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Channel: Il a osé !
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Armageddon

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1998 aura été pour tout le monde un bel été. "Roger tu me broies l'épaule !". Rappelez-vous... Du fait de ces deux mois festifs où bonne humeur rimait avec "black, blanc, beur", il y a certains événements moches qui n'ont pas été pointés du doigt comme il se doit, certains excès de vitesse sont passés sous le radar à cause de la joie qui régnait à cette époque-là. En regardant Armageddon y'avait qu'à fermer les yeux (dans les bleus), ou les plisser un peu, pour voir Zizou dans le rôle principal. A l'heure où Pain and Gain est curieusement attendu par nos confrères comme le "must see" de la rentrée 2013, il est bon de rappeler les méfaits de son auteur, Michael "1 plan/1 seconde" Bay. Réalisateur des deux Bad Boys, de The Rock, de Pearl Harbor, ou plus récemment des trois Transformers, Michael Bay est surtout connu pour son art du placement de produits (on dénombre une cinquantaine de marques apparentes par film). Publicitaire décomplexé, Bay est aussi un pyromane avéré. Il a été démontré que ses films engrangent plus ou moins de pognon selon le nombre d'explosions à l'écran. Face à toutes ces statistiques édifiantes nous sommes longtemps restés muets. Que dire de cet homme si cynique qu'il semble lui-même revendiquer de vivre dans le vice. C'est le capitalisme le plus crasseux et assumé. Celui qui te prend un billet d'une main et qui appuie sur le détonateur de la mine placée au préalable sous ta semelle de l'autre.




Petite description physique du bonhomme : véritable cheval humain, Michael Bay porte un jour sur deux des vêtements échancrés jusqu'au nombril pour laisser admirer son torse glabre. Il a accueilli avec reconnaissance le vote des députés français du 23 avril 2013. Ses cheveux sont sublimes, sa permanente impeccable, sa raie toujours droite (nous parlons bien de celle de ses cheveux). Quand un cinéaste ressemble à un tel éphèbe, à un catcheur svelte, il a encore plus de choses à prouver. Mais pire que tout, Michael Bay n'a pas d'âme. Pas davantage que son producteur et mentor, Jerry Bruckheimer, son quasi sosie en bien plus morbide. Ces deux hommes font le mal autour d'eux, sans scrupules, et nous sommes les spectateurs éloignés de leurs crimes. Tout être humain sur Terre est supposé se trouver à cinq personnes de tout autre congénère, et pourtant nous ne sommes même pas à dix personnes d'un fan de Michael Bay. Enfin, on l'espère. On ne connaît pas le jardin secret de certains de nos pigistes.




La même année, en mai, sortait Deep Impact de Mimi Leder (?), basé sur une histoire quasi-similaire. Sauf que dans ce film-là les personnages passent la moitié du film à pleurer et l'autre à regarder un météore s'écraser sur eux. Le météore tombait dans l'océan et se contentait de faire monter le niveau des eaux, engloutissant tous les gens vivant à moins de 200 mètres au-dessus du niveau de la mer sous le regard embêté de tous les autres. Dans Armageddon au contraire, toute l'intrigue consiste à envoyer une troupe de bras cassés sur la caillasse volante pour y creuser un puits afin d'y balancer une tête nucléaire qui aura un impact suffisamment profond sur la météorite pour au moins la faire dévier de sa trajectoire, au mieux la faire exploser en mille morceaux. Les plus attentistes, défaitistes, fatalistes se sont retrouvés dans Deep Impact, les autres, activistes, interventionnistes, optimistes, se sont rués sur Armageddon par milliers. A l'époque, nous étions en CM1/CM2 (plus exactement en "classe passerelle", soit "chez les cons" comme disaient nos pères), et la classe était divisée en deux clans ennemis. Deux façons de voir les choses. Ou plus exactement les fans de Téa Leoni contre ceux de Liv Tyler.




A noter que c'est le seul film où Bruce Willis meurt à la fin. Les chipoteurs vont nous tendre une pancarte "Six Sense", sauf que dans le film de Shyamalan, il a beau s'en rendre compte à la fin, il meurt au début (désolé pour les trois Népalais qui n'ont pas encore vu le film). Willis meurt peut-être aussi à la fin du Chacal, où il est opposé à un Dick Gere survolté, mais il n'est pas le héros de ce film et de toutes façons vous n'y auriez pas du tout pensé. Autour de la star, qui était alors sur un nuage, Michael Bay a eu le blair de placer un chapelet d'acteurs incongrus histoire de ratiboiser large : Ben Affleck, qui était alors tout au fond, Steve Buscemi, pour attraper quelques pigistes indés, Owen Wilson, pour les précogs qui sentaient qu'il finirait en haut de l'affiche malgré sa tronche de freak, Michael Clarke Duncan, pour attirer les fans d'animaux, Billy Bob Thornton, pour plaire aux fumeurs de oinjs, Udo Kier, pour séduire les nordiques et les teutons et, last but not least, oldie but still goodie, Charlton Heston, en narrateur voix-off, une arme braquée sur la tempe du mixeur, pour les amateurs de vieilleries et d'auto-justice. Côté femmes il faudra se contenter de Liv Tyler, qui n'a accepté de jouer qu'à la condition que son père drogué et fossilisé puisse vociférer à la fin du film sur fond de soleil couchant.



Il faut dire que toute cette fine équipe, si c'est du bonheur sur le papier, sur le plateau c'est la chierie totale. Imprimée sur pellicule c'est de l'or, en coulisses c'est la chienlit. En dehors des petits blocs de nano-secondes situés entre les mots "Action" et "Cut", les acteurs s'insultaient et se tournaient le dos. Ils ne se sont jamais recroisés depuis, sauf erreur de leur part, et il y en a eu pas mal. Michael Clarke Duncan et Charlton Heston jouent par exemple tous les deux dans La Planète des singes de Tim Burton, et tous deux sans maquillage. Le second était là en caméo clin d’œil au film original, le premier était là en clin d’œil tout court. Quant à nous, nous ne sommes plus jamais retournés voir un film de Michael Bay au cinéma. On avait passé l'âge. On était déjà trop vieux, on avait 12 ans.


Armageddon de Michael Bay avec Bruce Willis, Steve Buscemi, Liv Tyler, Billy Bob Thornton, Udo Kier, Ben Affleck, Owen Wilson, Michael Clarke Duncan et Charlton Heston en off (1998)

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