Ça y'est, c'est fini ! Ouf ! La trilogie de David Gordon Green s'achève enfin. Il ne devrait plus y revenir, vu les résultats au box office qui vont logiquement décrescendo. Bon, il paraît qu'il s'attaque maintenant à un remake de L'Exorciste, mais je préfère ne pas encore y penser. Chaque chose en mon temps, comme disait Yves. Pour l'instant, réjouissons-nous de cette conclusion tant ce fut laborieux et douloureux d'y parvenir. Après deux films passés à tourner en rond, à ridiculiser des personnages bien connus et à brasser du vide en abordant plus ou moins des thèmes dans l'air du temps, David Gordon Green a décidé cette fois-ci de s'entourer de toute une équipe de scénaristes pour essayer de se renouveler, d'apporter quelque chose d'un peu neuf à sa trilogie. Il était temps. Le piteux semblant de nouveauté apporté ici m'a tout de même permis de suivre cet ultime volet avec moins de difficulté, sans trop souffrir. Je m'attendais à la bouse ultime et j'ai donc été un peu surpris, les épisodes précédents étaient pour moi bien plus compliqués à encaisser. Je l'avoue : la scène d'ouverture, sur laquelle je reviendrai, m'a même plutôt emballé, c'est le meilleur moment du film et, heureusement, on est supposé l'ignorer au moment de la découverte dudit film...
Contraint par le COVID de changer les plans d'une trilogie dont l'action devait initialement se dérouler sur une paire de jours seulement, David Gordon Green va donc à l'encontre des attentes du spectateur en situant ce troisième opus quelques années après Halloween Kills. Michael Myers a disparu de la circulation après ses sanglants exploits mais les habitants d'Haddonfield demeurent traumatisés et le mal semble s'être répandu dans la ville, sujette à de nombreux événements sordides (suicides, agressions, cambriolages, chiens et chats perdus, pertes de clés, droite au pouvoir, etc.). L'introduction nous propose donc d'assister à l'un de ces événements : on y rencontre le jeune Corey Cunningham (peut-être un clin d’œil au réalisateur du premier Vendredi 13...), gaillard de vingt berges engagé comme baby-sitter pour garder le gosse infect d'une riche famille de la ville. Alors que The Thing passe à la télé (vous avez la rèf là aussi ?), le gosse ne trouve rien de mieux à faire que d'enquiquiner son garde-chiourme en le rappelant à sa condition de souffre-douleur du bled et en provoquant une partie de cache-cache endiablée dans l'immense baraque. Le petit jeu tourne au vinaigre quand le gamin bascule accidentellement dans le vide, du haut des escaliers, et atterri trois étages plus bas, sous le regard stupéfait de sa mère, tout juste rentrée de sa soirée. Compte tenu du bruit sourd émis à l'atterrissage, de l'angle contre-nature pris par le petit corps et de la mare de sang qui se forme dans tout le hall, nul besoin d'autopsie : le pauvre gamin a claqué sur le coup et n'a (hélas) pas trop souffert...
Après cette ouverture plutôt efficace qui aboutit à une énième variation lourde de sens autour du fameux générique, ritournelle habituelle sensiblement revue et corrigée par un trio Carpenter que le travail n'a pas dû submerger, nous retrouvons donc Laurie Strode et sa petite-fille dans leur maison d'Haddonfield, vivant dans une ambiance plutôt sereine et apaisée. La première écrit ses mémoires, ce qui permet des flashbacks explicatifs lourdauds (mais bien pratiques pour les plus malins d'entre nous qui ont su éviter les chapitres antérieurs et n'auraient pas pu échapper à celui-ci), tandis que la deuxième taffe dans une clinique aux côtés d'un vieux médecin imbuvable et d'une collègue odieuse. Mais c'est donc surtout Corey Cunningham que nous suivons de plus près, et c'est peut-être la partie la moins complètement inintéressante du film. Le parallèle et les correspondances opérés entre le jeune homme et Michael Myers se font de plus en plus insistants (sa tronche enfarinée rappelle vaguement celle du Michael Myers entraperçue dans l'œuvre originale, il bosse dans un garage en combinaison grise anthracite idoine, il se relève de la même manière que l'Undertaker quand il se retrouve au sol, etc., vous aurez compris que DGG ne fait jamais dans la dentelle). Jusqu'au jour où, croyant avoir trouvé refuge dans les bras de la petite-fille de Laurie (tout le versant du film, assez conséquent, consacré à leur romance est tout simplement affligeant), Corey se voit de nouveau enquiquiné par les tocards du coin, finit balancé par dessus la rambarde d'un pont (décidément !) et termine la nuit dans les égouts, le repère d'un Michael Myers extrêmement diminué qui contamine son jeune et malheureux visiteur en le regardant dans les yeux lors d'une scène assez ridicule...
