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Le Labyrinthe de Pan

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Ce n'est pas au deuxième semestre 2013 que vous trouverez une analyse du Labyrinthe de Pan sur ce blog, ça non. Ça ne nous ressemble guère. Par contre, faire le bilan sur ce film dix ans après sa sortie, c'est plus dans notre genre. Le film de Guillermo del Toro a été sélectionné et applaudi à Cannes en 2006. Pan, comme il est de coutume de l'invectiver, était sur les starting blocks pour remporter le Prix d'Interprétation Masculine, du moins jusqu'à ce que Guillermo del Toro n'avoue à Gilles Jacob que Pan n'était qu'un être de pixels et de fiction. Il était question que le film lui-même s'en tire avec la Palme d'Or du festival, du moins jusqu'à ce que le jury, à l'unanimité, mette fin à cette fausse rumeur lancée par Didier Allouch, fan numéro un de Guillermo del Toro. Le film repartit en fin de compte la queue entre les jambes, mais auréolé d'une réputation qui allait se confirmer et même se renforcer à sa sortie en salles en novembre de la même année.




C'était peut-être notre première sortie commune au cinéma. Nous étions en couple depuis peu. On s'était mis d'accord sur qui ferait la cuisine avant le film et qui ferait la vaisselle trois mois plus tard, on avait prévu de sécher les cours du lendemain si le film finissait trop tard, on avait décidé de qui charrierait le ciné et de qui charrierait le macdale d'après. Bref, on était prêts. C'était l'époque bénie où il suffisait que l'un d'entre nous propose un ciné pour que l'autre dispose, sans autre forme de procès, pour faire plaisir, pour cultiver une relation naissante, pour encore faire attention à l'autre quitte à concéder un petit effort de temps en temps. A l'époque, c'est évidemment Félix qui a dit : "On va voir le prochain Del Toro ? Phénomène de Cannes !". Il avait vu Cronos et L'Echine du diable et Del Toro faisait alors partie des rares espoirs du cinéma fantastique. Quand nous sommes sortis de la salle, j'ai coincé cette enflure de Félix en lui demandant ce qu'il en avait pensé, sans attendre, et sans lui donner le moindre indice sur mon propre avis, hormis un ticket de cinéma déchiqueté, mâchouillé et broyé, avec une montre dessinée dessus et griffonnée quart d'heure par quart d'heure dans le noir : "Alors t'en as pensé quoi ?". Après ça, le piège n'a plus jamais fonctionné, et aujourd'hui encore, quand on sort du ciné, on ne crache pas un mot, ni l'un ni l'autre, pas avant de se retrouver, parfois sept ans après les faits, devant un ordi pour déceler le vrai du faux.




Que nous raconte Le Labyrinthe de Pan ? L'histoire d'une gamine déjà bien balancée, dont la mère enceinte passe son temps à se contorsionner, et qui, pour fuir les horreurs de l'Espagne franquiste (sous Franco), horreurs incarnées par son beau-papa, un officier franquiste infect (Sergi Lopez), se réfugie dans un univers mental tout aussi sordide. Un faune, nommé Pan dans la version française, la montre du doigt et lui dit qu'elle est la princesse d'un monde souterrain. Il lui faut toutefois franchir trois étapes pour y accéder. On va arrêter là ce résumé parce que franchement, qui ne le connaît pas ? Les trois étapes sont incarnées par un gros corbac, un type sans mirettes qui a ses yeux dans ses mains (comme notre rédacteur pigiste Joe G., qui se balade dans toutes les rues de Paname où il s'arrange pour croiser quelques phénomènes les paumes grandes ouvertes tournées vers l'arrière histoire d'en prendre plein la vue), et un autre dont on ne se souvient plus. C'est dire si le petit chef-d'oeuvre de Del Toro nous a marqués. Après une petite recherche sur wikipédia (dont la page hallucinante consacrée au film nous rappelle à quel point il a pu se trouver des fans absolus), il s'avère que la dernière épreuve consiste à se vider de tout son sang et à mourir. Ce décès ouvre la porte du royaume souterrain à la jeune fille afin qu'elle y règne, sauf que le monde en question n'est qu'une allégorie de la mort. Ce film est un manifeste. Ce film est un plaidoyer. Nous avons reconnu sa nature, mais pas sa fonction. C'est un brûlot. De quoi, ne nous demandez pas.




Cherchons la réponse dans quelques critiques éclairées et éclairantes. Brazil nous dit que le film de Del Toro est « une des plus belles choses qui soit arrivé (sic.) au cinéma cette année ». Cette critique étant déjà obsolète, passons à la suivante, signée L'Ecran Fantastique, selon qui Le Labyrinthe de Pan serait « un vivace plaidoyer pour le fascisme (...) à la violence d'autant plus insoutenable qu'elle est réaliste ». David Doukhan, de Mad Movies, encore tout tremblotant et couvert de bleus, écrivait à l'époque : « une claque visuelle de tous les instants ». Aurélien Ferenczi, de Télérama, qualifie le film de « conte noir, fascinant et émouvant, qui milite avec talent contre la puissance cathartique des fables ». On y voit déjà un peu plus clair. Le film a reçu 95% de critiques positives de cet acabit, et on ne compte plus les expressions toutes faites du type : "fable tragique exaltée", "fable de larmes et de sang", "maestria de fou", "une bouffe dans la gueule", "un groooooos coup de pied au cul !" et ainsi de suite. Dix ans après, il serait intéressant de savoir ce que tous ces gens pensent du dernier succès d'un cinéaste qui depuis ne se bat plus pour justifier qu'il n'est pas la frère de Benicio del Toro mais bien pour faire entendre au monde qu'il n'est pas un pur salop. Et il a fort à faire quand on le voit placer ses billes sur mille et un projets boiteux, qui se caractérisent tous par un penchant pour le fantastique et le merveilleux et par le goût douteux pour les petites filles brunes aux grands yeux globuleux. Tout comme son réalisateur et mécène, la petite princesse du monde de Pan, Ivana Baquero, a eu du mal à enchaîner. Mais sa carrière reste plus respectable que celle du cinéaste obèse puisqu'au lieu d'accumuler les taudis elle s'est contentée de laisser pisser l'adolescence et de ne strictement rien branler. Sa filmographie est une page vierge.

PS : N'oublions pas que le film a été classé troisième derrière Shining et Labyrinthe dans la catégorie des meilleurs films de labyrinthes.


Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro avec Ivana Baquero et Sergi Lopez (2006)

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