La panne d'imagination outre-Atlantique est telle que l'on en vient même à réaliser des remakes de téléfilms ! Don't Be Afraid Of The Dark est en effet le remake d'un téléfilm ABC sorti dans les années 70 et ayant acquis au fil du temps une certaine réputation auprès des mordus d'horreur, parmi lesquels Guillermo Del Toro, ici producteur et co-scénariste. Malgré cela, peu de gens ont vu ce téléfilm, alors sur un malentendu, cette nouvelle mouture pouvait passer pour une création originale. Mais y a t-il seulement quelque chose d'originale là-dedans ? Non, pas vraiment. L'histoire est des plus basiques : une petite fille emménage dans une immense baraque dont son tocard de père (Guy Pearce) et sa nouvelle petite amie (Katie Holmes) ont héritée ; très vite, la gamine découvre que les sous-sols de la maison sont hantés par des petites créatures belliqueuses, grisâtres et hideuses, qui n'ont peur que d'une seule chose, la lumière. Étant la seule à se rendre compte de la présence de ces bestioles, la gamine ne sera pas prise au sérieux par son entourage et devra trouver de l'aide auprès du vieux jardinier, un type un peu débile mais bien au courant du passé trouble de la maison et de son terrible secret...
Tout le suspense du film va donc être basé sur ces moments où l'on sera supposé redouter que la lumière s'éteigne, comme par exemple lors de ces scènes pénibles où la gosse s'endort tandis que les vilains gobelins font tout pour foutre en l'air sa lampe de chevet restée allumée, tirant sur le fil électrique de toutes leurs forces, alignés et bien coordonnés, un peu à la manière de cet idiot jeu breton dont le but est de pousser l'équipe adverse dans une grosse flaque de boue en tirant sur une corde. Sans doute appréciable quand on a 15 grammes d'alcool par litre de sang, ce jeu devient assez attristant lorsqu'on le voit simplement pratiqué par une bande de créatures dénué de charme et d'humour. Bien plus sympathique, cette scène où Guy Pearce, plus à la rue que jamais, croit bien faire en venant border sa gosse dans son sommeil, comme tout bon père de famille, et finit par éteindre la lumière en lui adressant un dernier regard amoureux, ne sachant pas qu'il la livre ainsi à ces salopards de nains rachitiques. Plus amusante encore, cette scène anormalement longue où la gamine supplie son imbécile de père de pouvoir pioncer la lumière allumée. Prétextant qu'il doit faire des économies d'électricité et que ses fins de mois sont "ric-rac", Guy Pearce ne veut rien entendre et appuie sur l'interrupteur avec autorité, l'index de la main droite bien ferme. S'ensuit alors ce que j'appellerai une "baston d'interrupteur" sans équivalent dans l'Histoire du cinéma. Dans l'embrasure de la porte de la chambre, Guy Pearce a le contrôle d'un interrupteur et éteint la lumière aussitôt que sa petite fille la rallume depuis son lit, auprès duquel un autre bouton est situé bien à sa portée. Malicieuse et se prenant rapidement au jeu, la gamine anticipe petit à petit les agissements de Guy Pearce et se met en place une véritable bataille psychologique intergénérationnelle. La fillette devance volontairement son paternel, lequel allume donc la lumière alors qu'il souhaitait l'éteindre ! Dépassé et à cran, Guy Pearce finit par abandonner et par tourner les talons, particulièrement fumasse. Les petites bestioles, qui s'amusaient beaucoup devant ce spectacle absurde et qui commençaient même à prendre les paris, se mettent alors, elles aussi, à tirer la tronche. Quant à moi, j'étais agréablement surpris d'enfin voir dans un film tout public une scène que j'ai jouée avec mon frère toute mon enfance !
Malheureusement, les scènes comiques comme celles-ci demeurent très rares quand ça n'est pas tout simplement moi qui les invente pour vous rendre cet article un brin plus agréable... Don't Be Afraid of the Dark est avant tout un triste film, qui ne fait hélas même pas partie de ceux que l'on peut regarder au second degré pour rigoler un peu et passer un bon moment entre amis. Un film qui accumule les scènes déjà vues mille fois ailleurs et qui échoue à peu près sur toute la ligne. Les acteurs ne viennent pas sauver la mise en scène inexistante du dénommé Troy Nixey, qui signait là son premier long métrage. Guy Pearce, visiblement très peu concerné par le film, livre sans doute la prestation la plus ridicule de sa carrière. Et puis quelle idée d'avoir embauché Katie Holmes pour jouer le rôle d'une femme adulte ? Cette actrice devrait être cantonnée aux teens movies, dans la peau de n'importe quel teens ! Elle a déjà un mal de chien à camper son propre rôle dans la vraie vie, celui d'ex-épouse de Tom Cruise et mère de ses enfants, elle n'est pas crédible une seconde, et elle réussit à l'être encore moins dans les quelques films de seconde zone que son mari tyrannique l'autorisait à tourner.
Le film est donc estampillé Guillermo Del Toro, c'est même lui qui a légèrement dépoussiéré le scénario original, faisant ça sans doute à la sauvette, entre deux tacos (il se nourrit essentiellement de tacos). On a donc droit à une petite fille brune mignonne dans le premier rôle, à une affiche un peu plus soignée qu'à l'accoutumée, et... Quoi d'autre ? Rien. Ah si, on a aussi droit à un gros labyrinthe, planté là au beau milieu du jardin on ne sait pas trop pourquoi, et à des décors un peu surréalistes, qui participent au petit côté onirique très artificiel de l'ensemble. D'ordinaire chargé en références lovecraftiennes, c'est cette fois-ci d'Arthur Machen dont Del Toro semble s'être légèrement inspiré pour apposer sa patte personnelle au téléfilm de 1973, en faisant de ces créatures luminophobes des êtres ancestraux à moitié féériques. La mythologie qu'il a essayé de développer autour de ces bestioles est peut-être l'aspect le plus original du film, mais cela ne suffit pas pour que l'on s'y intéresse, car tout cela est fort mal amené. En outre, face à l'extrême platitude du spectacle proposé, on se demande parfois si on est bel et bien face à un film d'horreur, la seule scène potentiellement effrayante ayant déjà été dévoilée dans la bande-annonce, le reste n'étant qu'ennui. C'est bien simple : ce film m'a totalement coupé l'envie de découvrir un jour le téléfilm dont il s'est inspiré. Peut-être reconnaissons-nous ainsi les plus mauvais remakes...
Don't Be Afraid of the Dark de Troy Nixey avec Bailee Madison, Katie Holmes et Guy Pearce (2011)