Cette année, bonne limonade, l'Oscar du meilleur film a leaké avant son sacre et sa sortie officielle en salles. Qualité bluray. Merci à Yify. Sous-titres impec'. Ni trop longs, ni trop concis, qui permettent de bien se concentrer sur la mise en scène maraboutante du fou volant Alejandro Gonzalez Iñarritu. On peut dire (si vous connaissez le blog, vous le savez) qu'on ne l'aime pas, malgré beaucoup d'intérêt pour la péninsule ibérique, la paëlla, la civilisation maya, le Machu Picchu, les empañadas, sa sainteté Popocatépetl, le Quetzatcoatl, Fernando Pessoa, Pablo Ñeruda, Brazilia la ville-avion et les bruits de Recife. On a pourtant vu absolument tous les films du génie des favellas de Mexico (sauf Amours de chiennes, plus vieux fichier sur notre disque dur, preuve d'un nez creux, quand même, et d'un certain feeling, en prime).
21 grammes, Babel, depuis ses débuts Iñarritu alterne le moins bon et le moins bon, et Birdman ne déroge pas à la règle. Sacrer ce film est une erreur historique de la part de l'Académie des Sciences et des Oscars, historique ! Comme chaque année. Ceux qui s'étaient indignés de voir Kevin Spacey recevoir l'Oscar du meilleur acteur au nez et à la barbe d'Haley Joel Osment (et pour quel résultat ? deux carrières brisées net...), ont encore de quoi chialer avec ce braquage organisé par un sylphe chicanos venu nous cracher toute sa prétention au visage dès les premières images. S'inspirant de Truffaut et de Cassavetes pour mieux tringler leurs fantômes, Iñarritu change de registre et veut définitivement s'installer dans le paysage du cinéma contemporain. Jusqu'à présent gens du voyage, le cinéaste à la réussite insolente semble avoir décidé de planter sa tente et de camper dans le salon d'Hollywood. Il s'achète une respectabilité avec Birdman. Sur le papelard, on a tous bavé : Michael Keaton dans un métafilm, incarnant un acteur sur le retour hanté par des succès passés (sommes-nous les seuls à avoir fait le rapprochement entre "Birdman" et "Batman" ? à ce jour nous ne l'avons lu nulle part. So obvious...). Le personnage de Michael Keaton essaie lui aussi de s'acheter une crédibilité dans le film, en montant une pièce de Raymond Carver à Broadway. Il s'entoure d'une galerie de personnages censés nous délivrer un message sur l'industrie du rêve, ce qui nous vaut un défilé d'acteurs qui nous imposent tour à tour leur ptit numéro : Edward Norton, Naomi Watts, Zach Galifianakis ou Emma Stone.
Emma Stone parlons-en. Voilà quelques années qu'elle est là. Souvent dans des films qu'on ne regarde pas. On aime bien les rousses. On n'a rien contre les taches de rousseur ni contre le teint diaphane. Les yeux globuleux ne nous répugnent pas spécialement. Mais Emma Stone est la preuve sur pattes qu'on peut tout à fait correspondre aux tags cochés pour aboutir à un résultat rageant. Invitez-nous dans une banque du sperme, proposez-nous deux supports pour remplir la mission, l'un est une photo de plain pied d'Emma Stone, l'autre un portrait A4 de Morgan Freeman : notre choix est fait. On préfèrera toujours partir de la base Morgan Freeman, quitte à ce que notre imagination doive franchir quelques haies. L'actrice a son moment de bravoure, soit une scène où elle hurle ses quatre vérités à son père, Michael Keaton, en tirant une tronche pas possible, à tel point que le spectateur inattentif croira qu'Iñarritu a tourné la scène en fish-eye. C'est juste l'actrice qui possède des fish eyes.
Un mot, au passage, sur la mise en scène d'Iñarritu. Tout le film se présente comme un seul et unique plan-séquence, qui se veut une mise à sac du spectateur éberlué, un tour de force admirable et monumental. On a repéré les coupes (là encore, sommes-nous les seuls cons à avoir ponctué l'avant-première au Grand Rex en hurlant toutes les cinq secondes : "Là ça a dû couper ! Là ça a dû couper !"). Ne jetons pas bébé avec l'eau du bain, Iñarritu a une petite idée sympa (on en compte toujours une dans la copie des purs cancres), celle de ménager des ellipses étonnantes comme autant de coutures temporelles improbables dans la supposée continuité de ses longs plans-séquences. Mais quitte à ne pas jeter bébé, on peut dire qu'il a globalement une sale tronche. Les mouvements de caméra incessants et tape-à-l’œil nous épuisent rapidement, d'autant qu'ils sont au service d'un discours très lourd et d'acteurs peut-être sympathiques mais qui en font somme toute des caisses. On a par exemple déjà hâte de réhabiliter Zach Galifianakis et Naomi Watts, même si on commence à perdre espoir pour la seconde. Quant à Norton, sa fameuse baston en slip ne fait pas le buzz par chez nous. Nous ne sommes pas dans ton délire Edward, pas plus que dans celui d'Iñarritu, qui était plus à l'aise dans ses baskets quand il bossait chez Taco Bell | Your Destination for Tacos and Burritos All Day.
Birdman d'Alejandro Gonzalez Innaritu avec Michael Keaton, Edward Norton, Naomi Watts, Emma Stone, Zach Galifianakis et Amy Ryan (2015)