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Channel: Il a osé !
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Pompéi

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Critique IRT (in real time) de Pompeii (prononcez « Pompé2i », comme «M2iB»). Critique IRT donc d’un film IRT. Oui car je l’ignorais mais Kiefer Sutherland joue dans ce film, et l’acteur réclame que tout ce qu’il tourne soit découpé en 24 épisodes d’une heure (dont 18 minutes de pub aux USA) et se déroule IRT. Paul W. S. Anderson, le réalisateur, n’a pas pu obtenir des studios de faire durer le film un jour, mais il a vite soulagé son acteur en obtenant de ses financiers que le récit s’étende grosso modo sur 24 heures de temps et que le film soit tourné de manière à donner l’impression au spectateur qu'il se déroule en temps réel. On a même droit, à intervalles réguliers, à la petite horloge jaune sur fond noir qui vient interrompre l’action pour décompter les secondes avec cet effet sonore aussi insupportable qu’inoubliable, imitant autant le tic-tact d’une bombe à retardement que les battements d’un cœur sous 700 bars de pression : skun-tcha, skoun-tcha ; skun-tcha, skoun-tcha, ad libitum.


"Mate un de mes films, Sátántangó par exemple, ça va te buter et j'aurai la paix fumier..."

Kiefer Sutherland incarne le grand méchant du film, à la tête d’une légion romaine qui, dans l’introduction, massacre un campement de rebelles celtes, une tribu d’adorateurs des chevaux et des cheveux, donc des écolos, donc des gentils. Un petit garçon est évidemment témoin de tout ça et voit, au ralenti, son père et sa mère se faire tuer. Il se réveille le lendemain du génocide (car il sera le dernier de sa lignée, c'est toujours plus terrible) sous un tas de cadavres et finit planté, les sourcils froncés, devant un bel arbre où les romains ont mis ses ancêtres à sécher comme des sauciflards humains. Séquence suivante, deux gros lards de romains à bouclettes en toges violettes, avec du laurier dans les oreilles et un grain de raisin au bout de chaque crayon, matent des combats de gladiateurs dans un semblant d’arène en plein cœur de Londinium. « J’en ai raaaaaaaaas le cul, déclare le plus laid des deux, de ces Thraces de merde, je veux du nouveau ! » Soit mais fallait pas jouer dans un péplum vérolé qui prend ses bases sur l’ouverture du script de Conan le barbare, qu’on croit revoir vingt ans après, remakée par des bras cassés dans une esthétique hideuse qui croit devoir s’inspirer du 300 de Zack Snyder, et surtout dans un sérieux pitoyable aux antipodes des excès ironiques et bravaches de John Milius, qui faisait tuer un chameau innocent à son Schwarzenneger d’un seul coup de poing idéalement placé pour mieux nous dérider, au lieu d’espérer, comme Paul W. S. Anderson, nous identifier à un énième idiot du village comme Hollywood nous en fournit tant ces derniers temps, j’ai nommé Kit Harington, surnommé tout au long du film "le Celte". Son entrée en scène, qui est aussi son entrée dans l’arène, pectoraux luisants toutes voiles au vent et barbe de trois jours finement taillée à la serpe, ainsi que les gros plans sur sa tronche de cake en train de hurler au ralenti en filant des coups d’épée dans ses dix adversaires balayés en deux temps trois mouvements, donnent le ton. Comment peut-on encore tourner des conneries pareilles ?


Ce type-là, marchand d'esclaves couard et perfide, qui soudoie un garde pour monter seul dans un bateau au moment de l'éruption, finit par recevoir une énorme boule de feu sur les anglaises.

Troisième séquence et le Celte, ce débile profond, prénommé Milo (non, pas comme Michael Caine dans Le Limier, plutôt comme un clebs de compagnie), manifestement réduit en esclavage, mené à l’aide d’une chaîne par un type désagréable qui grogne à chaque fois qu’il croit bon de tirer sur ladite chaîne, va soigner un cheval blessé (en fait lui rompre la nuque d’un coup sec pour abréger ses souffrances). Dame Cassia, jouée par une Emily Browning tout simplement effrayante, aime aussi beaucoup les chevaux (comme on le verra plus tard dans une belle scène avec son fidèle écuyer noir, Félix, qui sera la première victime du volcan ; on ne peut pas tout faire, être un valet noir de troisième zone dans un grand spectacle hollywoodien et espérer survivre à la première demi heure), descend de son carrosse et vient aider l’esclave celte à tenir le canasson pour qu’il puisse lui rompre l’anévrisme sans difficulté, tombant aussitôt amoureuse de ce bellâtre au grand cœur et aux gros muscles. Après une bagarre de chambrée entre notre Celte et un Thrace très costaud (pas jouasse depuis que son nouveau coloc a tué son frère, prénommé Female, dans un combat de cage), Milo fait la rencontre d’Atticus (non, pas comme Gregory Peck dans To Kill a mockingbird, plutôt comme un esclave noir). Atticus est un gigantesque esclave, noir. Scarifié, les yeux écarquillés dès qu'il cause et la voix sortie en ligne droite des tréfonds de son propre slip (alors qu’il n’en porte pas), notre gladiateur émérite est interprété par Adewale Akinnuoye-Agbaje (qui non content d’avoir un nom compte putain de triple au Scrabble, joue la comédie comme quand on a quatre ans et demi et qu’on fait semblant d’être méchant, et donc toujours très énervé, dents serrées et grimace merdique à la clé). Et pendant ce temps le volcan commence à se réveiller en douceur.


