Jusqu'à présent, il y avait pour moi une anomalie dans la filmographie de Christopher Nolan, cinéaste que je méprise cordialement. Je me souvenais avoir apprécié Le Prestige ! Soucieux de me l'expliquer, j'ai donc entrepris de le voir une nouvelle fois. J'ai alors pu constater que je m'étais simplement fait avoir. Le point de départ intriguant, hérité du roman de Christopher Priest dont le film est une adaptation, et l'emballage parfois séduisant, comme l'attestent certaines images sélectionnées pour illustrer cet article, m'avaient floué. Il y a en effet quelque chose d'assez plaisant et original dans cette histoire de rivalité entre deux magiciens, prêts à tout pour se dépasser l'un l'autre dans l'Angleterre du début du XXème siècle. La magie est rarement traitée ainsi au cinéma, de façon si frontale et terre-à-terre, elle est d'ailleurs rarement traitée tout court. L'élément de science-fiction est lui aussi plutôt aguichant, il est introduit par la mystérieuse machine à téléportation conçue par le scientifique Nikola Tesla (incarné par un charismatique David Bowie) auquel fait appel l'un des magiciens. Enfin, Christopher Nolan dote son film d'une narration des plus alambiquées, malmenant la chronologie du récit afin de ménager les effets de surprise. On l'accepte d'abord sans trop de difficulté, pour le plaisir de se faire duper et comme pour respecter le "pacte" existant entre le réalisateur et le spectateur, le magicien et son public...
Hélas, la narration non-linéaire et imbriquée choisie par Nolan apparaît à la revoyure comme un procédé assez bancal, peut-être efficace pour nous égarer jusqu'aux révélations finales mais qui ne suffit pas à masquer le vrai problème : l'incapacité totale du réalisateur à nous faire vibrer pour ce qui aurait pu être un drame humain captivant, voire passionnant (celui raconté par le livre : cette haine héréditaire et irraisonnée entre deux hommes mesurés, sains d'esprit, qui font donc tout pour réprouver leur ressentiment mais qui se retrouvent emportés dans une inimitié aux conséquences surréalistes, dont ils seront les premières victimes). La subtilité de l'ouvrage de Christopher Priest est totalement bafouée par le cinéaste britannique. L'adaptation appauvrit considérablement un récit puissant et d'une vraie ampleur. On perd toute sa dimension fantastique et dramatique, pour n'en conserver qu'un squelette incomplet. Le basculement tardif et génial dans l'épouvante et le surnaturel, inventé par l'écrivain anglais, passe ainsi à la trappe. Les passages les plus cinégéniques du bouquin sont ignorés et, à vrai dire, cela n'étonne qu'à moitié quand on connaît l'imaginaire extrêmement limité de sieur Nolan. Le cinéaste et son frère, tous deux au scénario, donnent la très désagréable impression d'avoir seulement conservé ce qui les arrangeait, ce qui leur permettait de pondre une histoire au service de leur art de l'esbroufe et au retournement final grotesque mais forcément renversant.
Et quand ils s'éloignent de l’œuvre de Christopher Priest, les frères Nolan ont tout faux. Leur scénario se développe sur des bases bien trop fragiles pour que l'on se sente véritablement concerné par cette guéguerre entre magiciens. La rivalité des deux hommes naît ici d'un acte totalement incompréhensible, injustifié, Christopher Nolan ne sachant pas filmer l'invisible, le ressentiment et les motivations secrètes de ses protagonistes. Le mal que se donnent Christian Bale et Hugh Jackman ne suffit pas à donner un peu d'intensité à tout ça. Il faut dire que Wolverine est tout de même assez peu crédible en prestidigitateur du début du XXème siècle. On se demande bien pourquoi un tel personnage aurait besoin d'être bodybuildé, même si les demoiselles sauront certainement apprécier cette scène totalement gratuite où la star retire le haut pour nous dévoiler ses abdos d'enfer. Bien qu'il fasse visiblement de son mieux, Hugh Jackman démontre encore une fois qu'il est un acteur limité.
Scarlett Johansson est une autre erreur de casting, même si l'on se réjouit qu'elle soit réduite à un rôle d'accessoire, littéralement, puisqu'elle est l'assistante des deux magiciens. Ce rôle nécessitait une jeune femme souple et plutôt mince, capable de se contorsionner dans les boîtes à double-fond des magiciens. Soyons un peu réaliste, que diable, l'assistante d'un illusionniste ne peut pas avoir le cul et la bouche de Scarlett Johansson, ça finirait forcément par coincer un jour ! Quant à Christian Bale, il est celui qui s'en tire le mieux, même s'il tutoie parfois le ridicule quand il doit se mettre en colère ou que Nolan l'oblige à déballer un long monologue explicatif assommant à la toute fin, une conclusion évidemment ponctuée par de lourdauds flashbacks eux aussi éclairants. Car twist il y a, et Nolan emploie les méthodes les plus faciles pour nous le faire comprendre. On repense alors au final pathétique de The Dark Knight Rises, quand notre Marion Cotillard nationale, au fond du trou, dévoile sa réelle identité à l'Homme Chauve-souris, sous les yeux d'un Bane dans le même état que les spectateurs : à l'agonie. Pas de doute, nous sommes bien devant un film de Christopher Nolan !
