Quantcast
Channel: Il a osé !
Viewing all articles
Browse latest Browse all 1071

Royal Affair

$
0
0
Danemark, fin du XVIIIème siècle. Caroline Mathilde, fraîchement débarquée d'Angleterre, devient l'épouse du roi Christian VII et, par conséquent, Reine de Danemark. Entre le roi et la reine, ce n'est pas l'amour fou. Le premier est mentalement instable et laisse s'épanouir une politique ultra conservatrice et rétrograde dictée par des nobles incompétents qui se servent de lui comme d'une simple marionnette. La seconde s'ennuie à mourir et se réfugie dans ses lectures : Rousseau, Voltaire, Montesquieu, elle s'imprègne ainsi des idées des Lumières. L'arrivée, à la cour du roi, du comte Struensee va bouleverser ce petit monde et avoir un impact décisif sur la vie politique du pays, voire du continent tout entier. Struensee devient le médecin personnel du roi, mais aussi son ami le plus proche et le plus influent. Il partage également les convictions de la reine et celle-ci aura tôt fait d'être séduite puisque le toubib a en outre la classe et les traits du grand Mads Mikkelsen.




Royal Affair est le film danois qui a raflé le plus de récompenses en 2012. Je redoutais une bestiole de foire terriblement académique et empesée, je m'en suis donc longtemps tenu éloigné avant de m'y risquer, poussé par la présence en tête d'affiche de l'acteur Mads Mikkelsen, que j'apprécie tout particulièrement (pour ses rôles dans Pusher 2, Lumières dansantes, The Door et Michael Kohlhaas, entre autres). J'ai été très agréablement surpris. Académique, le film l'est plutôt, mais il parvient tout de même à éviter les lourdeurs de la reconstitution d'époque et les raccourcis faciles qu'empruntent généralement ce genre de drames historiques. La mise en scène de Nikolaj Arcel surprend peu et offre de rares moments d'éclats mais ne commet aucune faute de goût et fait même quelques choix très judicieux (je pense notamment à ce final très sobre où l'on quitte très dignement et en silence le beau personnage de Struensee).




La plus grande réussite du cinéaste est de ne délaisser aucun des trois personnages ; ils sont tous, à parts égales, au cœur du film. On est heureux de pouvoir s'assurer progressivement que le roi n'est pas un cliché ambulant, son personnage existe bel et bien, et l'acteur qui l'incarne, justement récompensé au Festival de Berlin, n'y est certainement pas pour rien. Mikkel Følsgaard offre une prestation tout en nuance qui participe à éloigner définitivement son rôle de la caricature. L'évolution des rapports qu'entretient le trio, et tout particulièrement l'étrange d'amitié qui unit le roi à Struensee, est très adroitement dépeinte. On redoute toujours des réactions attendues, celles que l'on rencontre trop souvent dans les films hollywoodiens, et ce notamment quand le roi découvre le pot aux roses, mais les personnages ne s'insèrent jamais dans ces schémas archi rebattus et c'est donc tout particulièrement vrai en ce qui concerne Christian VII.




Mads Mikkelsen est une nouvelle fois parfait. Malgré sa tronche reconnaissable entre mille, le beau danois fait partie de ces trop rares acteurs qui parviennent à donner vie à chacun des personnages qu'ils interprètent. C'est encore le cas ici. Avec trois fois rien, son Struensee prend vie et gagne peu à peu une vraie ampleur. Il suffit également de quelques regards adressés à la reine pour que l'on comprenne l'attirance qu'il éprouve et pour que leur passion soit tout à fait crédible, vivante. Quant à la reine, elle est incarnée par la suédoise Alicia Vikander qui paraît idéalement choisie. Elle est assez charmante mais n'est pas non plus une beauté à l'allure tapageuse. On peut comprendre que le roi ne ressente aucune excitation pour elle et préfère passer ses nuits au bordel, car elle dégage quelque chose d'assez froid. Mais quand Struensee fond pour sa grâce discrète, on le pige totalement aussi, et le réalisateur Nikolaj Arcel parvient alors subtilement à nous rendre l'actrice plus attirante. On regrette cependant que le cinéaste ne s'épanche pas davantage sur les premiers émois de la reine et Struensee, car cela aurait sans doute donné plus de force à leur amour naissant.




On se plaît à suivre les magouilles du petit couple pour gagner de l'influence sur le roi afin d'appliquer, d'abord à travers lui, une politique libérale et humaniste, avant que Struensee prenne clairement les rênes du pouvoir et finisse par se mettre à dos toute la cour. Ce drame historique est limpide, fait avec soin et une réelle intelligence. Bien aidé par un trio d'acteurs irréprochables, Nikolaj Arcel réussit très adroitement à nous intéresser à un épisode décisif de l'histoire danoise qui eut des répercussions dans l'Europe entière. Le double aspect du film, la romance entre la reine et Struensee d'un côté, et l'intrigue historico-politique de l'autre, fonctionne donc parfaitement. Royal Affair est une modeste mais vraie réussite, qui a su me captiver d'un bout à l'autre.


Royal Affair de Nikolaj Arcel avec Mads Mikkelsen, Mikkel Følsgaard et Alicia Vikander (2012)

Viewing all articles
Browse latest Browse all 1071