Même si j'essaierai de dévoiler le moins possible de l'intrigue particulièrement retors du nouvel opus de David Fincher, je conseille d'emblée de passer leur chemin à ceux qui comptent le voir bientôt et désirent se réserver un maximum de surprises. Pour ma part, j'ignorais totalement où le cinéaste allait me mener et c'était très bien comme ça, cela m'a permis de passer un chouette moment. Je savais simplement que Ben Affleck allait se retrouver dans la tourmente suite à la mystérieuse disparition de sa femme, incarnée par Rosamund Pike. C'est tout. Et c'est bien tout ce que nous dépeint tranquillement la première partie du film durant laquelle Ben Affleck, mari infidèle que toutes les preuves accablent, se retrouve progressivement pris dans l'étau. Une première partie prenant son temps, un peu longue, mais nécessaire pour nous faire mordre à l'hameçon avant que la mécanique perverse ne se mette en marche...
Je diviserai en effet ce long métrage (2h25 au compteur) en deux grandes parties, légèrement déséquilibrées mais bien distinctes : le début, autrement dit la première partie, assez courte mais qui paraît longue, puis tout le reste, c'est-à-dire la deuxième partie, nettement plus longue mais qui paraît courte, dont je situe le début, le commencement, à partir du moment où la disparue refait surface. C'est là que le film prend une nouvelle tournure, une autre dimension, que sa construction s'alambique, se disjoint, tout en restant parfaitement limpide et cohérent. Il y a pourtant bien un moment charnière délicat où David Fincher joue avec le feu et où j'ai failli perdre pied. Ce passage durant lequel Rosamund Pike, en voix off, nous éclaire considérablement le script et change radicalement notre perception des événements passés. C'est bien l'un des seuls moments où notre as de la caméra tombe un peu dans la facilité, à coups de monologues et de flashbacks explicatifs, procédés assez maladroits mais bien pratiques pour se dépêtrer d'une scénario tordu au possible.
Je diviserai en effet ce long métrage (2h25 au compteur) en deux grandes parties, légèrement déséquilibrées mais bien distinctes : le début, autrement dit la première partie, assez courte mais qui paraît longue, puis tout le reste, c'est-à-dire la deuxième partie, nettement plus longue mais qui paraît courte, dont je situe le début, le commencement, à partir du moment où la disparue refait surface. C'est là que le film prend une nouvelle tournure, une autre dimension, que sa construction s'alambique, se disjoint, tout en restant parfaitement limpide et cohérent. Il y a pourtant bien un moment charnière délicat où David Fincher joue avec le feu et où j'ai failli perdre pied. Ce passage durant lequel Rosamund Pike, en voix off, nous éclaire considérablement le script et change radicalement notre perception des événements passés. C'est bien l'un des seuls moments où notre as de la caméra tombe un peu dans la facilité, à coups de monologues et de flashbacks explicatifs, procédés assez maladroits mais bien pratiques pour se dépêtrer d'une scénario tordu au possible.
Gone Girl trouve ensuite son agréable rythme de croisière et réussit à surprendre très régulièrement, gardant toujours un léger temps d'avance sur nous. On se laisse ainsi manipuler et prendre au jeu avec un plaisir évident.Deux personnages évoluent alors en parallèle, l'un, en solitaire, lancé dans sa folie effrayante et entièrement calculée, l'autre, très entouré, guidé par sa volonté tenace et tout aussi réfléchie de se défendre coûte que coûte. Deux trajectoires qui parviennent à intéresser tout autant. On rigole même à l'occasion, surtout dans la dernière partie (car oui, on pourrait aussi scinder tout ça en trois, avec un ultime chapitre correspondant au retour au bercail de la disparue...), où le grotesque de la situation paraît totalement assumée. On nage alors en plein délire, comme lors de cette scène d'interrogatoire improvisé à l'hôpital, dominée par l'actrice fraîchement réapparue, intouchable, sur son nuage.