On peut aujourd'hui légitimement se demander si cette adaptation n'est pas survenue beaucoup trop tôt. Considérée comme une franche réussite par le plus grand nombre (je m'appuie tout bêtement sur les notes ahurissantes récoltées par le film sur des sites tels que IMDb, Vodkaster ou SensCritique), elle a très largement dépassé la modeste notoriété du roman. Un roman dont la réputation mériterait pourtant de dépasser le cercle des initiés et qui devrait être considéré comme un véritable classique de la littérature fantastique contemporaine. En parcourant ses pages, que l'on dévore avec délice, on pense plutôt aux belles images des Frankenstein de James Whale, aux productions de Val Lewton (notamment Le Récupérateur de cadavres) ou à certains films de la Hammer, avec lesquels le livre partage plus de thématiques et, surtout, une ambiance gothique à souhait qu'un médiocre cinéaste comme Christopher Nolan est bien incapable de retranscrire convenablement à l'écran.
Hélas, la narration non-linéaire et imbriquée choisie par Nolan apparaît à la revoyure comme un procédé assez bancal, peut-être efficace pour nous égarer jusqu'aux révélations finales mais qui ne suffit pas à masquer le vrai problème : l'incapacité totale du réalisateur à nous faire vibrer pour ce qui aurait pu être un drame humain captivant, voire passionnant (celui raconté par le livre : cette haine héréditaire et irraisonnée entre deux hommes mesurés, sains d'esprit, qui font donc tout pour réprouver leur ressentiment mais qui se retrouvent emportés dans une inimitié aux conséquences surréalistes, dont ils seront les premières victimes). La subtilité de l'ouvrage de Christopher Priest est totalement bafouée par le cinéaste britannique. L'adaptation appauvrit considérablement un récit puissant et d'une vraie ampleur. On perd toute sa dimension fantastique et dramatique, pour n'en conserver qu'un squelette incomplet. Le basculement tardif et génial dans l'épouvante et le surnaturel, inventé par l'écrivain anglais, passe ainsi à la trappe. Les passages les plus cinégéniques du bouquin sont ignorés et, à vrai dire, cela n'étonne qu'à moitié quand on connaît l'imaginaire extrêmement limité de sieur Nolan. Le cinéaste et son frère, tous deux au scénario, donnent la très désagréable impression d'avoir seulement conservé ce qui les arrangeait, ce qui leur permettait de pondre une histoire au service de leur art de l'esbroufe et au retournement final grotesque mais forcément renversant.
Et quand ils s'éloignent de l’œuvre de Christopher Priest, les frères Nolan ont tout faux. Leur scénario se développe sur des bases bien trop fragiles pour que l'on se sente véritablement concerné par cette guéguerre entre magiciens. La rivalité des deux hommes naît ici d'un acte totalement incompréhensible, injustifié, Christopher Nolan ne sachant pas filmer l'invisible, le ressentiment et les motivations secrètes de ses protagonistes. Le mal que se donnent Christian Bale et Hugh Jackman ne suffit pas à donner un peu d'intensité à tout ça. Il faut dire que Wolverine est tout de même assez peu crédible en prestidigitateur du début du XXème siècle. On se demande bien pourquoi un tel personnage aurait besoin d'être bodybuildé, même si les demoiselles sauront certainement apprécier cette scène totalement gratuite où la star retire le haut pour nous dévoiler ses abdos d'enfer. Bien qu'il fasse visiblement de son mieux, Hugh Jackman démontre encore une fois qu'il est un acteur limité.
Scarlett Johansson est une autre erreur de casting, même si l'on se réjouit qu'elle soit réduite à un rôle d'accessoire, littéralement, puisqu'elle est l'assistante des deux magiciens. Ce rôle nécessitait une jeune femme souple et plutôt mince, capable de se contorsionner dans les boîtes à double-fond des magiciens. Soyons un peu réaliste, que diable, l'assistante d'un illusionniste ne peut pas avoir le cul et la bouche de Scarlett Johansson, ça finirait forcément par coincer un jour ! Quant à Christian Bale, il est celui qui s'en tire le mieux, même s'il tutoie parfois le ridicule quand il doit se mettre en colère ou que Nolan l'oblige à déballer un long monologue explicatif assommant à la toute fin, une conclusion évidemment ponctuée par de lourdauds flashbacks eux aussi éclairants. Car twist il y a, et Nolan emploie les méthodes les plus faciles pour nous le faire comprendre. On repense alors au final pathétique de The Dark Knight Rises, quand notre Marion Cotillard nationale, au fond du trou, dévoile sa réelle identité à l'Homme Chauve-souris, sous les yeux d'un Bane dans le même état que les spectateurs : à l'agonie. Pas de doute, nous sommes bien devant un film de Christopher Nolan !
On peut aujourd'hui légitimement se demander si cette adaptation n'est pas survenue beaucoup trop tôt. Considérée comme une franche réussite par le plus grand nombre (je m'appuie tout bêtement sur les notes ahurissantes récoltées par le film sur des sites tels que IMDb, Vodkaster ou SensCritique), elle a très largement dépassé la modeste notoriété du roman. Un roman dont la réputation mériterait pourtant de dépasser le cercle des initiés et qui devrait être considéré comme un véritable classique de la littérature fantastique contemporaine. En parcourant ses pages, que l'on dévore avec délice, on pense plutôt aux belles images des Frankenstein de James Whale, aux productions de Val Lewton (notamment Le Récupérateur de cadavres) ou à certains films de la Hammer, avec lesquels le livre partage plus de thématiques et, surtout, une ambiance gothique à souhait qu'un médiocre cinéaste comme Christopher Nolan est bien incapable de retranscrire convenablement à l'écran.
Le Prestige de Christopher Nolan avec Christian Bale, Hugh Jackman, Scarlett Johansson, Rebecca Hall, Michael Caine, David Bowie et Andy Serkis (2006)