Vingt-cinq après leur Palme d'Or reçue pour Padre Padroneà Cannes, les frères Taviani reviennent et remportent un Ours d'Or à Berlin avec César doit mourir. Ce film, qui montre la préparation d'une pièce de Shakespeare, Jules César, par une troupe de prisonniers pour la plupart condamnés à perpétuité dans le complexe de haute sécurité de Rebibbia, accumule les bons points. D'abord l'aspect documentaire, bien réel puisque ce sont de vrais prisonniers que nous observons, est largement et intelligemment atténué par le fait que toutes les scènes sont jouées : les acteurs sont doublement acteurs puisqu'ils incarnent non seulement les personnages de Shakespeare mais aussi les leurs, rejouant devant la caméra leur propre rôle dans une sorte de mise en abyme ou les prisonniers deviennent des acteurs permanents.
Les Taviani choisissent à bon escient de ne pas s'attarder sur les détenus en tant que tels, laissant même hors-champ la querelle de deux d'entre eux survenant en pleine répétition pour se concentrer sur l'implication des condamnés dans l'élaboration de la pièce, si bien que les prisonniers semblent passer pratiquement tout leur temps à jouer, y compris quand ils sont seuls dans leur cellule, pour devenir peu à peu Brutus, Cassius, César, Antoine et les autres protagonistes de la tragédie de Shakespeare, que leurs talents de comédiens et le noir et blanc dévolu au long flash-back des répétitions contribuent à faire naître sous nos yeux par une présence exacerbée de ces visages marqués et ultra-expressifs et de ces corps de gladiateurs antiques.
Ensuite, le film a la bonne idée de ne durer qu'une heure et quart, ce qui évite à l'entreprise de s'essouffler et nous soumet un condensé de Shakespeare d'une grande efficacité. Enfin, les éléments qui pourraient sembler les plus grossiers fonctionnent malgré tout (ces deux détenus qui malgré leur séparation physique jouent une scène ensemble, réunis par le montage et par un panoramique opéré depuis le couloir desservant les cellules qui balaye le champ d'une porte à l'autre - dépassement des réalités matérielles par un procédé cinématographique des plus simples qui n'est d'ailleurs pas sans évoquer Vous n'avez encore rien vu d'Alain Resnais), et les plus attendus sont pris à contre-pied par les vieux frères cinéastes (dans la dernière séquence du film, là où beaucoup de scénaristes auraient fait dire à Cosimo Rega, le détenu incarnant Cassius, que depuis qu'il connaît l'art ce dernier lui permet de s'évader, on l'entend dire que depuis qu'il le connaît sa cellule en est une plus que jamais). Au final on peut peut-être regretter que l’œuvre file droit sur ses rails, ne recèle rien de particulièrement saillant en restant coûte que coûte dans le contrôle et la maîtrise de son sujet comme de son esthétique, mais le film des Taviani reste d'une assez remarquable originalité dans le genre très balisé du "docu-fiction" et se démarque grâce entre autres à une mise en scène aussi simple que directe, au texte de Shakespeare et à la beauté des hommes qui le vivent plus qu'ils ne le disent.
César doit mourir de Paolo et Vittorio Taviani avec Salvatore Striano, Cosimo Rega, Giovanni Arcuri et Antonio Frasca (2012)
Les Taviani choisissent à bon escient de ne pas s'attarder sur les détenus en tant que tels, laissant même hors-champ la querelle de deux d'entre eux survenant en pleine répétition pour se concentrer sur l'implication des condamnés dans l'élaboration de la pièce, si bien que les prisonniers semblent passer pratiquement tout leur temps à jouer, y compris quand ils sont seuls dans leur cellule, pour devenir peu à peu Brutus, Cassius, César, Antoine et les autres protagonistes de la tragédie de Shakespeare, que leurs talents de comédiens et le noir et blanc dévolu au long flash-back des répétitions contribuent à faire naître sous nos yeux par une présence exacerbée de ces visages marqués et ultra-expressifs et de ces corps de gladiateurs antiques.
Ensuite, le film a la bonne idée de ne durer qu'une heure et quart, ce qui évite à l'entreprise de s'essouffler et nous soumet un condensé de Shakespeare d'une grande efficacité. Enfin, les éléments qui pourraient sembler les plus grossiers fonctionnent malgré tout (ces deux détenus qui malgré leur séparation physique jouent une scène ensemble, réunis par le montage et par un panoramique opéré depuis le couloir desservant les cellules qui balaye le champ d'une porte à l'autre - dépassement des réalités matérielles par un procédé cinématographique des plus simples qui n'est d'ailleurs pas sans évoquer Vous n'avez encore rien vu d'Alain Resnais), et les plus attendus sont pris à contre-pied par les vieux frères cinéastes (dans la dernière séquence du film, là où beaucoup de scénaristes auraient fait dire à Cosimo Rega, le détenu incarnant Cassius, que depuis qu'il connaît l'art ce dernier lui permet de s'évader, on l'entend dire que depuis qu'il le connaît sa cellule en est une plus que jamais). Au final on peut peut-être regretter que l’œuvre file droit sur ses rails, ne recèle rien de particulièrement saillant en restant coûte que coûte dans le contrôle et la maîtrise de son sujet comme de son esthétique, mais le film des Taviani reste d'une assez remarquable originalité dans le genre très balisé du "docu-fiction" et se démarque grâce entre autres à une mise en scène aussi simple que directe, au texte de Shakespeare et à la beauté des hommes qui le vivent plus qu'ils ne le disent.
César doit mourir de Paolo et Vittorio Taviani avec Salvatore Striano, Cosimo Rega, Giovanni Arcuri et Antonio Frasca (2012)