le suivre. Les deux disques tantôt blancs tantôt jaunes des phares deviennent les yeux gigantesques de la nuit elle-même, grossissant dans le cadre étroit du rétroviseur jusqu'à en déborder les limites, fixant Josh, le toisant, le suivant à la trace. Idée aussi simple que géniale, et qui trouve un écho dans l'ultime plan du film, assez mystérieux, où il est à nouveau question d’un miroir, de rétrovision et de surveillance implacable. La séquence des phares fait subrepticement basculer ce que l'on prenait jusqu'alors pour un film engagé, réaliste, social même, du côté du fantastique et de l'horreur. Le somatisme à l’œuvre sur le corps de Dena, assaillie de plaques d’angoisses qui la démangent, a certes des explications médicales rationnelles, mais relève somme toute de la résurgence mystérieuse de l’inavoué, d’une apparition improbable, d’une sorte de manifestation physique inexpliquée où le corps est meurtri par revanche dans une agression interne à proprement parler horrible.




Cette étonnante alchimie entre réalisme et percée horrifique n'est pas sans rappeler l'un des plus grands films de l'an passé, L'Inconnu du lac, d'Alain Guiraudie, lui aussi centré sur un noyé fantomatique et obsédant. L'horreur rejaillit plus loin dans l'autre grande scène de Night Moves, qui se déroule dans un sauna et parvient à nouer un lien avec Old Joy et sa scène cruciale du bain, réactualisée et comme qui dirait accouchée, sept ans plus tard. Cette séquence hallucinée débute dans la maison de Dena où, après avoir été épiée comme dans un slasher, la jeune femme se confronte à Josh. Les plans où elle tente de le contourner, retenue par son bras, pourraient passer inaperçus mais sont d’une puissance peu commune. Puis, plus loin, dans la chaleur étouffante et le monochrome orange du sauna, un corps surgit de la brume, tel, on y revient, un fantôme, un monstre de la nuit, avant qu'un gros plan sur le visage détrempé et dément de Josh ne crée un vertige du et des sens chez le spectateur.




On le sait, Kelly Reichardt, depuis au moins Old Joy, n’a de cesse de dialoguer avec son contemporain et compatriote Gus Van Sant. Peu soucieuse de se ménager le minimum de distance ou de recul qu'il y aurait par exemple à interroger aujourd'hui les premières étapes de l’œuvre de Van Sant, Reichardt choisit de sortir en 2014 un film qui correspond immédiatement au dernier tourné par Van Sant, sorti l'an passé, Promised Land, autre film sur les contradictions écologiques, mais, avec intelligence et brio, elle reprend le classicisme du dernier film de son maître pour le pervertir in extremis dès lors que Night Moves se retourne vers Paranoid Park, autre histoire de culpabilité et de nuits liquides, elle aussi matinée de percées fantastiques et horrifiques frappantes.


Night Moves de Kelly Reichardt avec Jesse Eisenberg, Dakota Fanning et Peter Sarsgaard (2014)

Joe

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Sorti l'an passé, Prince of Texas marquait le modeste retour en forme de l'énigmatique David Gordon Green. Ce petit film signifiait en tout cas son retour vers le cinéma indépendant de ses débuts, vers le southern gothic plus précisément. C'était donc une assez bonne nouvelle compte tenu des vieux espoirs placés en ce cinéaste qui s'était trop longtemps consacré à mettre docilement en image de piètres productions Apatow sans saveur. Joe, que l'on pouvait a priori très facilement rapprocher du Mud de son ami Jeff Nichols, devait confirmer cela. C'était quitte ou double. Soit David Gordon Green redevenait un réalisateur à suivre et tenait enfin les promesses de ses premiers films. Soit c'en était fini et il perdait pour de bon toute espèce de crédit à mes yeux. Fin de ce suspense de pacotille : c'est la seconde hypothèse que la vision laborieuse de Joe est venue valider, à mon corps défendant !




Et pourtant, on a d'abord très envie d'aimer ce film... On est heureux d'y retrouver Tye Sheridan, déjà apprécié dans Mud et encore irréprochable ici, dans le rôle de Gary, un jeune homme laissé pour compte, prêt à tout pour sortir sa famille du joug de son père alcoolo qui trouve en Joe (Nicolas Cage) un modèle, une figure paternelle qui finira par le prendre sous son aile et essaiera de le tirer de la misère ambiante. On aurait aimé voir les deux acteurs former un duo attachant et mémorable. On se dit que le potentiel est bien là. Nicolas Cage fait également plaisir à voir dans un rôle qui apparaît, au départ, à la mesure de son charisme, exploitant comme il faut sa folie sous-jacente, capable d'exploser à n'importe quel moment. On apprécie aussi, dans la toute première partie du film, clairement la moins ratée, comment David Gordon Green s'applique à filmer ces travailleurs texans, occupés dans les forêts à traiter les arbres comme des sagouins. Et puis progressivement, tout s'effondre...




