Film avec date de péremption, et pour le coup ultra périmé. On vous propose aujourd'hui un regard décalé sur un film retardé, un film d'attardé en vert et rouge, un film qui a fait passer Mathieu Kassovitz pour un boloss, ne l'oublions jamais, lui qui a chipé le rôle au pied levé à Pierre Richard, qui avait encore un problème de chaussures dépareillées le jour du casting et qui ne s'est donc pas pointé. Ce film, on l'a tous bien aimé à sa sortie, il faut savoir faire preuve d'honnêteté. Si Twitter avait existé à l'époque le film se serait retrouvé en top tendance pendant trois mois, le Petit Journal de Yann Barthès aurait fait des micro-trottoirs sentant le trottoir pour donner l'avis de trois vieilles illuminées et de deux adolescentes trépanées sur le film tout en se foutant ouvertement de leurs gueules. Sauf qu'en fait si ce film sortait aujourd'hui il ne ferait pas 8 millions d'entrées mais seulement 80 000 (en comptant large), parce que c'est le film d'une époque, sorti pile au bon moment avec son portrait rétro d'un Montmartre bourré de bons sentiments et baigné par la musique rance, franchouillarde et déprimante à souhait de Yann Thiersen.Jeunet a eu le pif de faire sortir son manifeste jambon-beurre tout en accordéons juste après France 98, dans un éphémère pays black/blanc/beur de pacotille où tout était possible et qui aimait se regarder le nombril en faisant du reubeu de service l'épicier sympa, du black un absent de marque et des visages pâles de purs crevards fiers de connaitre par cœur la fine fleur de tous les dictons gaulois, car glanant via ce petit manuel du bon français parlé un ticket aller-retour gratos pour tirer une autiste blanche comme neige.
C'est l'ancêtre de la série Bref, le film des petits plaisirs (quoi de mieux dans la vie que faire des ricochets ? Jeunet répond "Que dalle !", lui qui a sans doute réalisé le film de chevet de la famille Delerm au grand complet), le film des petits riens, un catalogue d'anecdotes à la con, des "j'aime, j'aime pas" à n'en plus finir... Avec cette ribambelle de goûts et de dégoûts bien idiots et bien communs, Jeunet s'est assuré que tout le monde puisse s'identifier sans forcer, comme savent le faire les rédacteurs d'horoscopes, ou les administrateurs de ces "pages" facebook et les auteurs de ces tweets à la con que tout le monde "like", "retweet" et "+1" à qui mieux mieux, du genre : "J'aime l'odeur de la colle et de l'essence, et j'aime bien l'odeur du gazon fraîchement coupé, par contre je déteste mais alors je déteste l'odeur de la merde". Ca me rappelle mon tonton Scefo, qui m'a annoncé, tout fier, à propos de mon petit cousin de 3 ans : "Il est très propre fils, il supporte pas d'avoir le cul huileux". Ce qui m'a beaucoup surpris vu qu'en général moi j'adore ça. Putain tonton... Jeunet a aussi fait un fond de commerce des questions cons, et on en retient une, qui demande combien de couples sont en train de se dégommer en ce moment même à Paris, avec une galerie d'illustrations gentillettes de femmes en train de jouir sous les impacts de coups de feu de leurs époux ou amants. Bizarrement toutes sont bien traitées et heureuses, tout ceci se passe dans une atmosphère de félicité complète, alors qu'on sait trop bien que la plupart du temps ce n'est que ruines et désolation : on ne parle pas forcément de viols ou d'agressions, encore que, mais d'actes consentis et néanmoins voués à mettre à mal la survie du couple sur le long terme si un effort de réflexion est fait côté féminin lors de la phase post-coïtum, qui peut se révéler néfaste pour l'amour propre du sujet et pour celui voué au conjoint. Pourquoi ne voit-on pas au moins une femme penchée sur une table de salon en verre (pour permettre au caméraman filmant la scène des angles impossibles en contre-plongée et en apnée), le pied de son mec appuyé sur la nuque ? Certains mecs se laissent emporter par la passion et par tout ce porno à profusion sur le web, et alors le cerveau reptilien prend le pas sur toute inhibition et sur toute galanterie, et en pareilles circonstances si l'homme est un loup pour l'homme il en devient surtout un pour la femme.
