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Channel: Il a osé !
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Dark Skies

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Dark Skies débute sur les chapeaux de roue. C'est à ma connaissance le seul film d'horreur dont le moment le plus flippant survient dès la toute première seconde, alors que le film n'a, à vrai dire, pas du tout commencé. C'est une citation que l'on doit à Arthur C. Clarke, une pointure de la science-fiction, qui aurait écrit un jour : "Two possibilities exist : either we are alone in the Universe or we are not. Both are equally terrifying." Des mots terribles qui apparaissent blanc sur noir lors du générique d'ouverture et qui ne manquent pas de nous procurer le premier et seul frisson du film. Vous pourrez ressortir cette citation en soirée lorsque le sujet de conversation s'y prêtera, cela fera toujours son petit effet, à condition bien sûr de la placer au moment opportun, de la prononcer en anglais et avec conviction, elle perdrait autrement beaucoup de son impact. Pour ma part, ce film m'a simplement rappelé cette citation, car mon frère Poulpard, ufologue amateur de son état (il préfère le terme d'ovniologue), l'avait faite imprimer sur la première page de sa thèse de biologie dont le sujet, portant sur les interactions entre plantes et herbivores dans un contexte d'invasion biologique, était pourtant "à des années-lumières, que dis-je, à des milliards d'années-lumières !" comme lui a répété son plus virulent examinateur lors de sa soutenance, malgré les menaces physiques et verbales de notre mère sise juste derrière cet énergumène.


D'étranges constructions faites avec les ustensiles de cuisines...

C'est donc ainsi que débute Dark Skies, minuscule film d'horreur qui ressemble à s'y méprendre à un mauvais épisode de X-Files, où une famille de banlieusards américains se retrouve prise pour cible par des extraterrestres invisibles. Ces extraterrestres adorent vider les tiroirs et mettre la cuisine sens dessus dessous pendant la nuit, ce qui fait d'abord croire à des crises de somnambulisme du petit dernier de la famille (il est toujours facile de pointer du doigt le plus faible), les parents étant vraisemblablement fans de Step Bro et peut-être un brin naïfs et cruels. A un rythme suffisamment soutenu pour maintenir l'attention, les péripéties et phénomènes paranormaux accompagnant les intrusions extraterrestres s'enchaînent et se veulent de plus en plus inquiétantes. Cela fait un mois que j'ai vu le film, et je me souviens seulement de cette scène où une flopée d'oiseaux vient s'écraser sur les fenêtres de la maison, comme s'ils étaient irrésistiblement  attirés par cette modeste et banale bâtisse. Quoique non, je me souviens aussi de ce superbe passage où la fort sympathique Keri Russell (la maman) se tape plusieurs fois la tête contre la porte vitrée de sa demeure, en proie à de violentes migraines dues aux ondes néfastes propagées par les aliens.


Des dessins chelous, inspirés par des nuits agitées...

Le film prend une tournure grotesque mais salutaire (on peut enfin en rire pleinement !), quand le petit couple s'en va chez un expert en ufologie (un ovniologue donc) dont ils ont trouvé l'adresse sur internet. Ce dernier, après leur avoir fait passer un questionnaire ridicule (à base de "Un membre de votre famille a-t-il saigné du nez récemment ? Des animaux se sont-ils comportés de façon inhabituelle autour de chez vous ? Votre chien répond-il à son nom ? Avez-vous pensé à mettre du papier alu autour du pénis de votre mari ?"), leur apprend qu'ils sont la cible des Gris, l'espèce extraterrestre la plus souvent observée sur notre planète, et qu'ils risquent très probablement une abduction. L'illuminé est incarné par J. K. Simmons, une "tronche" bien connue du cinéma américain (notamment vue dans Juno et la trilogie Spider-Man de Sam Raimi), et l'acteur s'en donne à cœur joie, semble-t-il bien conscient de l'énormité de la situation, lui dont le personnage est condamné à porter des lunettes aux verres teintés et un vieux sombrero bien enfoncé sur le crâne pour, dit-il, "limiter les intrusions des Gris, télépathes malveillants capables de commander nos actions à distance".


Nos perruches perdent la tête !!

Pour impressionner la galerie, l'expert rappelle alors le b.a-ba de l'ufologue lambda à son auditoire crédule en édictant point par point la fameuse classification de Hynek, celle qui inspira Steven Spielberg en 1977. De la même façon que la citation d'Arthur C. Clarke, vous pouvez placer cette échelle astronomique lors de soirées entre amis voire lors de rendez-vous professionnels à couteaux tirés, quand une intervention de haute volée s'impose dans le but de mettre un point final à toute conversation tout en sauvant les apparences. Je vais donc vous faire part de cette classification de façon détaillée, en m'appuyant simultanément sur mes souvenirs du film et mes expériences personnelles (ne me remerciez pas).


