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Channel: Il a osé !
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Matrix

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Vous nous connaissez, quand on s'attaque à un grand monument du cinéma, on choisit souvent un angle inattendu. Que pourrait-on ajouter sur la trilogie des frères Wachowsky, décortiquée de A à Z par tout un tas de gens dont Rafik Djoumi, passionné de ciné et ex-critique chez Mad Movies, qui a aussi planché sur la trilogie de l'Anneau de Peter Jackson. A propos de Mad Movies, nous avons une requête à adresser au journal. Quand il avait douze ans, Félix était abonné à la revue. Il la plaçait très haut dans son estime et attendait chaque nouvelle parution assis en tailleur sur la boîte aux lettres de ses parents, en jouant du banjo. Il était si fan de ce papelard qu'il avait décidé d'économiser sur son argent de poche pour se payer les quelques anciens numéros qui le titillaient le plus (notamment le numéro de 84 consacré au premier Freddy, encore conservé dans de la glace chez ses vieux, au fond d'un immense congélo, entre deux steaks de veau sous vide). A plusieurs reprises, Félix a donc préparé une enveloppe avec le bon de commande dûment complété en lettres capitales, découpé au Laguiole (ses parents disposaient de tous les hachoirs du monde mais pas d'une simple paire de ciseaux), et accompagné de vingt-cinq francs (le prix d'un numéro à l'époque, frais de port inclus) en petite monnaie (deux pièces de dix francs et une de cinq). Or il n'a jamais vu la couleur de ces numéros spéciaux qui lui faisaient tant envie, du moins pas jusqu'à ce qu'il ait l'idée de demander à sa mère de faire un chèque. Face au chagrin de son fiston, la mère de Félix ne se faisait pas prier pour accuser le facteur à demi-mot, facteur qui a tout de même fini par déraper sur un piège à loup égaré comme par hasard sur le chemin de la maison, aidé dans sa chute par les assauts répétés d'un chien domestique bien dressé et ne connaissant que trop la valeur de vingt-cinq francs (un paquet de croquettes Ludovic Giuly's Soup coûtant la bagatelle de trente francs). Quant à nous, nous accusons directement le magazine et réclamons aujourd'hui la modique somme de 275 francs (au bout de onze bons de commande Félix a fini par se dire que la rédaction devait préférer les chèques de table).


Morphalous est à deux encablures de s'en manger une bonne... La matrice lui réserve encore quelques surprises, sous la forme ici d'un gros targeon droit dans la tronche. On se demande pourquoi le personnage n'a pas reconfiguré la matrice pour atténuer ses vilains problèmes de peau.

Nous avons tous deux découvert Matrix au cinéma en l'an de grâce 1999. Mais à l'époque on ne se connaissait pas. Félix, qui a décidément une mémoire putain de vive pour tout ce qui est ciné, se souvient l'avoir vu au cœur de l'été en compagnie de son frère aîné Glue3. Ce dernier devait déménager à ce moment-là et avait besoin d'une main-d’œuvre facile. Félix était tout indiqué, qui se faisait alors chier chez ses parents et les faisait chier d'autant. Sa mère, inquiète de lui trouver une occupation coûte que coûte, "suggéra" (on met des guillemets ici, car "suggérer" est un terme un peu trop léger pour décrire quelqu'un qui a le doigt sur la gachette) à Glue3 de l'embarquer avec lui, pour porter des choses lourdes de préférence, en précisant quand même : "Emmène-le au cinéma quand vous aurez fini, par exeeeeeeemple...". Les voilà donc partis au méga-multiplexe le moins proche en Kangoo Express. Et Félix, dont la mémoire est manifestement un gigantesque et impressionnant gouffre à merde, se rappelle que son grand frère - qu'il a depuis tenté de faire interner en HDT (merci Arnaud Desplechin de nous avoir appris l'existence de cette démarche administrative fort utile dans Rois et Reine) - étant donné qu'ils étaient arrivés en avance pour la séance, a dit : "On va attendre sur le parking, dans le Kangoo". Félix, qui rôdait déjà à 3 de tension à l'époque, n'avait pas réagi à cette proposition, mais aujourd'hui il ne comprend toujours pas.


Sur le plateau de Jurassic Park 2 Le Monde Perdu, Steven Spielberg donne ses indications de jeu à un stégosaure attentif.

