Nous laissons aujourd'hui les commandes à notre rédacteur free-lance Simon pour évoquer un film allemand récent trop peu remarqué, qu'il a vu pour nous et dont il a accepté de dire quelques mots :
La diffusion de ce film il y a un peu plus de deux semaines sur Arte lui a peut-être permis de sortir du regrettable anonymat qui a entouré sa distribution en salles en France, fin 2010, après une présentation cannoise prometteuse. L’histoire est assez simple : originaire d’Hambourg, la jeune Svenja (jolie Nicolette Krebitz) vient de s’installer à Francfort avec son mari Oliver, qui a trouvé un poste en or dans une banque d’affaires. Elle a du mal à se faire à cette nouvelle ville, s’ennuie un peu, recherche vaguement un emploi de galeriste d’art. Elle rencontre par hasard le patron d’Oliver, Roland, la cinquantaine, puissant financier cynique et profondément névrosé. Une liaison passionnelle commence. Pour se débarrasser d’Oliver, Roland le fait muter pour plusieurs mois dans la branche indonésienne de la banque.
La diffusion de ce film il y a un peu plus de deux semaines sur Arte lui a peut-être permis de sortir du regrettable anonymat qui a entouré sa distribution en salles en France, fin 2010, après une présentation cannoise prometteuse. L’histoire est assez simple : originaire d’Hambourg, la jeune Svenja (jolie Nicolette Krebitz) vient de s’installer à Francfort avec son mari Oliver, qui a trouvé un poste en or dans une banque d’affaires. Elle a du mal à se faire à cette nouvelle ville, s’ennuie un peu, recherche vaguement un emploi de galeriste d’art. Elle rencontre par hasard le patron d’Oliver, Roland, la cinquantaine, puissant financier cynique et profondément névrosé. Une liaison passionnelle commence. Pour se débarrasser d’Oliver, Roland le fait muter pour plusieurs mois dans la branche indonésienne de la banque.
Christoph Hochhäusler appartient à ce qu’on appelle depuis quelques années la nouvelle vague allemande, avec quelques autres dont Andreas Dresen (l’auteur du beau mais difficile Pour lui, sorti en début d’année dans un anonymat équivalent) ou Benjamin Heisenberg (le réalisateur du génial Le Braqueur, plus remarqué en 2011). Il a participé à un récent dossier sur le cinéma numérique dans les Cahiers du Cinéma, où il a signé un texte sur la post-production numérique et ses multiples possibilités, notamment en termes de recadrage de plans déjà tournés. Et c’est d’abord ce qui frappe à la vision du film : une extrême maîtrise du cadre, une méticulosité dans la composition dont on apprend dans les Cahiers que le réalisateur l’a poussée jusqu’en salle de montage et peut-être plus loin encore. Cette précision est d’autant plus frappante qu’elle utilise énormément l’architecture ultra-moderne du quartier d’affaires de Francfort, ses immeubles de verre gigantesques, ses lignes de fuite, ses alignements de fenêtres… On devine Hochhäusler très connaisseur de l’œuvre d’Hitchcock et peut-être même très influencé par les travaux de Saul Bass (on pense beaucoup au générique d’ouverture de North by Northwest pendant le film… sans parler de Vertigoà qui la première scène du film, où l’héroïne suit pendant quelques minutes une femme qui a le même chemisier qu’elle et semble la fasciner, semble rendre ouvertement hommage). A chaque instant les personnages s’inscrivent dans cette architecture, qui a quelque chose de très dur et traduit de façon assez belle la froideur des rapports humains, professionnels comme amoureux, qui habitent le film. Quelque chose de très cruel, d’impitoyable et de masqué.
Cette maîtrise est peut-être l’atout principal mais aussi la limite du film : tout ça est très impressionnant, Hochhäusler a beaucoup d’idées, qu’il traduit visuellement (et avec le son, élément très important du film) de façon brillante, mais l’émotion affleure rarement. C’est très probablement voulu, mais quand la rigidité de la forme s’accorde à ce point avec la dureté de ce qui est montré, c’est à la longue un peu inconfortable, c’est un peu trop. Pourtant de franchement belles idées émergent souvent : ces fameux recadrages en post-production évoqués plus haut, très furtifs, qui captent un détail, un geste, une main… dans ces moments-là quelque chose d’organique transpire enfin du film, comme des bouffées d’oxygène. Il y a aussi cette fin, cette toute dernière scène très troublante, que je ne veux pas vous dévoiler mais qui inscrit subitement le film dans une dimension onirique (déjà amorcée par ces scènes très étranges où Roland se fait conduire par son garde du corps dans des squats sordides où il paie des junkies pour les regarder se faire des shoots d’héroïne), et en même temps l’englobe in fine dans une sorte de monde extérieur hostile, belliqueux… une fin très mystérieuse et très belle.
Hochhäusler a très visiblement beaucoup de talent, mais il gagnerait peut-être à l’utiliser un peu différemment, à mettre un peu d’eau dans son schnaps. C’est d’autant plus dommage que cette histoire d’adultère est par ailleurs bien traitée, on croit à ces personnages, et les acteurs sont très bien (surtout Nicolette Krebitz, toute en feu sous la glace, avec son visage étrange, ni laid ni très beau, assez fascinant). Le film reste donc plutôt très bon, à découvrir, et son réalisateur à suivre.
Sous toi, la ville de Christoph Hochhäusler avec Robert Hunger-Buhler, Nicolette Krebitz et Mark Waschke (2010)