Avec cette ville farcie de crétins finis sur laquelle plane l'ombre d'une malédiction ancestrale, où sommeille dans l'antre obscure un démon à peine endormi prêt à se réveiller à tout moment, cet Halloween rappelle étrangement les récits de Stephen King et notamment Ça. Mon analyse sur ce point-là n'ira toutefois guère plus loin : je fais ça bénévolement, rappelez-vous, pour mon seule plaisir personnel, sans aucune autre ambition, et loin de moi l'idée de me replonger dans King et les adaptations moisies de ses bouquins pour étayer ma fragile comparaison. Je suis plus à l'aise dans l'autoanalyse, à essayer de comprendre comment j'ai pu mieux vivre cet ultime épisode dont le scénario écrit à dix mains paraît torché à la va-comme-je-te-pousse comme pour respecter des délais de production intenables. David Gordon Green cherche donc timidement à renouveler la saga. C'est beaucoup trop tard et plutôt pathétique, mais il essaie et c'est tout de même un peu moins insupportable que l'étalage de débilités prévisibles subies dans les deux précédents opus. Aussi, le côté nanard paraît ici beaucoup plus assumé. On se prend bien moins au sérieux qu'en 2018 et c'est tant mieux. Il y a des scènes qui flirtent avec la parodie, pas mal de détails humoristiques disposés ici ou là, plutôt bienvenus. Il est simplement un peu dommage que cette espèce de je-m'en-foutisme parfois comique éclabousse les personnages-clés de la saga (si l'on peut parler de "personnage" quand on évoque la figure de Michel Myers).
Laurie Strode n'a jamais été aussi risible que là-dedans, à déblatérer sa grande théorie sur les différentes formes de mal au petit matin sur son rocking-chair histoire de nous expliquer clairement où le cinéaste veut en venir. On a presque de la peine pour la sympathique Jamie Lee Curtis, qui mérite bien mieux que ça. Le film touche le fond quand il nous propose un énième affrontement musclé entre Laurie Strode et son ennemi juré. Un passage obligé, qui se déroule ici dans la cuisine de la maison : après avoir pris quelques coups de poêle à frire, Myers finit coincé sous le réfrigérateur, crucifié au plan de travail par divers ustensiles bien aiguisés. C'est à pleurer ! Un souffle ténébreux balayait les pavillons de banlieue du film de Carpenter, qui baignait dans la si belle lumière funèbre et automnale de Dean Cundey ; une odeur de pet, des reflets du néant absolu et un abîme de nullité irriguent chaque plan du film final de Gordon Green. En 1978, les lieux les plus communs et familiers paraissaient hantés, maudits. Ici, on s'interroge sur le contenu du frigo abattu sur Myers ou la marque de cette poêle si solide qui l'a sonné du premier coup. On sent que la figure du fameux boogeyman n'intéresse plus David Gordon Green, il n'en fait strictement rien, en dehors de quelques clins d'œil inévitables qui s'apparentent plutôt à de violents coups de coude administrés dans les côtes du spectateur et de deux trois tristes plans en contre-plongée faits pour la bande-annonce. Bon, j'essaie de trouver du positif là-dedans, après y avoir paumé six heures de ma chienne de vie au total, mais il ne faut pas se mentir, c'est d'une pauvreté absolue et il n'y a pratiquement rien à sauver.
C'était la triste fin du petit enfant huître.
Halloween Ends de David Gordon Green avec Jamie Lee Curtis, Andi Matichak et Rohan Campbell (2022)