Fausse bonne idée. Bourrée de vraies mauvaises idées. Comme souvent chez De Bont, les intentions sont là, mais pour la première fois de sa carrière le ratage est complet. Première déconvenue : c'est exactement la même histoire que dans Speed, sauf que l'autocar est remplacé par un paquebot. Jan de Bont, qui n'avait jamais foutu les pieds sur un bateau et qui voyait dans ce projet l'occasion de faire sa première croisière aux frais de la princesse, avouera avoir surestimé la vitesse d'un tel engin. A trente nœuds (soit 55 km/h), le suspense a du mal à décoller, et la ceinture de sécurité prônée par le titre québécois s'avère plus encombrante qu'autre chose. Moins d'efficacité donc et pas vraiment de nouveautés puisqu'on retrouve un dingue des explosifs bien décidé à prendre en otage le gratin de la jet set américaine pour ramasser un petit paquet de fric susceptible de lui assurer des vieux jours pépères à l'ombre d'un palmier sec avec pour spectacle quotidien, non loin de là, l'épave aux œufs d'or échouée sur la plage.
Que nous vaut le coup de sang de ce malade, ici campé par un Willem Dafoe qui était alors dans le creux de la vague ? Notre bonhomme s'est fait virer d'une compagnie maritime et a décidé de se venger en détériorant le plus beau navire de ses ex-patrons, exactement comme Dennis Hopper dans le premier film. Mais comme cette suite répond à la règle du "bigger, louder, quoique pas faster", le gros méchant devait être encore plus taré qu'à l'origine, en tout cas devant la caméra (parce que dans la vie, aussi problématique soit l'individu Willem Dafoe, ça reste un enfant de chœur à côté de feu la toupie humaine nommée Dennis Hopper), d'où ce chapelet de scènes où le "vilain" se recouvre le corps de sangsues pour se libérer de quelque problème d’acné. Solution démesurée là où un peu de biactol suffirait. Et que dire de ces scènes coupées au montage où on devait se rendre compte que le jobard campé par Willem Dafoe souffrait également de la même maladie que Michael Fassbender dans Shame, mais c'est un autre propos...
Petite surprise quand même : un salop d'usurpateur a chipé la place de Keanu Reeves après le refus catégorique de ce dernier, trop occupé à dédicacer des culs et des poitrines (pas seulement féminines) en tant qu'élu tout de noir vêtu suite à son explosion dans Matrix. C'est Jason Patrick, que l'on confondra toujours avec Robert Patrick, qui le remplace au volant de Sandra Bullock. Boloss, sosie de Mathieu Valbuena, docile et moins regardant que la star bouddhiste désormais inatteignable tout droit venue d'Eurasie et nommée Reeves, le fameux Patrick, que Jan de Bont a appelé Patrick Jason durant tout le tournage, fait ni plus ni moins pitié dans ce film, il fait pleurer de pitié. C'était le début et la fin de sa carrière, une carrière "rapide", comme l'indique le titre de l'unique film qui la compose. Malléable et sûr des choix de son réalisateur, l'acteur débutant accepta d'apparaître à chaque scène dans une nouvelle tenue, plus ou moins marquée par la folie typiquement hollandaise du sieur De Bont, au mépris d'une continuité narrative mise à rude épreuve, et au mépris du bon goût accessoirement. Première scène : Patrick apparaît arcbouté sur sa moto et laisse apparaître ce qui à l'époque n'avait pas encore de nom et qu'aujourd'hui on nomme communément un "string". Voilà qui donne le ton ! Il enchaîne ensuite les cascades en pantacourt, les dérapages en tongs et chaussettes allemandes, et les roulés-boulés en kilt, laissant admirer une broussaille indigne d'un homo-sapiens-sapiens. Bref, Jan de Bont n'avait pas l'air décidé à faire de lui le Keanu Reeves des temps modernes, préférant manifestement en faire le gros mariole d'un flop gaiment consenti par son auteur.