David Gordon Green accumule les clichés du southern gothic qui tache. Tout semble fabriqué, forcé, mécanique et mal huilé. On est bien loin du très plaisant L'Autre rive. Au bout d'un moment, on n'y croit plus du tout, et on attend que le film crève sous nos yeux, en ayant plutôt hâte que ça arrive. On se fiche de ces petites histoires de règlements de compte déjà vues mille fois ailleurs, on se fout éperdument de ces parodies de rednecks lamentables, uniquement là pour donner une fin à un film qui ne débute jamais vraiment. Le personnage du père exécrable de Gary cristallise assez bien tous les défauts du film. On tient là une raclure détestable au possible, capable de tuer sauvagement pour quelques dollars et une bouteille de rosé, capable de vendre à deux inconnus le corps de sa fille devenue muette par sa faute, bref, capable des pires horreurs mais qui, lors d'une conclusion assez ridicule, finit par se jeter dans le vide, enfin rattrapé par un brin de culpabilité. On déteste cette pitoyable caricature autant que l'on regrette les virages toujours extrêmement attendus empruntés successivement par le film. Même le personnage de Joe finit par ressembler étrangement à ceux que Nicolas Cage incarne dans ces navets de seconde zone qu'il se plaît tant à tourner.




David Gordon Green retrouve un peu d'inspiration quand il se contente de filmer la complicité et l'amitié de ses deux personnages principaux. Cela nous vaut quelques minutes très furtives, placées à un moment où on ne les espère même plus dans un film par ailleurs très mal rythmé, très bizarrement construit. Faut-il aussi être alors encore aux aguets pour être sensible à cette agréable parenthèse... Celle-ci laisse simplement à peine entrevoir ce qu'aurait pu être le film si le réalisateur avait su, avec un peu de jugeote, épurer son scénario, aller à l'essentiel, donner vie à ses personnages et exploiter convenablement le talent de ses acteurs. Un talent quant à lui bien réel, car après cela, on doute plus que jamais de celui supposé de David Gordon Green.


Joe de David Gordon Green avec Nicolas Cage, Tye Sheridan, Gary Poulter et  Ronnie Gene Blevins (2014)

The Battery

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Assez régulièrement, depuis quelques années, de bonnes surprises et de nouveaux talents émergent du cinéma d'horreur indépendant américain. Ces cinéastes se nomment Ti West, Justin Benson, Aaron Moorhead, Jesse Holland, Andy Mitton ou Nicholas McCarthy et on leur doit des films comme The House of the Devil, Resolution, YellowBrickRoad et The Pact. A tous ces noms s'ajoute désormais celui de Jeremy Gardner, réalisateur, scénariste et acteur principal de The Battery, long métrage chaleureusement salué à différents festivals underground et voué à gagner au fil du temps une belle réputation, amplement méritée. C'est peut-être de Resolution dont The Battery est le plus proche, dans l'esprit, et nous ne sommes guère surpris d'apprendre que Jeremy Gardner figurera au casting du nouveau film, très attendu ici, de Justin Benson et Aaron Moorhead. Si Jeremy Gardner est le grand maître à bord, son nom apparaissant un nombre incalculable de fois au générique, son petit bébé est un véritable buddy-movie que l'on pourrait aussi très facilement imaginer être le fruit d'une paire de cerveaux en harmonie.




On y suit Ben (Jeremy Gardner donc) et Mickey (Adam Cronheim), deux jeunes hommes d'une trentaine d'années qui parcourent les routes du Connecticut, essayant de survivre tant bien que mal dans un monde désormais infesté de zombies. Alors qu'ils étaient de simples coéquipiers au sein d'une équipe de baseball (le titre du film, The Battery, a plusieurs sens et désigne notamment le binôme lanceur/receveur au baseball), Ben et Mickey sont désormais condamnés à rester ensemble. Ils n'ont pas spécialement d'atomes crochus et leurs prises de becs sont assez fréquentes. L'un, Ben, est très réaliste, plutôt pessimiste, assez bourru, totalement fait à l'idée de sa nouvelle vie tandis que l'autre, Mickey, est plus naïf, romantique, sensible et rêveur. Leur quotidien est fait d'échanges de balles monotones et de visites prudentes dans des maisons abandonnées, à la recherche de vivres ou de distractions diverses, jusqu'au jour où ils rentrent en contact, par talkie-walkie, avec un autre groupe de survivants...