Je me demande si un seul type dans l'histoire de l'humanité a déjà parlé en faisant cette moue, même un type vraiment furax.

Chaque réplique qu’échangent Milo et Atticus est un délice d’innovation. « Ne t’inquiète pas le Celte, si je voulais te tuer, je l’aurais déjà fait ». Bien envoyé. Dans les dents. D’ailleurs tous ces gens ont des dents parfaites, d’une blancheur éclatante, divinement alignées, fou pour des esclaves et pour l’époque non ? En même temps les deux créature féminines du film sont donc Emily Browning et Carrie-Anne Moss, deux êtres de sexe féminin dont le morphotype me semblait pourtant assez clairement estampillé XXIème siècle. A quand Jennifer Aniston en Marie-Antoinette ? Ou Nicole Kidman, avec sa vieille tronche entièrement fondue et remoulée, dans la peau de Grace Kelly ? Mais revenons à nos deux gros cons. Voilà que débarque une scène de baston très longue dans l’arène, mais qui n’est qu’un entraînement, une répétition générale avant le combat du lendemain devant un public en délire. Ou comment faire deux scènes avec une seule histoire de remplir, d’en donner pour son argent au spectateur mâle en sueur venu en prendre plein la vue, et de ne pas montrer quand même qu’une foule de citadins cramés par la lave, car au fond c’est juste ça Pompéi. Bel échange ensuite, de retour dans la geôle : « Je peux te faire une promesse. Quand tu mourras, le souffle viendra de devant, et il viendra de ma main ». Réponse de Milo à son adversaire du lendemain : « Je peux te faire une promesse aussi, quand tu mourras, ta mort sera rapide, et elle viendra de ma main ». Échange de regards entendus et fondu au noir (au sens technique du terme, pas au sens d'un fondu sur Adewale Akinnuoye-Agbaje).


J'ignore qui fait le plus peine à voir.

Retour de Kiefer Sutherland, toujours aussi bon comédien, qui a bien fait de signer pour une 9ème saison de 24étant donné l’odeur fétide qui se dégage de sa filmographie en décomposition depuis une bonne quinzaine d’années. Il prend ici un accent pointu qui, couplé à sa voix rauque, lui donne un air con de première qualité. Mais on sent que son personnage ne sera pas très fouillé, tandis que du côté des gladiateurs trépanés ça discute sec en taule : « Ton bras gauche est plus faible que le droit » lance Atticus dans un éclair de génie. « Sans déc’ » répond l’autre. Après quoi on a droit à la minute clins d’œil appuyés à mes films préférés dont les dvds sont affichés sur trépieds dans mon entrée de Paul W.S. Anderson. C’est d’abord le gladiateur noir qui lâche « Why so serious ? », réplique fétiche du Joker de Nolan, puis la servante, noire elle aussi, d’Emily Browning, qui parle du héros à sa maîtresse en l’appelant « l’homme qui murmurait à l’oreille des chevals » (sic.). Fin de la minute clins d’œil de dingues, travaillée au cordeau, puisque nous découvrons désormais que Kiefer Sutherland, aka le sénateur Corpus, probablement menacé par un attentat terroriste, comme tout sénateur dans un film impliquant Kiefer Sutherland, veut épouser Dame Cassia, évidemment éprise quant à elle de Milo, l’esclave celte condamné aux fers. Et, dans ce remake misérable duGladiator de Ridley Scott, bientôt teinté de relents de l’ineffaçable 2012 de Roland Emmerich, on sent se profiler un combat à mort entre les deux queutards dans la ville en flammes, tel celui qui opposa Leonardo DiCaprio à Billy Zane sur le Twitanic englouti de James Cameron.


Le taulard enfermé depuis un brin trop longtemps.