J. K. Simmons livre une prestation assez ébouriffante, il faut bien l'admettre. Il est à fond dans son rôle.

La Rencontre Rapprochée du 1er type (RR1) est celle où le ou les témoins voient un OVNI, quel qu'il soit, à moins de 150 mètres. Le spécialiste des ovnis de Dark Skies avoue être passé tout près d'une RR1 dès l'âge de 6 ans. Hélas, il se tenait à 152 mètres de l'appareil venu du ciel quand il affirme l'avoir vu de ses yeux vus. Encore amer, il ajoute en serrant les poings "A deux centimètres près ! A deux centimètres près !". Après avoir retrouvé ses esprits, J. K. Simmons précise que 8 américains sur 10 effectuent une rencontre rapprochée du 1er type avant l'âge de 55 ans et sont mauvais en géométrie. Keri Russell porte alors la main à la bouche pour jouer la stupéfaction. C'est mignon.


Adepte des "nipples" et autres "see through", Keri Russell apparaît souvent en simple pyjus dans Dark Skies. Notons hélas que de simples gommettes bien placées suffirait à respecter son intimité.

Selon Joseph Allen Hynek, la Rencontre Rapprochée du 2e type (RR2) succède logiquement à la Rencontre du 1er type. Pour qu'une RR2 soit reconnue et attestée, il faut que l'OVNI laisse des preuves matérielles, comme des traces au sol, des mokos ou des fèces, voire pire. L'ufologue un chouïa allumé du film de Scott Charles Stewart désigne alors du bras la vieille étagère qui décore sobrement son salon et sur laquelle trônent une collection de merdes impressionnantes venant forcément d'outre-space. Keri Russell fait encore la moue. On en mangerait !


C'est pendant la nuit que les Gris font tout leur ramdam dans la cuisine. Cela a le don de faire sortir Keri de ses gonds.

En ce qui concerne la RR2, une précision est à faire pour vous autres lecteurs, nouveaux ufologues avertis. Certains pensent en effet que les cercles de récolte, les fameux "signes" qui ont inspiré M. Night Shyamalan, entrent dans cette catégorie. Mais les ufologues sont extrêmement divisés sur ce point, surtout depuis qu'il a été prouvé par A+B que ces étranges symboles étaient l’œuvre de deux paysans farceurs, as du râteau au propre comme au figuré. La déclassification de ces cercles de récolte en RR2 par le Center for UFO Studies en mars 1980 a même provoqué un important schisme parmi les ufologues, définitivement séparés en deux écoles de pensées. Chez les dissidents, on a constaté à cette même période un vif regain d'intérêt pour la classification que l'on doit au français Jacques Vallée (cocorico !), beaucoup plus précise et austère, et donc moins amusante. Dans Dark Skies, le personnage campé par J. K. Simmons préfère ne pas aborder la question pour ne pas rouvrir une plaie encore mal cicatrisée.


Ci-dessus le "crop circle" que réalisa mon frère Poulpard une nuit d'insomnie, dans le champ en face de la ferme de nos parents. En guise de punition, papa nous retira la prise péritel de notre SuperNes. Nous la cherchons encore. 

Les choses deviennent enfin plus intéressantes avec la Rencontre Rapprochée du 3e type (RR3) : le ou les témoins voient un OVNI et ses occupants, ou seulement les prétendus occupants d'un OVNI sans ce dernier (dans ce cas-là, la RR3 présente ceci d'original qu'elle ne se cumule pas systématiquement à une RR1). La "rencontre de Kelly-Hopkinsville" et le "grand meeting de Valensole" sont classés en RR3. Je classe ma JAPD en RR3. Et le pauvre J. K. Simmons accumule à son grand regret les RR3. Quand ça tourne mal, ces rencontres débouchent parfois sur une Rencontre Rapprochée du 4e type (RR4) : le ou les témoins prétendent alors avoir été enlevés par les occupants d'un OVNI. Ces RR4 sont plus rares, dans le sens où les personnes ne reviennent pas toujours pour effectuer le récit de leurs abductions. Elles n'en constituent pas moins l'une des plus populaires catégories inventées par Hynek et de nombreux films en ont proposé une illustration, sans qu'aucun ne parvienne à véritablement marquer les esprits (Intruders, Xtro, Communion, Fire in the Sky, The Forgotten, Fourth Kind... ces titres ne vous disent rien ? Normal).


On ne garde tout de même pas un mauvais souvenir de LA scène d'abduction de Fire in the Sky avec ses aliens particulièrement hideux. Dommage qu'elle ne survienne qu'après deux heures d'ennui.