Face à lui, Bullock, dont la carrière, à l'époque, n'a pas encore décollé au même titre que celle de Reeves, et qui a tout mis en œuvre pour flinguer à bout portant le petit charisme offert à son personnage dans le premier film. Elle campe ici l'idiote sympathique, la grosse otarie délurée, l'hystérique bien foutue de service qu'on a juste envie d'étouffer. Chacune de ses répliques semble échappée du cerveau d'un misanthrope machiste et misogyne bien décidé à faire passer son petit message craspec sur la place des femmes dans le monde à travers la bouche de l'un de ses plus beaux spécimens. La magie Bullock n'opère plus et se transforme en haine. Le charme bestial du couple que l'actrice formait avec Keanu Reeves est ici remplacé par un bal des maudits déprimant, une succession de disputes pour le moindre prétexte ridicule entre deux port-de-boucains, Patrick accusant notamment sa compagne d'avoir oublié d'embarquer son chargeur de gamegear à bord du bateau des vacances et ainsi de suite.
Conscient du naufrage et toujours très respectueux des directives qu'on lui donnait (dépasser la barre des cent millions de dollars de recette par jour d'exploitation), Jan de Bont espérait sauver les meubles par une dernière pirouette en intitulant le film : "Cruise control". Drôle de sous-titre qui cache simplement la volonté du cinéaste de nous faire croire qu'il s'était payé la star née un 4 juillet auréolée de son succès dans le Mission Impossible de Brian de Palma. Le piège a fonctionné sur certains spectateurs, qui ont scruté le générique de fin à la recherche de l'acteur nommé "Control", en vain. Cette malice du facétieux De Bont fait sourire aujourd'hui, même si on avait tous envie de le tuer après avoir découvert la suite fétide de notre film fétiche. Après tout ce temps on se dit qu'il a peut-être eu raison de passer l'intégralité du tournage allongé dans sa chaise longue sur le pont du bateau, en train de pulvériser son score à Tétris en enchaînant les oinjs entre trois tranches de Gouda. Il donnait quand même ses directives, en balançant ses mains de chaque côté de sa chaise, tournant sciemment le dos à l'équipe de tournage. Quand on voit les deux films à la suite on ne peut pas croire que le même homme les a tous les deux mis en boîte. On sent que quelqu'un lui a dit "fais Speed 2, s'il te plaît" et que De Bont, avec sa légendaire bonhommie, n'a pas su dire non. Certains diront que c'est à cela qu'on reconnaît les plus gros cons, de notre côté nous dirons simplement que c'est un homme de cœur qui, dans tout ce qu'il entreprend, quand le cœur n'y est pas, n'arrive à rien.
Conscient du naufrage et toujours très respectueux des directives qu'on lui donnait (dépasser la barre des cent millions de dollars de recette par jour d'exploitation), Jan de Bont espérait sauver les meubles par une dernière pirouette en intitulant le film : "Cruise control". Drôle de sous-titre qui cache simplement la volonté du cinéaste de nous faire croire qu'il s'était payé la star née un 4 juillet auréolée de son succès dans le Mission Impossible de Brian de Palma. Le piège a fonctionné sur certains spectateurs, qui ont scruté le générique de fin à la recherche de l'acteur nommé "Control", en vain. Cette malice du facétieux De Bont fait sourire aujourd'hui, même si on avait tous envie de le tuer après avoir découvert la suite fétide de notre film fétiche. Après tout ce temps on se dit qu'il a peut-être eu raison de passer l'intégralité du tournage allongé dans sa chaise longue sur le pont du bateau, en train de pulvériser son score à Tétris en enchaînant les oinjs entre trois tranches de Gouda. Il donnait quand même ses directives, en balançant ses mains de chaque côté de sa chaise, tournant sciemment le dos à l'équipe de tournage. Quand on voit les deux films à la suite on ne peut pas croire que le même homme les a tous les deux mis en boîte. On sent que quelqu'un lui a dit "fais Speed 2, s'il te plaît" et que De Bont, avec sa légendaire bonhommie, n'a pas su dire non. Certains diront que c'est à cela qu'on reconnaît les plus gros cons, de notre côté nous dirons simplement que c'est un homme de cœur qui, dans tout ce qu'il entreprend, quand le cœur n'y est pas, n'arrive à rien.
Speed 2 : Cruise Control de Jan de Bont avec Jason Patrick, Sandra Bullock et Willem Dafoe (1997)