Cinéphile très attiré par les œuvres aussi cultes qu'obscures, je n'ai pourtant jamais regardé le cultissime western psychédélique d'Alejandro Jodorowsky, El Topo, le film le plus connu de son auteur. J'ai bien essayé, un beau soir, en compagnie de mon acolyte, mais nous nous étions endormis très vite avec, à notre réveil, la certitude que nous ne retenterions guère l'expérience de si tôt. Preuve en est, quelques années plus tard, nous ne l'avons toujours pas vu ! Mais l'envie existe et elle vient même d'être sacrément ragaillardie par la vision de ce documentaire consacré à l'un des plus fameux projets inachevés de l'Histoire du cinéma : la tentative d'adaptation de Dune par l'insaisissable Jodorowsky, un cinéaste dont ma connaissance se limite en réalité à l'étrange Santa Sangre, vu il y a des années et dont je garde un souvenir assez trouble.
Il est inutile de connaître la carrière de Jodorowsky ou d'aimer ses quelques films pour être pris d'affection pour l'individu qu'il semble être devant l'excellent documentaire réalisé par Frank Pavich. Ce dernier s'intéresse donc en détails au projet mené par le cinéaste d'origine chilienne au début des années 70, celui d'adapter l'un des livres les plus lus au monde pour en faire une sorte de film ultime, une expérience sensorielle et mystique dépassant le cinéma, recherchant à provoquer l'effet d'une drogue, et visant donc à provoquer de terribles hallucinations. Tout au long du documentaire, "Jodo" nous décrit longuement son projet faramineux, son rêve démesuré, des étoiles encore plein les yeux, l'esprit hyperactif, dévoilant à tout-va des anecdotes qui paraissent toutes fraîches, comme si tout cela lui était arrivé hier et, surtout, comme si tout avait réellement pu se concrétiser, comme si le film existait vraiment.
Jodorowsky en parle avec une passion terriblement communicative, celle-là même qui peut animer un cinéphile lambda quand il s'invente un film idéal à partir d'un scénario rêvé. Dune, cette adaptation incroyable de l'incontournable pavé signé Frank Herbert, Dune, ce film de science-fiction dépassant le 2001 de Kubrick par son ampleur, sa force et son ambition, Dune, ce chef-d’œuvre messianique dont on ne ressort pas indemne, Dune, ce classique absolu qui n'existe pas, Alejandro Jodorowsky le regarde quand il veut, il se le passe dans sa tête, il le connaît par cœur et nous le raconte avec la folie et l'enthousiasme de son créateur-spectateur halluciné.
Le documentaire nous dévoile progressivement la dream team que réussit à former Jodorowsky pour préparer son film : Dan O'Bannon, pour les effets spéciaux car ceux de Dark Star l'avaient séduit, H. R. Giger, engagé suite au refus de Douglas Trumbull et dont les travaux seront réutilisés pour Alien des années plus tard, Moebius, qui concevra un story-board très détaillé et présenté comme une œuvre à part entière, les Pink Floyd, qui acceptèrent de signer la musique parce que Roger Waters était un fan d'El Topo, et enfin Salvador Dalí, embauché pour un salaire astronomique qui aurait fait de lui l'acteur le mieux payé au monde... Suivre rétrospectivement la constitution de cette fine équipe a quelque chose de très plaisant.
Jodorowsky et les autres intervenants, parmi lesquels le producteur Michel Seydoux, Nicolas Winding Refn, Amanda Lear et Gary Kurtz, retracent ainsi l'histoire de ce film manqué, et essaient finalement d'expliquer les raisons de son échec. Le documentaire en fait peut-être un peu trop quand il insiste, lors de sa dernière partie, sur l'influence forcément immense qu'eurent les préparatifs de Dune sur quelques grands classiques sortis par la suite et ayant vraisemblablement puisé dans le story-board et beaucoup d'autres éléments visuels créés pour le film. Mais on s'en fiche, l'essentiel n'est pas là. On a tôt fait de se rendre compte que Dune n'est pas vraiment le sujet central du documentaire mais qu'il s'agit en fait de Jodorowsky lui-même.
Jodorowsky's Dune est avant tout le portrait en creux d'un artiste fou mais diablement attachant. Frank Pavich se plaît à nous montrer ce vieux poète illuminé être interrompu dans ses monologues enflammés par son chat siamois, accueilli amoureusement sur ses genoux. Il porte sur cet homme encore obnubilé par ses rêves et ses idées sans limite un regard rempli d'une affection hautement transmissible. On sort de ce documentaire sans ressentir l'amertume d'être passé à côté de ce qui aurait dû être une date dans l'Histoire du cinéma, mais avec ce plaisir simple que l'on peut ressentir après une très jolie rencontre. Ce docu passionnant est à la fois le fascinant portrait d'un homme un peu allumé, artiste jusqu'au bout des ongles, et un très beau film sur le cinéma, dont on aimerait qu'il soit bien plus souvent si intimement rattaché au rêve.