Et il y a pire ! Autre blockbuster, autre déménageot, autre Kangoo Express, même frère, malheureusement. Félix, un souvenir en appelant un autre, se rappelle aussi de la fois où ils sont allés voir Le Monde Perdu de Spielberg sur écran géant. Arrivés devant la salle, un peu en avance, comme d'hab, les deux frères sont arrêtés manu militari par une ouvreuse qui leur demande de bien vouloir attendre un peu sous prétexte que la séance précédente se termine. La prenant au mot, comme cela lui arrive trop souvent, Glue3 se met au garde-à-vous devant la bandoulière de sécurité et joue les vigiles de pacotille du haut de son mètre dix en toisant les nouveaux arrivants susceptibles de le doubler d'un regard oblique quoique globuleux. Félix piaffait d'impatience, lui qui venait de vider un pot de 750 grammes de popcorn acheté à la caisse avec son sacro-saint argent de poche (décidément voué à partir en fumée pour pas grand chose, et notre ami ne peut plus voir le popcorn en peinture depuis ce jour). Cinq minutes se passent. La file d'attente commence à s'allonger. Dix minutes s'écoulent, la queue est sur le point d'exploser. Au bout d'un quart d'heure, une personne s'approche et dit : "On va aller voir, quand même ?", poussant la porte pour découvrir une salle vide et, sur l'écran, une jeune black en pleine séance d'aérobic, décanillant des raptors en faisant des pirouettes sur des barres parallèles dans ce qui restera sans doute comme la pire scène du film de Spielberg, survenant après plus d'une heure de "métrage" (on reprend ici un terme inique cher à Mad Movies, comme quoi cet article a du sens et se veut organisé). Glue3 a passé la séance tassé dans son fauteuil, figé sur place, à soutenir les regards à bloc de haine d'une foule de spectateurs enragés. Ce n'est que lors de la Pentecôte 2013, quand une chaîne du réseau hertzien a eu l'idée de rediffuser Jurassic Park 2, que Félix a découvert que le film ne durait pas qu'une demi heure et qu'il possédait finalement une forme d'introduction.


Joe Pantoliano, Pantoliano Joe, tournez-le dans tous les sens, c'est le meilleur patronyme qui soit, le plus bel assemblage de lettres imaginable.

Retour inespéré à Matrix, le sujet de ce papier. On reste, il faut bien le dire, espantés à l'idée que des gens aient passé un temps fou à écrire sur ce film, qui ménage la chèvre et le choux, distille les références littéraires-mythologiques-mystiques et les amalgame dans un scénario certes plutôt bien ficelé mais loin de mériter qu'on s'y attarde comme si c'était la Bible. Le film traite en surface des idées riches quoique rebattues et peut servir de porte d'entrée à quelques réflexions plus profondes sur des questions et thématiques philosophiques, il n'en reste pas moins un film d'action à peine correctement filmé, cinématographiquement sans grand intérêt, que ses fans surinterprètent dangereusement et auquel ils font dire tout un tas de choses que lui-même n'effleure qu'à peine. Ca reste mieux que la plupart de ce qu'on peut voir aujourd'hui, et ce n'est pas difficile. Si on a du mal à piger que des gens bûchent sur la petite dissert sympa et tape-à-l’œil des Wachowsky, que dire de ceux qui se ruinent la cervelle sur Inception. A côté Matrix c'est du Rohmer. A noter qu'on ne parlera de qualité que pour le premier film, qui se suffit à lui-même. Les deux autres volets ont complètement gâché la fête, même si les aficionados les étudient tout aussi sérieusement. Quand Andy et Lana ont prétendu que le premier film était prévu pour être suivi de deux daubes totales, on a eu du mal à les croire, tant les épisodes 2 et 3 donnent envie de pleurer sans jamais s'arrêter.

On ne fera cependant pas partie de ceux qui pointent du doigt le nouveau triple menton de l'élu, l'élu de nos cœurs, que certains traitent aujourd'hui de "gros sac à merde" parce qu'il a un peu grossi, après l'avoir bêtement imité dans leur jeunesse en portant des manteaux en cuir hideux, des doc marteens noires importables et en arborant des lunettes de soleil même par temps couvert. Au dernier festival de Cannes, Keanu Reeves s'est affiché, il s'est montré, tel qu'il est, plus proche d'Homer Simpson que de Néo, et il a provoqué les rires alors qu'il vient de souffler sa cinquantième bougie et qu'il se traîne une vie privée dont une seule journée pourrait transformer les plus robustes en pures épaves.

Nota Bene : Félix veut profiter de cet article pour présenter ses plus plates excuses à l'acteur Joe Pantoliano (Francis Fratelli dans Les Goonies, Teddy dans Memento, et donc surtout Sypher dans Matrix), dont il a emprunté le patronyme pour sa seule sonorité incroyable dans une vieille adresse mail : pantolianojoe@yahoo.fr, adresse qui a servi à commettre pas mal de cyber-crimes à l'époque bénie où le web était un no man's land propice à toutes les bastons.


Matrix des frères Wachowsky avec Keanu Reeves, Carie-Anne Moss, Lawrence Fishburne, Joe Pantoliano et Hugo Weaving (1999)

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