Malgré une piètre introduction plantant très maladroitement le décor, j'ai longtemps trouvé le dernier film de Tim Burton plutôt sympa et, en tout cas, beaucoup moins affreux que je l'imaginais. Je me disais surtout qu'il s'agissait d'un très honnête divertissement pour enfants, capable de les amuser convenablement, sans trop les abrutir, avec quelques petites idées plaisantes ici ou là. J'étais en outre très agréablement surpris par le rythme du film qui, passée une petite mise en place trop rapidement expédiée, est globalement calme, tranquille, et non hystérique comme c'est actuellement la règle dans toutes les grosses machines américaines destinées au jeune public. Dark Shadows respire et nous laisse le temps de prendre nos marques dans son univers singulier : bien que l'action se déroule au début des années 70, le film s'inscrit très souvent en hommage à l'horreur gothique de la Hammer des années 50 et 60 (Christopher Lee fait d'ailleurs une apparition) ; les jeunes personnages du film, imprégnés de culture hippie, et sa BO, faite de chansons d'Alice Cooper, de Donovan, et des Stooges mêlées à la composition de l'inévitable Danny Elfman, viennent régulièrement nous rappeler ce décalage intéressant. Ce patchwork original participe au petit charme du film. Un plaisir communicatif, partagé par les acteurs et le metteur en scène, plus inspiré qu'à l'accoutumée, se dégage même de ce joyeux bordel. J'étais affalé sur mon canap' et je ne passais pas un mauvais moment, je dois vous l'avouer.
Je notais bien quelques grosses fautes de goût assez regrettables et difficilement compréhensibles dans un ensemble de plutôt bonne tenue, mais ça passait, et j'encaissais sans trop me plaindre. Je ne comprenais pas toutes les subtilités du scénario, un véritable foutoir sans nom qui vise vraisemblablement à synthétiser les 1225 épisodes de la série dont il est adapté, mais je faisais avec, peinard, et je ne me focalisais pas là-dessus. De justesse, le positif l'emportait donc, jusqu'à ce drôle de moment où, sans prévenir, Docteur Hoffman (Helena Bonham Carter) se met à pratiquer une fellation sauvage pour le plus grand plaisir du pâle zigouigoui de Bar-Tabac le vampire (Johnny Depp), dans une scène certes étonnante mais qui n'a rien à faire là. Le film s'enfonce encore davantage lors de cette scène lamentable où notre vampire à la libido décidément galopante se laisse aller et démonte carrément Angie-la-sorcière (Eva Green), dans un vacarme assourdissant doublé d'une chorégraphie misérable. Je n'ai rien contre quelques moments graveleux pour ce côté "décalé" si cher à Burton, mais ceux-là m'ont simplement rendu définitivement indigeste le vaste bordel qu'est ce film, et je me suis mis à le mépriser tout entier. Mes derniers espoirs se seraient de toute façon définitivement envolés lors de cette ultime demi-heure totalement insupportable où le décor s'embrase, explose, et où tout le monde se tombe dessus, se fout dedans, se transforme en monstre, s'affronte à coups de fusil à pompe et se bouffe le cou à tour de rôle dans un déluge d'effets spéciaux ridicules dont la laideur culmine quand la petite Chloë Grace Moretz devient loup-garou. J'ai donc fini par rendre les armes, assez dégoûté après avoir tenu aussi longtemps et rudement bataillé avec moi-même, armé des meilleures intentions du monde, pour voir le verre à moitié plein. J'ai finalement accordé la note de 3/10 à Dark Shadows et je ne le conseillerais même pas à mes petits neveux... Depuis, le délirant Frankenweenie est venu nous rassurer sur l'état de santé mentale du cinéaste.
Dark Shadows de Tim Burton avec Johnny Depp, Eva Green, Michelle Pfeiffer, Jackie Earle Haley, Chloë Grace Mortez, Bella Heathcote et Helena Bonham Carter (2012)