On avait déjà les impôts, la CAF, le CROUS, Free, la MAAF et l'État sur le dos, à nous relancer chaque mois avec des menaces, et maintenant s'ajoute à la liste le site Cinétrafic.com. Le deal c'était "un dvd contre une critique". C'est d'ailleurs le slogan de leur site, à leur plus grand désarroi puisque depuis que nous avons ouvert le blog, en février 2008, nous leur envoyons un mail de réclamation à chaque critique publiée, pour obtenir gain de cause. On est à presque 800 critiques publiées, soit autant de spams suppliants dans la boîte mail de contact@cinétrafic.com et autant de dvds jamais reçus (et, petit erratum à notre mail du 9 décembre 2012, on aimerait bien un coffret réunissant tous les volets de la saga de l'anneau de Peter Jackson, car finalement on les a tous critiqués). Bref, chez Cinétrafic, on attend de pied ferme notre papier signalant la sortie du dvd de The Plague Dogs le 4 avril 2013. Et ils ont raison, car on est à la bourre ! Le voici enfin.
Hantés par l'urgence d'écrire cet article, on a tagué "04.04.13" sur tous les murs de notre ville pour ne pas oublier. C'était forcément l'ultime deadline avant de plus gros problèmes avec les aimables webmasters du site Cinétrafic. Faut savoir que d'habitude nous sommes d'authentiques critiques freelance (pour ne pas dire "blogueurs ciné" (aïe...) car on sait que cette expression fout à cran), nous agissons selon notre seul libre arbitre, guidés par notre seule passion. Il nous arrive même, quand on va voir un film au ciné, de nous permettre de ne pas écrire dessus (bien qu'on avoue parfois se foutre une pression monstre à blanc sur des titres où personne ne nous attend, typiquement Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer). Du coup on s'est retrouvés comme deux ronds de flan quand on s'est plantés face à la page blanche d'un document vierge intitulé "The Plague" tout court ("La Plaie" en français pour les non-anglophones). Depuis presque deux mois Word97 est ouvert en permanence sur nos ordis, avec le curseur qui clignote dans le vide en haut à gauche de la page. On a même hésité à renvoyer le dvd à Cinétrafic, avec un mot d'excuse honteux mais sincère disant : "Nous avons passé un super moment devant The Plague Dogs, qui sort le 4 avril 2013, mais nous sommes en panne sèche, malheureusement. A bon entendeur ! P.S. Nous voulons bien le dvd de Blade 2 dans son édition simple en revanche, si vous avez".
Si nous devions quand même dire un mot du film, on dirait que c'est "l'un des chefs-d’œuvre du cinéma d'animation", le "diamant noir de l'animation", une "œuvre radicale et unique" et qu'il "aura fallu plus de 30 ans pour que le film soit visible en France". "N'attendez pas plus longtemps !". On peut aussi vous signaler que l'oeuvre fixée sur ce support est exclusivement destinée à l'usage privé dans le cadre du cercle familial. Toute autre utilisation (reproduction, prêt, échange, diffusion en public avec ou sans perception de droits d'entrées, télédiffusion, en partie ou totalité, exportation sans autorisation) est strictement interdite sous peine de poursuite judiciaire. Dupliqué et imprimé en UE. Et nous pouvons désormais ajouter Les Films du Paradoxe aux organismes qui auraient des raisons de nous faire mettre en cabane. En dehors de toutes ces belles phrases, la jaquette nous présente aussi une belle affiche. Quoique. Le film a beau être un "chef-d’œuvre esthétiquement fabuleux", il reste un gros couac sur la devanture du poster au niveau de la patte avant gauche de Row, le chien noir sur le point de mourir qui est aussi la co-star au film. Regardez de plus près en grossissant l'affiche en haut de cet article et si vous parvenez à décoller les yeux de ce petit couac graphique, on se retrouve au paragraphe suivant.
The Plague Dogs ("Les Chiens empestés" en VF) fait énormément penser à L'Incroyable voyage, ce film qui suivait les aventures de deux clebs et d'un greffe (pas des animatronics, de vrais comédiens) partis en voyage et doublés par toute l'équipe des Visiteurs : Jean Reno, Christian Clavier et Valérie Lemercier. C'est le même film en bien et en version ultra déprimante puisque la chatte siamoise de L'Incroyable voyage (pur souvenir de cinéma), véritable sidekick des deux clébards et dynamite comique du film original, est ici remplacée par un renard plus frais que les deux chiens des quais mourants sur l'affiche mais tout de même pas spécialement désopilant. Le film reste boloss à regarder. Et, puisque notre contrat avec cinétrafic nous impose quelques mots-clés à insérer dans ce billet, nous pouvons l'affirmer : The Plague Dogs est un "film à voir" (ici). Mais sérieusement, mots-clés ou pas, on vous aurait forcément incités à regarder en vitesse ce dessin animé atypique et inspiré, et on remercie grandement Cinétrafic au passage pour cette belle découverte.
