On pouvait espérer un retour en forme de Darren Aronofsky, qui enchaîne les daubes indigestes depuis un bon bout de temps à présent, plus qu'un retour au premier plan de Brendan Fraser, qui n'a jamais vraiment quitté nos cœurs. Au bout du compte : Darren Aronofsky confirme qu'il est un cinéaste au rabais dont l'inexplicable âge d'or aura duré à peine deux ans (The Wrestler puis Black Swan) et Brendan Fraser, irréprochable dans la peau de l'homme un peu enveloppé que les dures épreuves de la vie l'ont fait devenir, bénéficie enfin d'une reconnaissance de ses pairs grâce à ce rôle taillé sur mesures (XXXXL). Dans cette très plate adaptation d'une pièce de théâtre dont il est le seul à donner un peu de vie, l'acteur qui jadis criait à perdre haleine dans l'océan incarne un prof de fac homosexuel dont le deuil amoureux consiste à se faire exploser le bide jusqu'à la mort, littéralement. L'histoire est assez tordue et nous est racontée à grand renfort de longues scènes de dialogues ennuyeuses filmées sans génie. Darren Aronofsky a peut-être cherché à se faire le plus discret possible pour laisser s'exprimer ces trois personnages, mais le résultat à l'écran est d'une immense pauvreté. On cherche un peu d'air, de légèreté et de subtilité dans ce décor unique, l'appartement sordide de Brendan Fraser, où claque régulièrement la porte d'entrée comme pour coller au plus près possible au découpage initial de la pièce de théâtre.
Si le fadalin Darren Aronofsky adapte cette fois-ci une pièce signée Samuel D. Hunter dont il détenait les droits depuis plus d'une décennie, ce n'est pas pour rien : il y retrouve ses deux trois thèmes de prédilection. Il est donc naturellement question de rédemption et de grosse morale judéo-chrétienne à travers la réconciliation d'un père avec sa fille, mais aussi du corps martyrisé d'un acteur, en pleine performance et lui-même en quête de réhabilitation. Les points communs avec The Wrestler sont finalement assez nombreux, mais les deux films ont hélas quelques divisions d'écart. Si l'on se souvient encore du catcheur autodestructeur et à la dérive qu'incarnait Mickey Rourke, peu de chance que le prof de fac obèse joué par le tout mimi Fraser marque autant les esprits... C'est lors des ultimes plans du film, d'une grande lourdeur symbolique, que Darren Aronofsky ose la grandiloquence, quitte à flirter avec le ridicule. Avant cela, on aura simplement pu ressentir une vague sidération face au spectacle d'un corps humain totalement disproportionné, se traînant péniblement dans son bocal lugubre. C'est bien maigre (lol). Sous le maquillage glauque et les prothèses sans doute volontairement outrancières qui recouvrent l'acteur, brille les yeux et l'expressivité d'un bonhomme sympathique dont on peut au moins se réjouir de la reconnaissance tardive. Darren Aronofsky a au moins le petit mérite d'avoir tendu la main à Brendan Fraser. Dès le générique de fin, on se demande tout de même comment un tel film a pu être présenté en avant-première à la Mostra de Venise, où il figurait en sélection officielle, et y faire un peu parler de lui...
The Whale de Darren Aronofsky avec Brendan Fraser, Sadie Sink, Hong Chau, Samantha Morton et Ty Simpkins (2023)