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Channel: Il a osé !
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Sous surveillance

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Quand tu t'appelles Bobby Redford, tu peux avoir un casting en or malgré un scénar' en contreplaqué, il suffit de claquer des doigts. C'est ce que prouve son dernier film en tant que réalisateur, acteur et producteur exécutif : Sous surveillance (The Company we keep en VO, soit "La société que nous gardons"). Visez un peu l'affiche. Treize noms qui ont bien du mal à tous y contenir. De vieilles gloires du passé y côtoient de jeunes acteurs qui montent qui montent. Si le film, qui paraît déjà bien long, avait duré deux heures de plus, on imagine que le défilé de vieilles gueules cassées et de jeunes loups aux dents qui rayent le parquet aurait duré encore plus longtemps. Heureusement, la mégalomanie de Bob Redford a des limites !


Moment de malaise sur le tournage quand Susan Sarandon décide de mimer la position sexuelle préférée qu'elle réalisait naguère avec Tim Robbins, surnommé The Black Donkey dans la profession.

On suit donc ici le pâle Shia LaBoeuf, jeune journaliste désireux de faire ses preuves, en pleine enquête sur un vieil avocat (Robert Redford) dont le trouble passé ressurgit suite à l'arrestation d'une membre du Weather Underground (joué par Susan Sarandon), groupe d'activistes de gauche radicale ayant marqué les années 70 et considéré comme une organisation terroriste par le FBI. En deux temps trois mouvements, Shia (prononcez comme ça vous chante, "Who really cares ?!" répète-t-il à longueurs d'interviews, blasé) parvient à dépasser plus de 30 années de recherches acharnées menées par le FBI et expose au grand jour la véritable identité de Bob Redford. Ce dernier prend alors la fuite, Shia et le FBI se lancent donc immédiatement sur ses traces ; mais attention, n'allez pas imaginer une course-poursuite haletante au sein d'un thriller parano comme on n'en fait plus, non, pensez plutôt à un escargot fatigué et tout ridé (Redford) inspecté à la loupe par un enfant laid à moitié aveugle (LaBoeuf) entouré d'une bande d'incapables qui regardent du mauvais côté, dirigée par le toujours désagréable Terrence Howard.


Malaise encore sur le tournage lorsque Shia LaBoeuf décide d'aller sur généalogie.net pour retrouver ses ancêtre aveyronnais alors qu'il a une ligne de dialogue de la plus haute importance à placer face à Bob Redford (qui regrette à ce moment là de ne pas avoir choisi Mouloud Achour pour le rôle).

Comme il a du temps à paumer et que les énergumènes à ses trousses sont tous des purs zonards, Bob Redford profite de cette petite virée pour renouer les liens avec de vieux amis qui ne l'accueillent pas toujours avec le sourire. Le film prend alors des allures d'anti-Expendables, ces réunions musclées d'anciens collabos toujours fachos organisées par Sly, puisqu'il nous propose une morne galerie de portraits de gauchos ancestraux mal dans leurs peaux ayant tiré un trait sur leur passé un brin trop engagé. Ce film-là, c'est donc un peu le Expendables des soixante-huitards grabataires, sauf qu'ici les acteurs sont tous en déambulateurs et, à la place de mitraillettes et autres kalachnikovs, ce sont leurs idéaux en berne qu'ils traînent partout avec eux. Bien sûr, le rapprochement avec le film de Stallone n'est pas à prendre comme un compliment.


Malaise toujours sur le tournage de ce film en bois entouré de moquette sans âge lorsque Bob Redford lâche un pet cinglant sur le coin de la veste en velours côtelé de Dick Jenkins qui ne peut retenir un rictus de dégoût et un regard furtif et interloqué en direction de son interlocuteur censé être un gentleman.