Retour dans la cellule des deux gladiateurs et premier tremblement de terre, minime encore, mais suffisamment fort pour faire tomber un gode grossièrement taillé, et à visage humain, que notre ami Atticus avait érigé bien en évidence contre un mur de la pièce, sur une sorte d'autel, entouré de quelques chandelles comme autant d’invites à la relaxation. Kit Harington, qui vient de recevoir quinze coups de fouet pour avoir parlé non seulement à un cheval mais à Dame Cassia, et que son nouveau pote soulageait à l’instant de ses douleurs en lui épongeant gentiment le dos, fait une grimace inimitable en découvrant le pot aux roses. Malaise. Puis la conversation repart comme si de rien n’était quand Djimon Hounsoun, tout en ramassant le godemichet pour le remettre à sa place, et sans épargner à son collègue de zonzon un regard ô combien déplacé, raconte à son frère ennemi que Rome lui a pris toute sa famille et qu’il les rejoindra tôt ou tard dans le royaume de Zeus. S’ensuivent d’interminables scènes de combat, si longues qu’il ne reste bientôt plus que 35 minutes (sur 1h45) au Vésuve pour rétamer Pompéi. Ou un peu moins, puisqu’en voyant un énorme champignon de fumée et de cendre sortir du cul du volcan, et alors que le sol se dérobe sous ses pieds, Milo n’a qu’une idée en tronche, continuer à cogner sur le bras droit du grand méchant (sur le serviteur du sénateur si vous préférez, il ne cogne pas littéralement sur le membre supérieur droit de Kiefer Sutherland), qui jadis tua son papa.


Le fameux gode en glaise d'Atticus.

Je vous passe la fin en real time mais en accéléré : le volcan casse l’ambiance et le champion de Pompéi et des zonards sauve la belle Cassia de la prison où le sénateur l’avait cloîtrée (ils auront quand même le temps de regarder la servante noire tomber dans un éboulement). Quant à Atticus, il aperçoit une mère séparée de sa fille dans la foule et sauve l’enfant du tsunami qui s’abat sur la ville, en bon samaritain qu’il est, nous donnant droit au fameux regard terrifié par-dessus l’épaule de l’acteur noir qui va bientôt crever (pour lequel tout cinéaste doit payer des royaltiesà Roland Emmerich). Millième jabar dans l’arène, sous les projections du volcan, où le héros crie le nom du méchant qui se tient à cinq mètres de lui, où ledit méchant se barre pour échapper aux éruptions du volcan en promettant à ses centurions très cons 100 dinars s’ils tuent son ennemi juré quitte à y passer aussi, et où le bon copain noir se sacrifie enfin pour le héros, tout en tuant le bras droit très costaud mais muet (ou juste très bête) du sénateur. Combat terminal du gentil contre le méchant, puis baiser final du couple héroïque qui préfère sauver un cheval que se sauver lui-même (un peu comme si Jack et Rose, à la fin du blockbuster de Cameron, avaient préféré se geler les amandons en couple pour ne pas faire couler l'armoire) et qui finit très logiquement en cendres.


Quand Paul W. S. Anderson a textoté Roland Emmerich pour lui demander s'il pouvait utiliser son plan-signature, Emmerich a répliqué : "Tu ferais mieux de pas signer le chèque si t'as pas le fric en caisse".

Il fallait bien Paul W. S. Anderson, véritable cas clinique, pour filmer le déclin d’une population assez conne elle-même pour aller s’installer au pied d’un immense volcan en activité. Le réalisateur de Mortal Kombat, d'Event Horizon, des trois (et bientôt quatre) Resident Evil et d’Alien W. S. Predator, est forcément un type pas totalement réfractaire à l’idée de recevoir des jets de pierre et autres torrents de boue. On raconte que, lors de quelques avant-premières électriques de ses précédents films, des gens auraient lancé des cigarettes incandescentes sur ses vêtements dans l’espoir qu’il prenne feu. Certains lui auraient même envoyé de véritables torches enflammées, objet pourtant pas évident à introduire discrètement dans un UGC. En tout cas, et ça ce n’est pas une rumeur, sur le tournage du film, Kiefer Sutherland, qui n’a pas non plus dix tonnes de scènes et qui les a toutes mises en boîte en une journée, a déclaré aux journalistes : « I'm federal agent Jack Bauer, and today is the longest day of my life ». Impossible de savoir s’il a dit ça par simple habitude ou si vraiment c’était pire que les pires 24 heures de la vie de merde de Jack Bauer.


Pompéi de Paul W. S. Anderson avec Kit Harington, Kiefer Sutherland, Emily Browning, Carrie-Anne Moss et Adewale Akinnuoye-Agbaje (2014)

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