Dans un futur proche, un vieil homme vit seul dans une belle baraque en bois. Son quotidien est fait d'aller-retour à la bibliothèque pour baver sur la plastique encore bien conservée de Susan Sarandon, de petites promenades en plein air au milieu de la chaussée pour gêner la circulation et de visites chez l'antiquaire du coin pour commettre quelques larcins sans conséquence. Car ce vieil homme est apparemment cleptomane, un cleptomane qui perd peu à peu la boule. Alzheimer pointe le bout de son nez. Son fils lui amène donc un robot qui l'aidera dans les petits gestes du quotidien et donnera du sens à sa triste vie. D'abord imposé au vieux pour lui éviter un placement prématuré en EHPAD, le robot va progressivement se faire une place dans le cœur du vieil homme et, surtout, trouver une utilité fort appréciable et plutôt étonnante pour celui qui s'avérera être un ancien gentleman cambrioleur qui a passé une bonne partie de sa vie en cabane.
Première surprise : Angela Frank est un mec, c'est Frank Langella, qui joue donc Frank, le vieux type physiquement très en forme mais mentalement à la traîne. Autre surprise, à la vingtième minute, le film prend la tournure inattendue d'un heist movie (ou caper movie) croisé avec un buddy movie décapant où le duo de braqueurs est donc constitué d'un vieillard sénile et d'un robot servile ; un virage bienvenu qui donne un second souffle à ce long métrage d'abord très long. Frank décide donc de faire de son robot un voleur de grand chemin, son assistant personnel dans tout ce qui concerne les larcins, les vols à la tire, les forçage de coffres, les crochetages de serrures et compagnie. Malgré ses agissements borderline, le robot de ce film met un point d'honneur à respecter les fameuses lois de la robotique inventées par Isaac Asimov. Il fait donc le boulot proprement.
On pense d'abord que leur plan est de voler les bouquins de la bibliothèque avant que ceux-ci ne soient numérisés et disparaissent définitivement. On croit que le grand-père est un amoureux des livres, mais on a tout faux ! Lors du casse, le robot demande naïvement "Tu veux que je chipe quoi ? Jane Eyre ? Don Quichotte ? Etsi c'était vrai ?", et le vieux lui répond "Prends le meilleur rapport poids/valeur pour pas t'encombrer, ça finira de toute façon sur eBay". En réalité, Frank est un braqueur de banque sans remord qui fait croire qu'il est gâteux, auquel on file un putain de robot dont il se sert pour préparer un putain de casse bien plus important. La bibliothèque n'est qu'un coup d'essai. Prochaine étape : le cambriolage de l'immense villa du salopard qui rôde autour de Susan Sarandon.
Ça y'est, vous savez presque tout de ce petit film inoffensif qui vous réservera une dernière surprise, un twist final qui n'ajoute toutefois aucune valeur ajoutée à l'ensemble. Ce que nous avons aimé dans Robot and Frank, c'est avant tout sa durée : 1h19 sans le générique de fin, que l'on coupe toujours immédiatement (on signale cependant que celui-ci nous propose un rapide documentaire du style "C'est pas sorcier" sur les avancées de la robotique en 2012, des images qui ont pour effet de nous glacer le sang et de nous prévenir des dérives futures). On a aussi aimé ces courtes scènes, hélas trop rares, où le robot part, à sa façon, à la découverte de son foyer d'adoption et fait connaissance avec son propriétaire fatigué. Ce dernier met du temps à apprécier la compagnie du robot mais finit par lui confier tous ses secrets et par le tenir en plus haute estime que ses propres enfants (incarnés par James Marsden, hideux mais parfois presque drôle dans le rôle du fils toujours à bout, et Liv Tyler, dont la tronche liftée et botoxée la fait de plus en plus ressembler à une vieille star du porno).
Dans sa nouvelle maison, le robot se met très rapidement à l'aise. Il flashe d'entrée sur la machine à café, une magnifique Nespresso chromée aux couleurs chatoyantes qu'il emporte souvent avec lui dans un coin sombre pour quelques acrobaties mécaniques. Chaque mouvement du robot est accompagné par un bruit de sifflement, ce qui a pour effet de bousiller la bande sonore de ce film par ailleurs étonnamment silencieux. On ne compte plus le nombre de fois où on surprend le robot se gratter le cul, et quid de cette scène où Frank se plaint de l'odeur qui se dégage du tas de ferraille en se servant d'une de ses grosses paluches comme d'un éventail salvateur. Le robot est effectivement campé par un type d'1m60 planqué dans un costume, un pauvre gars qui devait beaucoup suer et qui a accepté de souffrir considérablement pour le rôle. On salue le courage de cet acteur non-crédité au générique et on apprécie le choix du réalisateur d'avoir su refuser la facilité, c'est-à-dire les effets spéciaux numériques.
On peut se prendre de sympathie pour les deux protagonistes atypiques de ce film, mais on regrettera quand même sa lenteur extrême et toutes ces occasions manquées de faire davantage d'humour. Robot & Frank n'est jamais sorti au cinéma, mais il s'est taillé au fil des ans une bonne réputation chez les vieillards fans de robotique. Une niche comme une autre.
Robot & Frank de Jake Schreier avec Frank Langella, Susan Sarandon, James Marsden, Liv Tyler et Peter Sasgaard (2013)