Chaque année, le même débat. Pourquoi ? Comment ? Où ? Quand ? La société actuelle a-t-elle vraiment besoin d'un classement supplémentaire ? On est chaque jour abreuvés de tops en tous genres, de tous poils, partout, qui nous disent tout sur tout et surtout rien. La télévision se repaît de ces classements vite consommables, avec l'imbuvable Yann Barthès en tête de file, qui nous dégueule continuellement des Top 4 de ceci, des Top 3 de cela, en arborant son air satisfait de crétin absolu. Et la toile, le web, répond à cela par une avalanche d'autres classements sans intérêt et plus ou moins drolatiques qui nous épuisent quotidiennement et nous écœurent même carrément : les dix animaux les plus cons, les dix connards les mieux payés du PAF, ou encore les dix lieux abandonnés les plus glauques, et ça commence à être vexant que la cuisine de notre ancien appartement commun ne soit jamais citée en prems, alors que, croyez-nous, y'a pas photo. On croule sous les best-of, la hiérarchisation permanente, les côtes de popularité et les listes de tout et n'importe quoi dont on nous saoule à ras-la-gueule. On est donc à deux doigts de passer notre chemin cette année, mais, pourtant, et parce que ce n'est qu'une fois par an, parce que la chose reste amusante et bon enfant, parce qu'elle nous permet aussi de remettre en avant des films qui nous tiennent à cœur et qui n'ont peut-être pas suffisamment été exposés (genre La Vie d'Adèle), nous n'y couperons pas. Voici donc, sans plus tarder, nos classements personnels, suivis, comme chaque année, du Top et du Flop des lecteurs/blogueurs, autrement dit de vos classements pour 2013.
LE TOP DE RÉMI
1. Michael Kohlhaas d'Arnaud Des Pallières
2. L'Inconnu du lac d'Alain Guiraudie
3. La Fille de nulle part de Jean-Claude Brisseau
4. La Vénus à la fourrure de Roman Polanski
5. Mud de Jeff Nichols
6. L'Image manquante de Rithy Panh
7. Gimme the Loot d'Adam Leon
8. A Touch of Sin de Jia Zhang-ke
9. La Fille du 14 juillet d'Antonin Peretjatko
10. The Immigrant de James Gray / La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche
La première place de mon classement annuel revient sans conteste à Michael Kohlhaas, pour mille raisons. Parce que c'est un film sublime, d'une maîtrise et d'une beauté sans équivalents pour moi cette année. Parce que c'est l'adaptation brillante et pourtant ô combien risquée d'un chef-d’œuvre de la littérature allemande. Parce qu'en conséquence un immense écrivain, Heinrich Von Kleist, qui mérite plus que jamais d'être relu à notre époque, est exhumé et honoré par l'un des plus grands cinéastes français vivants, de même qu'un héros mythique est soudain superbement incarné par un acteur hors du commun, Mads Mikkelsen, qui livre sans doute l'une des prestations d'acteurs les plus frappantes de ces derniers temps. Enfin, et pour ne pas trop m'étendre, ce film me semble important en ce qu'il est porteur d'une véritable intelligence morale. Nous avons me semble-t-il grand besoin, à l'heure actuelle, de films intelligents et moraux. Michael Kohlhaas est aujourd'hui le précieux antidote, esthétique et éthique, aux derniers films, entre autres, de Quentin Tarantino, qui aime, et ils sont nombreux dans son cas, à diffuser, dans des œuvres de plus en plus ratées, des idées nauséabondes et simplistes sur des questions aussi fondamentales que celles du droit et de la justice, notamment. Arnaud Des Pallières apporte un contrepoint salvateur à cette domination insolente de la bêtise crasse, de la jouissance primaire et de l'amoralité consommée, et rien que pour ça, Michael Kohlhaas est à mes yeux le film le plus important de 2013, en plus d'être une réussite sur tous les plans.
Je ne vais pas parler de tous les films de ce classement, qui sont pratiquement tous critiqués sur le blog. Je dirai juste que L'Inconnu du lac, autre film de genre français (un film d'horreur pour Guiraudie, un western pour Des Pallières), vient logiquement en second, qui quant à lui adapte les théories d'un autre grand écrivain, Georges Bataille, et questionne le désir et l'érotisme dans leur dimension mortifère, (auto)destructrice. Le film s'achève également sur un regard humain esseulé : Kohlhaas finit planté face à ses actes et ses convictions, comme Franck l'est face à ses élans et ses pulsions. Des Pallières et Guiraudie, dans des objets cinématographiques complexes et envoûtants, nous montrent des hommes ébranlés dans leurs certitudes, en proie au vide vertigineux des conséquences de leurs choix. Ce faisant, qu'ils en soient remerciés, ils nous ébranlent à notre tour et nous posent de gigantesques questions.
