Heath Ledger est mort en tournant L'Imaginarium du Docteur Parnassus. Je me contente de cette phrase scrupuleusement factuelle et je vous laisse faire les liens que bon vous semblera (mais qui s'imposent au bon sens). L'acteur est décédé avant d'avoir pu tourner toutes les scènes du film de Terry Gilliam, et fut remplacé au pied levé par ses amis Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell, tour à tour appelés à faire le déplacement par le réalisateur à chaque fois que le héros de son film devait passer dans un nouveau miroir vers un autre monde parallèle. Si Ledger n'a pas pu tourner toutes les scènes autant vous dire qu'il n'a pas non plus eu le temps de poser pour l'affiche, et on devine à sa petite taille et aux reebok portées avec un costume trois pièces que c'est Colin Farrell qui a prêté son corps à l'acteur mort, dont le visage a ensuite été collé là sous photoshop pour un résultat qui laisse à désirer mais qui n'égale pas, en termes d'atrocités, le contenu du film.
Le début, c'est très finement vu. Ça commence par le spectacle, dans une sorte de foire, du fameux docteur Parnassus, et personne n'y assiste, personne n'en a rien à battre. C'est une belle méta-analyse. Personne n'en a effectivement rien à foutre de L'Imaginarium du docteur Parnassus. A part moi qui ai maté cette daube à 23h01 un samedi, en maudissant le petit quart d'heure qui me séparait de l'émission hebdomadaire d'Alain Ruquier, l'épouvantail du PAF, cet empaffé, mon pote Ruquier. J'en rate pas une, de Ruquier. Je suis accro à la perruque peroxydée de Ruquier, je suis gaga de ses blagues en bois, de son vieux dentier et de ses mimiques affreuses, et ça fait de ma vie un suffisant merdier pour en prime m'envoyer, alors que personne ne m'y force, les élucubrations cafardeuses de Terry Gilliam, l'idole des réalisateurs français à la ramasse (Dupontel en tête).
Cette brillante méta-introduction du film nous présente donc le show du docteur Parnassus, qui n'amuse personne et encore moins ce dernier vu qu'il pionce assis en tailleur sur un tabouret au milieu de la scène. Après ce spectacle morbide, un mec complètement bourré monte sur l'estrade, balance tout le monde par terre et affirme vouloir "se faire" Parnassus. Il veut se "taper" le docteur Parmesan et le crie à la cantonade, bien décidé à, je cite, "s'enculer le doctor paillasson" (sic.). C'est son projet, il est là pour se "faire" Parnassus. Et je ne peux que me rallier à sa cause désespérée. Mais tout dérape avant que l'enculade n'ait lieu et le type entre dans un miroir pour se retrouver dans un monde parallèle prodigieusement laid, criard, usant, typiquement "décalé" et tragiquement déprimant, plein d'effets spéciaux piteux, de freaks poisseux (quid de Ron Perlman et du "mini-moi" d'Austin Powers, ce nain star en forme de verge), enfin bref de tous les éléments habituels et autres tocs sempiternels du fameux "univers Gilliam".
L'univers Gilliam fait mal aux yeux, et la vision de ce film peut réclamer plusieurs mois passés au fond du gouffre de Cabrespine avec un sac isotherme opaque enfoncé sur le crâne, pour réhabituer la rétine à la vie et aux choses belles en particulier.
Malgré les apparences, je termine cette critique heureux. J'ai écrit tout ça en croisant les doigts pour que Gilliam sorte une nouvelle marque d'engrais sur grand écran et me donne un beau prétexte pour poster cette critique un jour. La nouvelle livraison de lisier signée du maître est enfin venue. Du coup félicitez-moi, je crois que mon petit texte est à peu près lisible, pourtant quand on écrit les doigts croisés, AZERTYUIOP devient YTRUEIEZOPA.
L'Imaginarium du Docteur Parnassus de Terry Gilliam avec Heath Ledger (aka Jude Law, aka Johnny Depp, aka Colin Farrell), Christopher Plummer et Tom Waits (2009)
L'Imaginarium du Docteur Parnassus de Terry Gilliam avec Heath Ledger (aka Jude Law, aka Johnny Depp, aka Colin Farrell), Christopher Plummer et Tom Waits (2009)