Remédions aux carences de Dark Skies et précisons qu'il existe deux types de RR4 : dans une "RR4 de classe 1", les victimes sont non consentantes et peuvent éprouver une déformation grave de la réalité, des trous de mémoire, des symptômes caractéristiques du traumatisme du rapt tels que la crainte et l'inquiétude, des effets physiologiques comme la paralysie et une désorientation dans le temps et l'espace. C'est exactement ce qui finit par arriver à la famille de Dark Skies (spoiler). Mon frère Poulpard présente quant à lui la particularité d'avoir à la fois été l'auteur puis la victime puis de nouveau l'auteur d'un RR4 de classe 1. Je considère personnellement comme une RR4 de classe 1 la journée portes ouvertes du collège Joseph Delteil de Limoux effectuée quand j'étais en CM2. Les "RR4 de classe 2", bien que techniquement qualifiés d'enlèvement, sont des cas où le témoin déclare avoir suivi volontairement l'entité. Il s'agit parfois des conséquences du coup de foudre d'une jeune demoiselle pour un individu venant certes d'ailleurs mais répondant par miracle aux critères de beauté de notre planète (à savoir un sexe long, épais et dur). Kelly Kapowski affirme ainsi avoir été attiré par "un sosie de Brad Pitt au corps vert-de-gris" le 14 juillet 1978, en plein Arkansas. Quand le coup de foudre est réciproque, la RR4-2 peut rapidement entraîner une RR7 (un ou plusieurs témoins ont un rapport sexuel avec le ou les occupants d'un OVNI), mais, pour ne pas vous perdre, reprenons plutôt dans l'ordre...


 Joseph A. Hynek et Jacques Vallée : bien qu'opposés par les ufologues du monde entier, les deux hommes se respectaient mutuellement. Notons que Jacques Vallée inspira à Spielberg le personnage incarné par François Truffaut dans Rencontres du 3ème type et que Hynek y fait une apparition.

La rencontre Rapprochée du 5e type (RR5) est celle où le ou les témoins prétendent être entrés en communication avec les occupants d'un OVNI. Certaines personnes prétendant avoir vécu une RR5 se sont révélés être de purs affabulateurs. D'autres, qui visaient à mettre en garde leurs semblables, ont récemment tenté de démontrer que le 39 49 était une ligne directe vers une RR5 assurée et souvent traumatisante. Ce type de rencontre ne se produit pas dans Dark Skies, les extraterrestres du film pouvant se définir comme de véritables anti-woody aliens dans le sens où ils ne causent et ne blaguent jamais. La Rencontre Rapprochée du 6e type (RR6) ne fait plus rire personne : pour qu'elle ait lieu, un ou plusieurs témoins (ou animaux) doivent être blessés ou tués par un OVNI ou ses occupants. On peut alors parler d'une "mauvaise rencontre" ou d'une "rencontre fatale", comme l'indique mon frère Poulpard, alien ufologue amateur. Les cas de mutilations de bétail qui ne trouvent pas d'explication rationnelle sont souvent imputés à une RR6 (pour l'anecdote, le tout premier épisode de la série South Park traite avec humour de la RR6). La mort de mon chat Leviathan, dont le cadavre a été retrouvé recouvert d'abjectes cicatrices, a d'abord été classée en RR6 par mon propre papa avant d'être déclassée suite aux aveux du petit Dimitri, mon enfoiré de voisin psychopathe. Pour en revenir au film, J. K. Simmons déclare que la RR6 est la plus atroce des rencontres, étant donné qu'elle laisse généralement la victime en vie, mais traumatisée pour le restant de ses jours, or "mieux vaut crever après ça, croyez-moi" comme le personnage le répète à 36 reprises exactement (j'ai compté). Les RR7 et suivantes existent bel et bien, mais elles sont moins indispensables. Savoir par-cœur les cinq premières catégories élaborées par Hynek suffisent à briller en société et même au delà...


Quelques portraits d'Entités Biologiques Extraterrestres réalisés d'après les témoignages. Presque toutes correspondent à des "Gris". Certains farceurs ajoutent parfois à cette sinistre galerie une photographie noir et blanc en pied d'Amélie Nothomb. 

A part enrichir votre culture générale par ces précieuses connaissances et faire de vous une bestiole de foire en soirées (ce qui n'est déjà pas rien, avouons-le), Dark Skies ne vous apportera pas grand chose. Le grand film sur les rencontres du 4e type reste donc à faire. On se demande un peu pourquoi Dark Skies connaît les honneurs d'une sortie en salles quand tant d'autres restent sur les étagères. La jolie frimousse de Keri Russell, dont la régularité des traits n'a d'égal que la petitesse de sa poitrine (malheureusement personne n'est parfait), ne suffit pas à se sentir quelque peu concerné par les malheurs de cette bien terne famille, en proie à des petits hommes gris qui ne marqueront pas l'histoire de la science-fiction mais qui vous feront peut-être effectuer une recherche Google en leur honneur (c'est ce que j'ai fait, j'avoue). En ce qui me concerne, je me suis senti obligé de vous parler de ce film à cause de cette sortie inattendue sur grand écran, et c'est là qu'on sent les terribles contradictions de la vie d'un blogueur ciné, affirmant n'être guidé que par sa passion de cinéphile, mais obéissant sans rechigner au diktat impitoyable de l'actualité. 


Dark Skies de Scott Charles Stewart avec Keri Russell, Josh Hamilton, Dakota Goyo, Kadan Rockett et J. K. Simmons (2013)

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