Pour finir, je constate la prédominance du cinéma français dans mes goûts, et j'ignore si le sus-nommé se porte bien, comme l'affirme le titre d'un documentaire sur le point de sortir, mais je suis convaincu qu'il est d'assez loin le plus passionnant depuis quelques années. Pour talonner les deux plutôt jeunes cinéastes français qui dominent mon Top, deux cinéastes plus vieux : Jean-Claude Brisseau et le désormais très français Roman Polanski, capables, comme en attestent leurs derniers films, de grandes choses avec pas grand chose, sinon de la sagacité et de l'envie.
LE TOP DE FÉLIX
1. La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche
4. Mudde Jeff Nichols
-. A Touch of Sin de Jia Zhang-Ke
5. L'Inconnu du Lac d'Alain Gui raidi
6. Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-Eda
7. Michael Kohlhaas d'Arnaud Des Pallières
8. Resolution de Justin Benson et Aaron Moorhead
-. Gimme the Loot d'Adam Leon
9. A Field in England de Ben Wheatley
10. Ma Vie avec Liberace de Steven Soderbergh
Mon top 2012 fut un véritable calvaire de cinéphage, un pur cauchemar de blogueur ciné. Quand j'essaie de me souvenir du mois de décembre 2012, les images qui me viennent en tête sont sous-titrées, accompagnées d'un insupportable charabia franco-allemand et barrées par deux envahissantes lignes noires horizontales. Pris de vitesse, j'avais pour ainsi dire accouché de mon top dans la douleur. A côté de ça, 2013 fut une véritable partie de plaisir ! Je suis facilement arrivé à 10, seuil minimal pour gagner une crédibilité, malgré, comme vous le voyez, de nombreux ex-aequo et un film qui occupe une place à part et sur lequel je ne reviendrai pas. A la 4ème place, pour signifier l'écart entre le film d'Abdellatif Kechiche et les autres, échoue Mud, vous savez aussi bien lire que moi. Autant vous dire tout de suite que je ne suis pas convaincu par mon classement. Il y a un film que j'ai préféré aux autres, je l'ai donc logiquement positionné tout en haut. Je précise en effet que cette liste est supposée se lire de haut en bas, les films étant classés par ordre décroissant de préférence (contrairement à celle de mon acolyte qui se lit, il me semble, de bas en haut). Mais exception faite du number one, on pourrait changer l'ordre, je ne m'en rendrais pas compte, je n'y verrais que du feu ! En vérité, seuls le premier et le dernier sont à leurs places. Steven Soderbergh m'a fait beaucoup de mal par le passé, réussissant parfois à remettre en question mon amour pour le medium cinéma. Je n'oublie pas (je ne l'oublie pas Steven). Son dernier film m'a très agréablement surpris et je voulais vous démontrer toute ma capacité à pardonner (ce que je considère personnellement comme une qualité) en le faisant apparaître dans mon top. Étant tout de même assez rancunier, je ne pouvais pas accorder une meilleure place à Soderbergh, qui est donc bon dernier, le cancre de mon top.
Le reste, c'est un véritable bric à brac où, comme toujours, j'ai cherché à me différencier très superficiellement en plaçant des films plutôt marginaux, que très peu auront pu voir. Je fais surtout allusion à Resolution et A Field in England (ce dernier a même chipé la place à YellowBrickRoad, petit film d'horreur encore plus obscur, fauché mais génial, datant de 2011 et sorti en dvd cette année - je vous en parlerai bientôt). Deux films inclassables et très originaux, deux bols d'air frais pour un amateur comme moi de cinéma de genre, deux œuvres prometteuses et atypiques qui sont tout simplement les plus surprenantes et étranges découvertes faites l'an passé.
L'ordre alphabétique n'est pas respecté, le top reflète mes préférences pour l'année cinématographique qui vient de s'écouler et pour laquelle je précise qu'il me reste encore des films à découvrir. Je n'ai pas pu tout voir.