Alors c'est un film à voir, certes, mais nous émettrons toutefois un bémol, une petite précision : "à voir, sauf si vous n'êtes vraiment pas au top". Car The Plague Dogs, aussi beau soit-il, pourrait vous coller un cafard monstrueux. Le film raconte l'histoire de deux chiens qui s'échappent d'un centre de tests sur animaux (un peu comme dans Beethoven, le biopic du maestro) et qui errent dans la grisâtre garrigue britannique à la recherche de quelques brebis galeuses à estropier pour passer le temps et pour bouffer. Entre mille et une péripéties dramatiques, qui poussent notamment les deux chiens à flinguer leurs propres maîtres indirectement, nos deux compères poilus, Row et Snitter, nous en apprennent beaucoup (et nous tirent les larmes, il faut bien le dire) sur la race des canidés (et donc sur la cruauté des hommes), dont les membres ne passent leur vie qu'à espérer un peu de compagnie et la chaleur d'un bon maître. Il y a cette scène terrible où Row, le chien black, cause avec le renard et lui demande si y'a une infime chance pour que le berger du coin le prenne à sa charge, et le renard, qu'on imagine doublé par Aymé Jacquet dans la version française, lui répond : "En bouffant la moitié de son troupeau de brebis, tu t'es annihilé toutes tes chances". Avec cette réponse le renard nous surprend en bien. Idem pour le border-colley du berger, seul animal heureux du film, qui, après avoir surpris le chien black et le chien blanc en train d'enfumer les brebis de son maître avec un briquet et du papier journal leur explique tout calmement que leur projet n'est pas constructif, là où on s'attendait juste à une grosse stonzba. Les personnages ont ainsi des réactions toujours intelligentes et étonnantes car éloignées des schémas auxquels nous sommes tristement habitués.
Esthétiquement, le film est beau à voir, on l'a déjà dit. Bravo à Martin Rosen, le réalisateur. Avant ce film, il avait réalisé un dessin animé paraît-il fameux aussi avec des lapins, Watership Down, dans lequel tout allait bien. Suite au succès de ce film, que l'on a à présent envie de voir très vite, on lui a donné carte blanche pour faire ce qu'il voulait, du coup il a choisi Vanille/Noix de Pécan (si vous avez Carte Blanche, vous avez un dessert) et il a décidé de faire un film avec des chiens, dans lequel tout irait mal. Après ça on l'a injustement menotté et on lui a interdit de toucher à un crayon à tout jamais. Pourtant quel coup de pinceau ! Les chiens sont jolis, même s'ils ont tous l'air malade, les dessins sont très simples et plaisants. Ils décèlent une vraie poésie. On apprécie ce superbe travail sur le noir dans les scènes de nuit. Dans une séquence de délire de la part du clebs blanc, Martin Rosen propose des superpositions d'images assez géniales et rendant parfaitement compte de l'état du pauvre chien. A vrai dire, la scène est si déstabilisante qu'elle nous a quand même interrogés sur le bon fonctionnement de notre lecteur dvd, mais c'était bel et bien voulu. En revanche, et ça c'était pas voulu, cet "anime" est l'anti Tabou de Miguel Gomes, film en partie sonore mais non-parlant : ici on entend les voix des animaux mais pratiquement aucun son en dehors de ça. Ce n'est pas désagréable du tout, puisque cela participe grandement à l'ambiance très particulière d'un film qui parvient à s'inventer sa propre musique, mais c'est assez déconcertant. D'autant plus quand on est habitué aux films du facho Walter Disney, toujours mis en musique quand ce n'est pas en chanson et où le travail sonore confine parfois à la cacophonie. Nous n'avons rien dit sur le contenu socio-politique du film, ni sur le fait qu'il est déconseillé aux enfants, ce qui nous place à la limite du recevable aux yeux de cinétrafic et risque de nous condamner à devoir faire une autre critique du film sous peu. On va voir si ça paaaaaaasse...
The Plague Dogs de Martin Rosen avec Snitter, Row et The Dot (1982)