Qui ne s'est pas amusé à reproduire cette autre anecdote du film où Tautou prend son nain de jardin en photo devant tous les monuments du monde grâce à des montages photoshop afin de bercer d'illusions son père sénile, mais en remplaçant le nain de jardin par son propre gland ? Honte à moi si je suis le seul à avoir envoyé ça à la fille que je convoitais à l'époque, mais j'avais douze ans, lâchez-moi. Un seul critique, Serge Kaganski, a su s'élever contre ce film à sa sortie, et pour de plutôt mauvaises raisons. Pourquoi ne pas avoir tout simplement mis en avant la médiocrité de la mise en scène, la minceur de l'histoire, l'iniquité des personnages, la présence de Dominique Pinon, l'usage des filtres, le sur-jeu des comédiens et ainsi de suite ? Le seul acteur qui s'en tire c'est Rufus, qui joue tout de même sous un pseudo. Ce film, c'était le summum de Jeunet, la concrétisation d'un style, la prolongation d'un court métrage réalisé à six ans, Foutaises (titre assez visionnaire), et contenant déjà tout Jeunet, dans lequel on voyait Dominique Pinon dire "j'aime ci et j'aime pas ça" pendant vingt-cinq minutes. Dans ce petit film prémonitoire, ressorti en bonus sur le dvd d'Amélie Poulain par un Jeunet plus opportuniste que jamais, et qui depuis ne cesse de répéter ses tics et ses tocs en espérant tirer le jackpot une seconde fois, Dominique Pinon se plaint notamment de la goutte d'eau qui remonte de la cuvette quand il la torpille d'un étron trop sec, le séant éclaboussé par sa propre merde. Jeunet faisait alors un gros plan sur le visage vineux de Dominique Pinard assis en tailleur sur les chiottes et grimaçant au moment de recevoir une vague énorme suite à un déchargement terrible en off... tout ça parce que le même Pinon adore aussi ouvrir lentement l'opercule du pot de nutella de 750 grammes spécial Noël en écoutant le chuintement que cela produit, et casser la croûte de la crème brûlée avec le dos de sa petite cuillère, ou encore s'enfoncer directement des flambys entiers dans le gosier. Tu m'étonnes qu'en bouffant les œufs avec la coquille pour le petit croustichoc sensas' que ça promet sur le palais ce mec-là chie des bombonnes de merde à défragmentation, de véritables mortiers de fèces qui lui inondent le dos.
Ce film c'est tout Jeunet. Caro avait alors foutu les voiles, disparu à tout jamais, planqué dans l'annuaire entre mille et une "caro(line)" anonymes. Jeunet a notamment voulu refaire son miracle, son bunker de la dernière rafale, amasser un second pactole avec Mic-Macs à tire-parigot : Dany Boon dans le rôle principal, et Omar Sy qui essayait déjà de sortir du SAV. Toujours ce sens du casting payant, à condition qu'il paye... Rappelons que sur le tournage d'Amélie Poulain Jeunet a su se brouiller avec Jamel Debbouze, l'ami de tous, l'homme le plus consensuel du PAF. Quand vous demandez des nouvelles de J-P Jeunet à Jamel il vous balance sa seule main valide dans la figure, puis la seconde aussi, mais en prenant de l'élan pour qu'elle tombe sur vous comme une vieille liane. Malheureusement pour Jeunet cet autre film tout vert et jaune bourré à craquer de petites idées rachitiques n'est pas tombé au bon moment, et a logiquement fait un four sans nom. Jean-Pierre Jeunet s'en est donc pris au téléchargement illégal, alors qu'aucun quidam n'a même eu l'idée de mettre son navet en partage. Il s'est adressé aux critiques auxquels il reprochait de ne faire que critiquer au lieu de mettre la main à la patte, bref il nous a sorti tous les fondamentaux de la langue de pute et de la gueule de bois, allant jusqu'à reprocher à la Fox de ne pas avoir correctement remasterisé le bluray de son Alien 4, qui n'est pourtant qu'une parodie de lui-même. Nous faisons partie des nombreux fans de la saga qui ont acheté le coffret de la tétralogie et qui ont utilisé les deux skeuds "bonus" et "film" de l'opus Jeunet pour en faire des répulsifs à corbeaux afin de protéger les cerisiers de nos parents. Ces épouvantails son et lumière sont d'une efficacité redoutable car les ornithorynques ne supportent pas les reflets verts et jaunâtres de ce film pisseux. Pied de nez à Hitchcock, expert en séduction, qui avait su faire un chef-d’œuvre de l'effroi avec des volatiles alors qu'on fout les j'tons à des oiseaux avec une horreur de film. Jean-Pierre Jeunet, sache que toute ta filmographie orne nos cerisiers, et tu en serais sans doute ravi, toi qui adores les anecdotes à la mords-moi-le-noeud, les gadgets à tiroirs, les histoires de petits riens, mais que dis-tu quand les petits riens en question sont tes films bectés par des piafs survoltés, grossis aux OGM par nos parents qui eux aussi deviennent fous à cause de tes films diffusés en imax dans leurs champs ?
Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet avec Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Jamel Debbouze, Rufus, Yolande Moreau, Armelle, Dominique Pinon, Isabelle Nanty (2001)