Nous recevons Joe Gonzalez, l'un de nos rédacteurs de poche, pour épingler de sa verve socratique le gros navet du jour. Les afficheurs, qui ont opté pour la tagline "Redoutez la colère", auraient dû redouter celle de notre invité, et le réalisateur du film, Jonathan Liebesman, littéralement "Jonathan Amour-d'homme", ne s'attendait sans doute pas à recevoir ce type de gifle pour son film :
Pourquoi s’embarrasser de coller à la légende, aux légendes, aux mythes, puisque pour le bien de « la suite », on ne s’embarrasse déjà plus beaucoup de l’histoire, du sens, de la vérité ? Ainsi renvoie-t-on Persée (Sam « aint worth-a-damn » Worthington) en quête de tout et de rien, de ce qui vient, de ce qu’il subsiste de mythe dit « grec » dans l’inconscient collectif et que l’on a tout loisir de déloger, de réinsérer et de peroxyder comme bon semblera à quelque scénariste bien peu soucieux de papy Hérodote ou du fantôme d’Appolonios. Est née La Colère des Titans.
Depuis Avatar Sam Worthington a retrouvé l'usage de ses deux gambas mais toujours pas celui de son cervelet, lui qui n'a jamais eu la saine curiosité, pourtant commune à pas mal d'acteurs, de taper "méthode Stanislavski" sur google...
La Colère des Titans c'est autre chose que leur Choc, c’est plus méchant, plus définitif, plus tout ce qu’on voudra : c’est une suite. Pourquoi sont-ils colère, ces Titans ? Les humains ne croient plus du tout. Pas en les Titans. En les Dieux. Du coup, ces Dieux (dits « de l’Olympe ») perdent leur pouvoir et Cronos (père de Zeus, Poseidon et Hadès, Titan en chef) risque de s'échapper du Tartare, une gigantesque prison-roche souterraine, où ses rejetons l'ont enfermé il y a des lustres. Cronos (le seul Titan du film, d’ailleurs, Hollywood devait avoir une promotion sur les « s ») a donc une bonne raison d’être irascible.
C'est Renée Zellwegger qui a fait le con en refusant le rôle du Minotaure.
Alors (car le lien de cause à conséquence est aussi simple que ça) Persée, cette fois coiffé de bouclettes et plus souriant qu’à ses débuts, retrouve Andromède (qu'il finira par niquer, et qui est jouée par Rosamund Pike) et son cousin Agénor, le fils de Poséidon, personnage faire-valoir démolissant par sa seule non-présence tout ce que le premier film avait pu essayer de bâtir d’esprit de camaraderie (c’était l’une des rares envies à en sauver). Afin de sauver la Terre menacée par le réveil de Cronos, tout ce beau monde part donc affronter en vrac cyclopes, Minotaure (la scène la plus affligeante du film) et demi-bro Arès, le Dieu de la Guerre (joué par Edgar Ramirez, le Carlos d'Assayas). Hadès (Ralph Fiennes) finira par regretter d'avoir trahi Zeus (Liam Neeson) et à la fin du film, Hadès et Zeus enverront moult boules de feu et moult éclairs sur leur paternel mécontent (de la taille d'un mont).
Cronos, furax, à peine sorti de son trou volcaneux, fait l’aumône. De là à y voir une métaphore de la canaille socialiste révolutionnaire qui vit aux crochets des puissants, il n’y a qu’un pas (de titan).
Ce film rate le peu qu’il avait entrepris (ne reparlons pas d’imagination, ne mentionnons plus le respect des mythes, n’abordons même pas la question de l’esthétique) ; il est très laid et très bête mais il y a quelque chose dans le fond qui m'a frappé. Contrairement au premier film, celui de 1981, qui montrait les Dieux comme des tout-puissants snobinards et lourdement arrogants, la nouvelle franchise nous dépeint la fin de l'âge des Dieux. Une suite est d’ores et déjà prévue mais Zeus, Arès, Poseidon, Cronos : tous ceux-là sont morts, et Hadès n'a plus aucun pouvoir. Il est bien évidemment quelque peu débile d’avoir amené à un terme l’essence-même du titre et du contexte de la franchise dès la fin du second volet. Que faire jouer à Persée après ça ? Une guerre médique ? On n’est pas à une incohérence historique près puisque d’un point de vue historico-mythologique les grecs n'ont pas tué leurs Dieux si tôt. Il aura au moins fallu attendre les évangiles de Platon pour que la chute des Olympiens soit positivement entamée, mais il faudra surtout que le Christianisme renchérisse sur la Philosophie pour que les Dieux de l'Olympe disparaissent vraiment (ils étaient encore vénérés sous la domination de Rome, bien qu’ils portassent d'autres noms). Alors quoi ? On aurait tué les Dieux et leur géniteur par simple bêtise ? Les scénaristes de cette chose auraient cassé leur jouet sans connaitre l’histoire, sans connaitre les mécanismes de la franchise cinématollywoodienne (tuer des héros, oui, détruire l’entier contexte, non) ? Je n’y crois pas.
En 1981, non seulement ils faisaient de plus beaux effets spéciaux, mais ils faisaient aussi de plus belles Andromèdes.
Je refuse de croire à la seule bêtise. Ça me semble révélateur d'autre chose. Voir dépeinte ainsi la mort de Dieux m'a rendu le film beaucoup plus intéressant parce que je me suis trouvé choqué de voir des hommes détruire une statue gigantesque de Zeus (dans « Le Choc») ou de voir Zeus et Poseidon disparaître à tout jamais (dans « La Colère »). Je serais curieux de discuter théologie, Nietzsche et espoir avec les scénaristes (que par optimisme j’éviterai donc de nommer couillons) de ces deux films qui restent malgré tout de sacrées merdes.
La Colère des titans de Jonathan Liebesman avec Sam Worthington, Liam Neeson, Ralph Fiennes, Edgar Ramirez et Rosamund Pike (2012)