LE TOP DES LECTEURS/BLOGUEURS
(par ordre de préférence)
LE FLOP DES LECTEURS/BLOGUEURS
(par ordre de répugnance)
(par ordre de préférence)
LE FLOP DES LECTEURS/BLOGUEURS
(par ordre de répugnance)
Nous souscrivons globalement à ces très beaux classements. Le premier, votre Top, sacre pour la deuxième année consécutive le jeune Jeff Nichols, déjà bien installé semble-t-il dans le cœur des cinéphiles, et nous en sommes ravis. Le second, votre Flop, à 100% ricain (disons 99% pour Park Chan-Wook, expatrié) atteste plus que jamais de l'éjection de Quentin Tarantino de son panthéon, enterrant celui qui n'était jamais tombé si bas et dont on a bien peur qu'il ne cesse de creuser.
On tient enfin à saluer et à remercier tous ceux qui nous ont soutenu pendant l'année. Parce que oui, nous avons parfois besoin de soutien, notre passion ne suffit pas toujours. Quand on écrit la critique d'un film tel qu'Elysium, que nous n'avons même pas vu (au moment de la rédaction, s'entend, nous l'avons regardé après, pour faire les choses sérieusement et dans l'ordre), il nous en faut, du courage, pour programmer un tweet par heure pendant trois jours afin de promouvoir l'article avec les maigres moyens à notre portée. Cela nous prend du temps et 140 caractères, c'est soit insuffisant, soit beaucoup trop, rarement pile poil. Plusieurs fois, dans l'année, nous avons mangé froid. Dans ces moments-là, votre soutien nous réconforte et nous réchauffe, si ce n'est notre assiette, au moins à l'intérieur. On vous remercie également d'avoir participé à ce modeste bilan annuel. Vous avez été nombreux. Pour vous donner une idée, sachez que vous étiez assez nombreux pour faire une belle partie de foot improvisée avec un banc particulièrement bien fourni, d'un côté comme de l'autre, collègues blogueurs et amis lecteurs. Parmi vous : Nicolas de Cinergie (un belge récupéré gratos au mercato) ; Gendar (une valeur sûre, toujours droit comme un piquet, fidèle au poste, un pilier, la colonne vertébrale de l'équipe, qui a véritablement la forme inquiétante d'un pylône inamovible) ; Olivier Père (entraîneur-joueur de prestige à l'accent teuton) ; Fredastair (décolle un peu les yeux de l'image qui illustre le top de Félix, veux-tu...) ; Nightswimmi ng (qui a récemment changé d'équipementier et affiche désormais une fière allure sur la pelouse après avoir fait grise mine toute la saison - quel caractère de cochon !) ; Le Cinéphobe (que nous avons perdu de vue, hélas, sans doute a-t-il tracé en Arabie Saoudite pour le pognon) ; Ca flim (qui nous a quittés sur un bras d'honneur sans élégance, on retient...) ; Une fameuse gorgée de poison (toujours pas avalé son article sur le film d'Abdel !) ; Nolan (jamais sur la feuille de match, uniquement à cause de son blaze, d'ailleurs son maillot n'est même pas floqué) ; C'est entendu (ça c'est simplement un vieux link qu'on place de temps en temps) ; Thibault (l'artiste aux cheveux d'or venu d'Ukraine) ; Christoblog (le Llacer de la blogosphère) ; TeddyDevisme (ce gars est une crème, il a participé et nous suit toujours malgré notre article sur Evil Dead, une crème !) ; Pausanias (loin des yeux, près du cœur) ; FredMJG (une incompatibilité manifeste entre son service de messagerie mèl et le nôtre nous a encore une fois privé de son top) ; Josette K. (notre plus fidèle allié !) ; Hamsterjovial (débarqué à l'intersaison mais déjà sur tous les ballons) ; Dr Orlof (le médecin de l'équipe) ; Pierre Morin (toujours la bonne humeur, toujours le sourire, comprend-il tout ce dont on parle ?...) ; Sylvain Métafiot (quel nom de star du ballon rond, ça claque, bon sang !) ; Guillaume A. (droite, à droite, sur ta droite, merde ! et toi tu pars à gauche, les yeux rivés sur tes propres godasses !) ; Balloonatic (gonflé à bloc, qui devrait parfois laisser pisser... conseil amical, la gastrite annonce généralement un mauvais ulcère, mec) ; Gols (opérant bien que privé de sa doublette magique) et tous les autres !
Merci encore à tous et à très bientôt pour de nouvelles aventures cinéphiliques !
Merci encore à tous et à très bientôt pour de nouvelles aventures cinéphiliques !