Sur ce terrain archi balisé et à partir d'un pitch apparemment très convenu, Jeremy Gardner parvient à créer quelque chose de très original et à inventer des scènes jamais vues auparavant, parfois même très osées (ceux qui regarderont le film sauront tout à fait à quel moment je pense ici). Gardner ne s'attarde pas sur la description d'un monde post-apocalyptique, chose tout à fait inutile pour que la solitude des deux personnes soit si palpable. Il réussit à éviter quasiment tous les écueils de ce type de films, florissant depuis des années sur grand et petit écran (je pense à la série Walking Dead, dont on est bien loin). On se fiche pas mal, par exemple, de l'origine du virus, et Jeremy Gardner l'a bien compris. Mickey vannera même son acolyte en accusant l'odeur épouvantable de ses pieds d'être à l'origine de tout. Gardner préfère donc se focaliser sur l'évolution des rapports entre les deux protagonistes et, s'il ne fait certes pas dans la psychologie la plus fine, son récit parvient à captiver du début à la fin, le duo fonctionne très bien, il échappe clairement à la caricature et on a tôt fait de s'attacher à ces deux personnages isolés.




Tout comme quelques autres de ses collègues de cette nouvelle vaguelette du cinéma d'horreur indé US, Jeremy Gardner parvient avec brio à mêler les tons, pour un résultat quasi miraculeux. On sourit plus d'une fois aux échanges fleuris des deux jeunes hommes, notamment lorsqu'ils évoquent la possibilité de l'existence d'une femme survivante. Gardner traite en effet à bras le corps, et non sans humour, un sujet souvent éludé dans ces films-là, celui de la frustration sexuelle des personnages principaux, seuls au monde. Cela aboutit ici à une scène tout à fait surprenante, qui ravira les amateurs d'horreur déviante et pourrait être assez pathétique, mais que le réalisateur réussit à teinter d'une réelle gravité, ne manquant jamais de respecter son personnage, de nous faire comprendre son étonnant comportement. Et si son film est parfois drôle, Gardner n'en reste pas moins capable de nous balancer quelques scènes de trouille parfaitement réussies, les très rares fois où apparaissent les zombies. Des scènes lors desquelles sa mise en scène fait preuve d'une belle intelligence, d'une vraie habileté, notamment dans la maîtrise judicieuse du hors-champ. The Battery n'est jamais violent ni gore, et réussit à effrayer bien plus subtilement. On se souviendra très longtemps de ce plan-séquence terriblement long, à la fin du film, quand Ben, coincé à l'arrière d'un break encerclé de zombies, attend désespérément le retour de Mickey. Ces minutes viennent conclure la dernière partie du film, entièrement située à l'arrière de cette bagnole perdue au milieu de nulle part, assiégée, où nos deux personnages sont condamnés à rester cloîtrés, devant supporter les râles ininterrompus des morts-vivants. Gardner pousse alors le bouchon très loin, quitte peut-être à perdre quelques spectateurs en cours de route, mais ce serait bien dommage, car la situation aboutit à une scène de trouille comme on en croise, ma foi, assez rarement.




Bien sûr, le film n'est pas exempt de quelques défauts. On pourra ainsi regretter l'omniprésence de la musique, même si elle est ici quelque peu justifiée, étant donné que le personnage de Mickey trouve systématiquement refuge dans son énorme casque audio pour fuir le monde qui l'entoure, et nous avec lui. Notons cependant que cette bande originale très indie, voire "Pitchfork friendly", est tout de même d'assez bon goût, on la supporte sans souci. En outre, plus d'une fois Jeremy Gardner utilise la musique et l'inattention de son personnage pour développer une tension de façon très originale et plaisante. On pourrait aussi reprocher à Jeremy Gardner cette dernière image un peu trop poseuse, l'érigeant presque en héros de ce monde post-apocalyptique, là où le film aurait mérité une fin plus sobre, plus sombre. Mais ces petits bémols ne pèsent pas lourd face à l'impression si positive laissée par l'ensemble. Il y a là une assurance et une audace vraiment précieuses qui font de Jeremy Gardner un cinéaste à suivre de très près, dont on espère qu'il confirmera rapidement les beaux espoirs suscités par sa première création. 


The Battery de Jeremy Gardner avec Jeremy Gardner et Adam Cronheim (2013)
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