On en ressort pas mal amer, même si ce jeu de mots sent l'amer-de. La belle affiche du film donne envie d'y jeter un œil curieux, c'est vrai. Les japonais disent que ce qui compte le plus dans un cadeau, c'est l'emballage. Mais dans le cas de Hélène Cattet et Bruno Forzani, les réalisateurs de ce film, il s'agit plutôt d'empaqueter un gigantesque estron débordant de fatuité et de maniérisme dans le plus beau papier qui soit avant de le déposer sur le paillasson de notre cinéphilie, d'y foutre le feu et de sonner à notre porte pour qu'on s'en foute plein les Kickers (ou plein les Zign, selon le goût vestimentaire de chacun, selon l'équipementier qui sponsorise vos guenilles). Ce film franco-belge, sorti en 2010 et très vite remarqué à Montréal, Malaga, Gérardmer, bref, dans quelques festivals de cinéma de genre, a quand même fini 19ème dans le Top 20 établi par Quentin Tarantino cette année-là, et c'est sa plus haute distinction, bien qu'à nos yeux elle ne vaille pas tripette, tout au contraire...
Chacun de ces photogrammes résume le film dont il est tiré, mais l'un d'eux n'est pas tiré d'Amer et n'a donc rien à foutre là. Si vous ne trouvez pas, cliquez sur l'image centrale...
Amer a tout pour taper dans l'oeil d'un public cible dont Tarantino est finalement un porte-drapeau potentiel. Dès le générique, tout en splitscreen et boosté par le rythme infernal d'un cantique hideux mixant les Goblin d'Argento (avec ces sons stridents qui leur sont propres) à la basse ronronnante des bandes originales de John Carpenter, le tout sous la forme d'un jet d'urine sonore qui nous traverse les oreilles sans discontinuer et sans laisser la moindre trace (c'est tout de même fort), le couple de réalisateurs nous assure que le soin maniaco-dépressif porté au "style" parfaitement superficiel et ultra-référentiel de leur film ne se limitera pas à l'affiche. On tient là l'essence même de leur art. C'est un cinéma basé sur une lourdeur à toute épreuve, et dont les auteurs récitent, en bons cancres, leur catalogue du mauvais goût devenu bon. On a l'impression de voir le premier film de gens fraîchement sortis de leur école de cinéma, gonflés à bloc par un prof fana des giallos qui leur a répété qu'ils avaient une patte et qui a validé à lui seul tous leurs semestres compensés malgré de piètres capacités cognitives. On sent bien que Hélène Cattet et Bruno Forzani ont chiadé chaque effet visuel et sonore de leur film, et c'est déjà pas mal, mais on ne peut pas s'empêcher de trouver ça bien laid et surtout terriblement vain. On se croirait définitivement devant un essai de fin d'année diffusé dans l'amphi B de Paul Verlaine, caffi de fumeurs de oinjs et de "bloqueurs anars" paumés. Quitte à regarder un film rendant hommage aux giallos, autant voir le récent Berberian Sound Studio, loin d'être entièrement réussi mais autrement plus humble, plus louable et plus regardable surtout. Hier est sorti le nouveau film du duo, manifestement en larmes face à la mort cérébrale du maître Argento, il s'intitule L'étrange couleur des larmes de ton corps et semble exactement du même tonneau. Espérons le contraire.
Amer de Hélène Cattet et Bruno Forzani avec Cassandra Forêt, Charlotte Eugène-Guibbaud et Marie Bos (2010)