Il est inutile de connaître la carrière de Jodorowsky ou d'aimer ses quelques films pour être pris d'affection pour l'individu qu'il semble être devant l'excellent documentaire réalisé par Frank Pavich. Ce dernier s'intéresse donc en détails au projet mené par le cinéaste d'origine chilienne au début des années 70, celui d'adapter l'un des livres les plus lus au monde pour en faire une sorte de film ultime, une expérience sensorielle et mystique dépassant le cinéma, recherchant à provoquer l'effet d'une drogue, et visant donc à provoquer de terribles hallucinations. Tout au long du documentaire, "Jodo" nous décrit longuement son projet faramineux, son rêve démesuré, des étoiles encore plein les yeux, l'esprit hyperactif, dévoilant à tout-va des anecdotes qui paraissent toutes fraîches, comme si tout cela lui était arrivé hier et, surtout, comme si tout avait réellement pu se concrétiser, comme si le film existait vraiment.
Jodorowsky en parle avec une passion terriblement communicative, celle-là même qui peut animer un cinéphile lambda quand il s'invente un film idéal à partir d'un scénario rêvé. Dune, cette adaptation incroyable de l'incontournable pavé signé Frank Herbert, Dune, ce film de science-fiction dépassant le 2001 de Kubrick par son ampleur, sa force et son ambition, Dune, ce chef-d’œuvre messianique dont on ne ressort pas indemne, Dune, ce classique absolu qui n'existe pas, Alejandro Jodorowsky le regarde quand il veut, il se le passe dans sa tête, il le connaît par cœur et nous le raconte avec la folie et l'enthousiasme de son créateur-spectateur halluciné.
Le documentaire nous dévoile progressivement la dream team que réussit à former Jodorowsky pour préparer son film : Dan O'Bannon, pour les effets spéciaux car ceux de Dark Star l'avaient séduit, H. R. Giger, engagé suite au refus de Douglas Trumbull et dont les travaux seront réutilisés pour Alien des années plus tard, Moebius, qui concevra un story-board très détaillé et présenté comme une œuvre à part entière, les Pink Floyd, qui acceptèrent de signer la musique parce que Roger Waters était un fan d'El Topo, et enfin Salvador Dalí, embauché pour un salaire astronomique qui aurait fait de lui l'acteur le mieux payé au monde... Suivre rétrospectivement la constitution de cette fine équipe a quelque chose de très plaisant.
Jodorowsky et les autres intervenants, parmi lesquels le producteur Michel Seydoux, Nicolas Winding Refn, Amanda Lear et Gary Kurtz, retracent ainsi l'histoire de ce film manqué, et essaient finalement d'expliquer les raisons de son échec. Le documentaire en fait peut-être un peu trop quand il insiste, lors de sa dernière partie, sur l'influence forcément immense qu'eurent les préparatifs de Dune sur quelques grands classiques sortis par la suite et ayant vraisemblablement puisé dans le story-board et beaucoup d'autres éléments visuels créés pour le film. Mais on s'en fiche, l'essentiel n'est pas là. On a tôt fait de se rendre compte que Dune n'est pas vraiment le sujet central du documentaire mais qu'il s'agit en fait de Jodorowsky lui-même.
Jodorowsky's Dune est avant tout le portrait en creux d'un artiste fou mais diablement attachant. Frank Pavich se plaît à nous montrer ce vieux poète illuminé être interrompu dans ses monologues enflammés par son chat siamois, accueilli amoureusement sur ses genoux. Il porte sur cet homme encore obnubilé par ses rêves et ses idées sans limite un regard rempli d'une affection hautement transmissible. On sort de ce documentaire sans ressentir l'amertume d'être passé à côté de ce qui aurait dû être une date dans l'Histoire du cinéma, mais avec ce plaisir simple que l'on peut ressentir après une très jolie rencontre. Ce docu passionnant est à la fois le fascinant portrait d'un homme un peu allumé, artiste jusqu'au bout des ongles, et un très beau film sur le cinéma, dont on aimerait qu'il soit bien plus souvent si intimement rattaché au rêve.
Jodorowsky's Dune de Frank Pavich avec Alejandro Jodorowsky, Brontis Jodorowsky, Chris Foss, Michel Seydoux, Nicolas Winding Refn, Devin Faraci, Christian Vander et Diane O'Bannon (2014)