On croise donc avec plus ou moins de plaisir des vieux gars comme Nick Nolte, dans l'un de ses fort probables derniers rôles (cela me fait de la peine de l'écrire aussi), Brendan Gleeson, un pack de bière à la main, et le plus grand d'entre tous, toujours au top, toujours la même tronche depuis 20 ans, j'ai nommé Dick Jenkins, le seul de la bande à ne pas être sur le déclin, artistiquement parlant. J'aurais aimé y voir aussi le grand Robert Duvall, mais c'était oublier ses véritables opinions politiques... Côté vieillardes, on retrouve Susan Sarandon, fidèle à elle-même, et Julie Christie, que l'on pourra mettre un petit moment avant de reconnaître. Ce medical check-up platement filmé est souvent déprimant quand on découvre le gros coup de vieux pris par l'un ou la mauvaise mine affichée par l'autre, et parfois étonnant, comme lorsque l'on constate que Julie Christie et Robert Redford se ressemblent désormais étrangement. Ils doivent avoir le même chirurgien, un type qui fait du bon taff, ceci dit, bien que leur beauté de jadis ait bien du mal à percer derrière l'écran juvénile superficiel qu'il leur colle aux tronches.


Malaise bis repetita lorsque Bob Redford décide de jouer toutes les scènes avec Julie Christie en lui tournant le dos comme pour se venger d'une relation amoureuse terminée sur un point d'exclamation, le sang et les larmes. Une balle dans son propre pied !

Au milieu de tout ça, les jeunes pousses ont bien du mal à s'affirmer, y compris la sympathique Brit Marling, que son amour pour les thrillers américains des 70's doit amener à faire des choix de carrière pas toujours judicieux (on l'avait également vue dans Arbitrage, aux côtés d'un Dick Gere aux abois, un film du même tonneau, mais plus sobre et réussi). Le tristounet Shia LaBoeuf démontre quant à lui qu'il n'a toujours pas les épaules pour porter un film tel que celui-ci. Notons que pour faire taire les critiques français qui pointent systématiquement du doigt sa ressemblance frappante avec Karim Benzema, la star porte ici une moumoute ridicule et des lunettes triple foyer qui ne suffisent pas à le rendre crédible en journaliste.


Malaise final très palpable et ressenti douloureusement par tout le cast & crew au moment où Shia LaBoeuf demande effrontément à Brit Marling de tirer sur son doigt afin de pouvoir lâcher un pet issu de l'ingestion et la digestion malheureuse d'une fricassée de Limoux avariée.

Beaucoup ont parlé de nostalgie ou de mélancolie pour qualifier ce thriller mou du genou réalisé par un Robert Redford vraisemblablement soucieux de redorer son mythe et celui de quelques collègues en évoquant un glorieux passé d'activisme de gauche. Pour ma part, j'y vois plutôt un narcissisme déplacé de la part du Sundance Kid. Même si cette scène douloureuse, où la vieille star se montre faisant son jogging, laborieusement, en nage, courant comme une vieille gonzesse, vient quelque peu contredire mon hypothèse. Force est de constater que l'on s'ennuie ferme devant ce film qui paraît déjà très daté. Le climax, c'est tout de même une course à deux à l'heure de Robert Redford et Julie Christie dans les bois, poursuivis par les bergers allemands obèses du FBI. Ils trainent la patte et sont filmés ridiculement, de dos, en tenue de jogging, et presque invisibles derrière les gros sacs Quechua qu'ils trimballent avec eux. Quand elle ne fait pas mal aux yeux, la mise en scène est en mode pilote automatique. Redford aurait sans doute mieux fait de confier la tâche à quelqu'un d'autre, même si je ne vois personne, dans le cinéma américain du moment, capable de torcher un thriller correct à partir d'un tel script. Au bout du compte, Sous surveillance pourrait aisément être rattaché à cette petite vague de films commémoratifs rances qui sont produits depuis quelques années et nous foutent à chaque fois un petit peu mal à l'aise...


Sous surveillance de Robert Redford avec Robert Redford, Shia LaBeouf, Richard Jenkins, Susan Sarandon, Chris Cooper, Brendan Gleeson, Stanley Tucci, Terrence Howard, Brit Marling, Anna Kendrick, Nick Nolte, et Julie Christie (2013)

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