Zero Theorem offre l’opportunité pas si fréquente de jeter un œil, curieux et malsain, sur le dernier geste libre d’un homme sur le point d’être interné en HDTT (Hospitalisation à la Demande d’un Tas de Tiers) dans un hôpital psy. Les gens se demandent souvent, à propos des fous : « C’était quoi son dernier acte avant de finir à l’ombre ? » Pour Terry Gilliam, la réponse sera donc : Zero Theorem. Gloubi boulga, méli-mélo, fourre-tout, Zero Theorem est un film totalement dépourvu de sens dans lequel on reconnait tous les films précédents de Gilliam, cinéaste en déroute mentale qui bégaye son cinéma. Tiens, Brazil par ci, The Fisher King par là, L’armée des douze singes ci-après et tous les autres ci-contre. Gilliam, bloqué sur 1984 depuis au moins 1984, nous déballe une énième dystrophie crasseuse. C’est un objet filmique d’une laideur à toute épreuve, comme le film de John Woo A toute épreuve, d'une laideur à toute épreuve, comme le film de John Woo.
Scénario monstrueux donc pour un film d’une hideur sans pareille, et ce ne sont pas les seuls symptômes de la folie douce de Gilliam, qui a aussi flashé comme un malade sur Mélanie Thierry, faisant de l’actrice un pur objet sexuel, et c’est aussi touchant que malaisant. Devant cela on repense à certains de ces tontons qui sont tombés amoureux d’une compagne que leur neveu a pu ramener par mégarde à la maison pour un week-end en famille, et qui, louchant sur la nouvelle venue, ont passé des plombes à répéter : « Elle est vrrrrrrraiment mignonne ta copine », prononçant « mignonne » en mimant deux obus avec les mains dans un geste sans équivoque. Gilliam est un peu comme ces tontons. Et pourtant, il est parvenu à dégoûter tous nos cousins de son cinéma, des fans de longue date, que ce seul film a suffi à ébranler dans toutes leurs certitudes, remettant en cause leur goût même du cinéma, écroulant leur cinéphilie, à la charpente certes bien branlante.
Christoph Waltz, en mode crâne d’œuf halluciné posé sur un corps de protagoniste du jeu Worms, joue un pur illuminé des familles, dépourvu de sourcils et impatient de pénétrer dans ses propres rêves délurés (autant d’offenses caractérisées au bon goût), ce qui finira bien sûr par lui arriver, comme dans tout bon film de Gilliam qui se respecte. Les rêves de Gilliam n’ont pas beaucoup bougé depuis des lustres, devenant juste plus gerbants de film en film. On peut sans scrupule ne pas tenir une seconde et demi devant cette décharge. C’est bien légitime. On ne conçoit pas une once de respect pour l’homme qui a filmé ça et qui jouit encore, malgré tout, d’une forme d’admiration béate de la part de tout un public, y compris pour de telles insanités. Un public tout de même délesté de nos cousins, qui, tels les fans de Radiohead qui sont allés au terme de King of Limbs pour en avoir le cœur net, se sont infligés Zero Theorem jusqu’à la lie, pur chemin de croix, pour s’assurer d’avoir définitivement paumé la foi. Quelques fans de Terry Gilliam en moins sur sa page Facebook. Quelques uns de plus, bizarrement, sur celle de Mélanie Thierry.
Zero Theorem de Terry Gilliam avec Christoph Waltz, David Thewlis, Mélanie Thierry, Matt Damon et Tilda Swinton (2014)