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Channel: Il a osé !
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Prisoners

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Ces dernières années, il fallait plutôt regarder du côté de la Corée du Sud pour dénicher des thrillers tendus, aux ambiances pesantes et malsaines, les Américains s'avérant bien incapables de rivaliser avec leurs concurrents asiatiques sur ce terrain-là. Ce manque évident explique peut-être en partie l'accueil dithyrambique réservé à Prisoners, largement présenté comme la plus grande réussite américaine en ce domaine depuis Seven, voire Le Silence des Agneaux. Zodiac et Mystic River sont les autres titres les plus souvent cités pour situer le film de Denis Villeneuve. Si cette filiation est plus ou moins justifiée et si Prisoners s'impose effectivement comme l'un des thrillers américains les plus efficaces sortis dernièrement, il ne s'agit pas pour autant d'une réussite entière et le film peut décevoir quand on attend un peu plus que 153 minutes de divertissement.




Alors il pleut beaucoup, certes, tout le temps même, comme dans Se7en. Emportés par leur malheur, les personnages agissent bêtement, guidés par leur ressentiment et leur amertume, comme dans Mystic River. On a bien du mal à dénicher le tueur, et on finit même par penser qu'on ne parviendra jamais à mettre la main dessus, comme dans Zodiac. Il y a une battue dans la forêt pour dénicher les gamines disparues, ce qui rappelle inévitablement La Règle du jeu. Et enfin, l'Amérique dépeinte par Denis Villeneuve semble surpeuplée de monstres, de détraqués, un peu comme dans Le Silence des Agneaux, dont la filiation est tout de même bien plus floue à nos yeux. On a d'ailleurs eu un mal de chien à en inventer une. Et on va arrêter là ce petit jeu des références parce que nous en avons nous-mêmes très très peu et ça commence à se pifer. Finalement la vraie bible de Denis Villeneuve c'est KidA, qui défile en intégralité dans Prisoners comme dans Incendies (film dont on a vu l'affiche !), son précédent film. Le réalisateur québécois ne jure en effet que par Radiohead, le groupe anglosaxon incontournable, celui qui réunit des gens aussi différents qu'Yvan Attal, David Fincher, Brad Pitt, Guillaume Canet, Alfonso Cuaron, Richard Linklater, Cédric Klapisch, Cameron Crowe et Smaïn. Au point qu'on se demande finalement si ces gens sont si différents... Quelle est la frontière entre Fincher et Smaïn ? Elle est maigre, ça c'est sûr, et Johnny Greenwood est assis dessus, avec une guibole osseuse qui pend de chaque côté. Pour la petite histoire, on aurait aperçu David Fincher, Smaïn, Ed Norton et Brad Pitt échanger quelques verres dans le carré VIP du dernier show privé de Radiohead à Milan (Italie). Aurons-nous droit à un biopic de Smaïn par le grand duc d'Hollywood, l'auteur de Fight Club ? La rumeur cavale depuis maintenant !




Puisque le paragraphe précédent sur les influences de Villeneuve est un semi-échec, concentrons-nous sur l’œuvre en tant que telle, pour dire d'emblée qu'en 2h33, on est en droit d'attendre des personnages plus étoffés, plus mémorables. Si les acteurs font tout leur possible pour leur donner de l'épaisseur, à commencer par un honnête Jake Gyllenhall, les personnages ont bien du mal à exister en dehors de leur fonction. Jake Gyllenhall est enquêteur, alors il enquête. Hugh Jackman est un papa brisé par la disparition de sa fille, alors il se met en colère et perd la raison. Ne parlons pas des mamans, Maria Bello est condamnée à rester au plummard en s'enfilant des cachetons. A propos de Maria Bello, saviez-vous qu'elle a récemment fait son caméo ? On pouvait deviner qu'elle était au moins des deux bords, bi-sexuée, en regardant attentivement les scènes trash dont regorge sa filmographie, à commencer par A History of Violence, dans la version longue recommandée par David Cronenberg, le cinéaste de la chair, des muqueuses et de tout ce qui chlingue. Qui a vu cette version uncensored, le devil's cut du film, n'a pas pu oublier ces scènes supplémentaires, ces bonus bonnards où Maria Bello, après s'être grimée en pom-pom girl de pacotille pour satisfaire les bas besoins de son macho de mari, plie ce dernier à ses propres désidératas en le déguisant en écolière et en le labourant dans les escaliers avec un ustensile qui a perdu son nom lors de ce tournage et qui n'en a pas retrouvé depuis. D'ailleurs, même pour les miséreux qui n'ont vu que le fameux 69, transformé en 96 dans la version x-rated, il suffisait de décoller le regard de ce putain d'artiste qu'est Aragorn pour mater le regard haineux, rêveur, ailleurs, de Mario Bella, pour le moins "not interested".




Comment revenir au film après ça ? Peut-être en disant que la fin retombe comme un soufflet. On aurait carrément préféré que le personnage tourne en rond encore longtemps, cherche le criminel toute sa vie, que le film dure, dure, dure, des heures, des jours, des semaines qui sait ? Mais qu'il ne s'arrête pas comme ça... Pas là-dessus. Le film semble chercher son souffle à la fin. C'est pas tous les jours qu'on mate un film qui ventile, qui cherche de l'air, qui tire des taffs dans le vide pour pas clamser sous nos yeux faute d'oxygène, tout bleu. On conseillera quand même peut-être ce film asphyxié à tous les jobastres qui se ruinent la vie devant les documentaires glauques de la TNT à base de criminels malades et de serial killers en folie, et qui ne zappent que pour atterrir sur les séries TV policières de TF1 ou de Canal+, Cold Case, Cold Squat, Portés disparus, l'instit, Les Experts, C'est pas Sorcier, Mentalist, Nip Tuck, True Blood, Médium, Lie to me, Profiler, 36 chiens des quais des orfèvres, La Planque, Narco, Trafico, La Garde-à-vue, Le Prisonnier, Crimes, Missions pas possibles, Affaires congelées, Dexter, JAG, La Crim', Central Nuit, Les Cordier Juges et keufs, Braquo, Esprits criminels, Body of bullet proof et consorts. Prisoners vous permettra de conjuguer votre passion pour le meurtre et ce grand écran que vous délaissez tant, même si c'est le genre de film dont on ressort en disant "Ouesh...", ou, pour les plus bavards : "Ouesh, ouesh, qu'est-ce qu'y se passe ?".


Prisoners de Denis Villeneuve avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal et Paul Dano (2013)

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