David Fincher s'amuse et nous avec lui. Il délaisse les effets de style outranciers et souvent agaçants de ses précédents films pour une mise en scène élégante et fluide, ne se lâchant que le temps d'une scène de meurtre particulièrement gore et graphique, bien de son cru, qui intervient dans ce qui pourrait être considéré comme une sous-partie au sein de la deuxième partie (dans le cadre de ma théorie des deux grandes parties uniques). Le générique d'ouverture, d'une sobriété et d'une simplicité rares pour un Fincher, annonce bien le style. La bande originale signée par l'habituel duo Trent Reznor et Atticus Ross ne gâche rien à la fête, elle contribue grandement à donner au film son atmosphère détachée de la réalité, aérienne, survolant des bulles déconnectées de notre monde, habitées par des égos improbables. Le savoir-faire de David Fincher permet de nous faire avaler un scénario compliqué, écrit par un malade complet sans doute très malheureux en ménage. Gone Girl trouve également son salut dans une ironie et un cynisme sous-jacents qui permettent d'accepter le comportement et le caractère tout à fait invraisemblables de personnages empêtrés dans leurs nombreuses contradictions, leur narcissisme sans limite et leur désir souverain de sauver les apparences, car il n'y a bien que ça qui compte désormais, les apparences.
Et quand je parle de personnages invraisemblables, je fais bien sûr surtout allusion à celui campé par la blonde Rosamund Pike qui entre directement au Panthéon des plus grandes timbrées jamais filmées. L'actrice, qui n'avait jusqu'alors pas prouvé grand chose et s'était le plus souvent contentée de promener sa beauté lisse et glacée devant la caméra, est vraiment remarquable dans ce rôle impossible qu'elle participe à teinter d'un humour mordant par ses expressions chafouines et son charme ambivalent. Un personnage qui risque de longtemps lui coller à la peau... Car s'il y a bien une image qui reste en mémoire, c'est celle de son regard indéchiffrable, à la fois doux, menaçant, fragile et supérieur. Troublant. Quant à l'inénarrable Ben Affleck, dont on pouvait légitimement se demander s'il était à même de porter un tel projet, l'inertie terrible qu'il dégage dans la première partie agace d'abord, avant de totalement faire sens avec son personnage de léger tocard, d'homme piégé, dépassé par les événements et, finalement, infantilisé, prisonnier, coincé. Flasque, nonchalant, indécis, atone, comme à son habitude, l'acteur, qui dit s'être inspiré du cas Michael Peterson, assure malgré tout, son jeu ne donne pas l'impression d'être très travaillé tant son aura naturel est parfaitement exploité. Ben Affleck apparaît idéalement choisi et trouve peut-être son plus grand rôle. Big up !
Sans rentrer dans une analyse approfondie du regard que porte notre ami Fincher sur l'amour, le mariage, les médias, ou que sais-je, sans resituer précisément le film dans sa filmographie pour mieux en souligner les nombreux liens et récurrences thématiques (je tiens tout de même à reconnaître que j'ai été sensible à la présence, en guise de clin d’œil réconciliateur, du fameux chat roux d'Alien, que le réalisateur avait injustement évincé de sa suite par pure insolence juvénile, provoquant la colère des fans), je dirai simplement que Gone Girl est un thriller haut de gamme, jubilatoire, maîtrisé et bien fichu, comme on en voit, hélas, trop rarement. Il s'agit sans doute du meilleur film de son auteur. A vrai dire, l'un des seuls qui m'ait pas foutu à cran !
Sans rentrer dans une analyse approfondie du regard que porte notre ami Fincher sur l'amour, le mariage, les médias, ou que sais-je, sans resituer précisément le film dans sa filmographie pour mieux en souligner les nombreux liens et récurrences thématiques (je tiens tout de même à reconnaître que j'ai été sensible à la présence, en guise de clin d’œil réconciliateur, du fameux chat roux d'Alien, que le réalisateur avait injustement évincé de sa suite par pure insolence juvénile, provoquant la colère des fans), je dirai simplement que Gone Girl est un thriller haut de gamme, jubilatoire, maîtrisé et bien fichu, comme on en voit, hélas, trop rarement. Il s'agit sans doute du meilleur film de son auteur. A vrai dire, l'un des seuls qui m'ait pas foutu à cran !
Gone Girl de David Fincher avec Ben Affleck, Rosamund Pike, Kim Dickens, Carrie Coon, Neil Patrick Harris, Tyler Perry et Patrick Fugit (2014)