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Channel: Il a osé !
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Big Eyes

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Vingt ans après Ed Wood, Tim Burton, à défaut de renouer avec la qualité, renoue avec le biopic. Il nous raconte l’histoire de Margaret Keane (Amy Adams), peintre soi-disant géniale dont toutes les toiles représentaient des enfants aux yeux globuleux hypertrophiés*. L'artiste américaine, après avoir subi en silence et des années durant la tyrannie de son mari, l’escroc Walter Keane (Christoph Waltz), qui s’appropria sans vergogne l’ensemble de l'œuvre picturale de sa femme pour en tirer reconnaissance et fortune**, partit s'installer à Hawaï où elle devint témoin de Jéhova. Difficile de dire qui des pourfendeurs ou des adorateurs de Tim Burton détesteront le plus Big Eyes… Il y a une chose qu’on ne peut pas reprocher au cinéaste, c’est d’avoir eu l’intention de se renouveler, de changer un peu de registre. 


Le génie dans un pur moment d'inspiration !

Malheureusement le changement n’aura pas consisté à réaliser enfin un bon film après en avoir mis en boîte de si mauvais depuis des années. Non Burton a plus simplement laissé au placard ses marionnettes favorites, les increvables Helena Bonham-Carter et Johnny Depp. Prenant par ailleurs conscience que tous ses films étaient tournés en studio et qu’ils étaient plutôt sombres,  il est allé dans la rue et a tourné sous un soleil de plomb (un vrai risque pour Burton, qui est un enfant de la lune - en plus d'être un enfant-huître, comme nous l’a révélé son autobiographie en 1997 - et qui n’avait pas vu la lumière du jour depuis le 25 août 1958). Allez savoir si c’est l’effet d’un coup de soleil de cinglé, mais Burton en a aussitôt perdu tous ses moyens, oubliant ce qui faisait le sel de ses films sur-assaisonnés : Big Eyes, dont le scénario, cousu de fil blanc et d’un rasoir prodigieux, n’a rien à envier à une mise en scène aux abonnés absents, comptera sans doute parmi les films les plus plats de l’année 2015, et domine sans conteste la filmographie burtonienne en termes de vide et de fadeur.


En voyant cette image, on peut s'imaginer que Christoph Waltz est drôle.

Contrairement à l’ennui du spectateur devant le film, la révolution du cinéma de Burton n’est pas totale, rassurez-vous. On reconnaît encore la vieille patte fatiguée de Tim aux mains de plomb ici et là, via quelques correspondances auteuriales à la noix (le personnage du plagiaire, interprété par un Christoph Waltz toujours aussi cabotin et résolument insupportable, vit dans le mensonge, comme le père d’Ewan McGregor dans Big Fish, et il finit par se lancer dans un numéro pseudo-loufoque lors du procès final, aussi absurde que celui qui conclut Alice au pays des merveilles), ou autres allusions finaudes au vaste domaine des contes (le méchant Walter Keane pète progressivement un plomb et décide d’incinérer son épouse - c'est ce qui la poussera vers Hawaï et les tarés de Jéhova - jetant une allumette incandescente à travers la serrure de l'atelier où elle vient de se barricader avec sa fille, tel le grand méchant loup face aux petits cochons ; et c’est insultant pour Amy Adams, qui a certes le teint rose et le nez retroussé mais qui mérite mieux que cette association - à un porc ou d’ailleurs à Burton).


Le cinéaste a casé l'une de ses œuvres d'art perso dans la scène du musée. En haut à gauche sur cette image. Magnifique huile de tournesol sur bois. Il s'agit, d'après mes informations, d'un portrait de Jack Nicholson dans Batman.

Mais tout de même, on se demande où est passé Tim Burton, l’homme aux lunettes bleues et aux cheveux enfumés, le cinéaste « décalé », comme ils disent, l'artiste fou dont tous les critiques sont fous, l’artisan sans complexe, qui répète sa petite musique lancinante sans se fouler depuis des lustres, dont les derniers films sont coulés dans un moule ultra-rôdé qui ne gratte absolument personne. Où sont ses joujous de toujours, ses créatures farfelues, ses motifs permanents, ses effets signatures ? Au vu de ses derniers opus, on pourrait se réjouir que le cinéaste ait entrepris un voyage sans escale vers la mesure, la finesse et la sobriété, mais pas si ce voyage doit nous révéler à quel point, délesté de ses attributs fantaisico-baroques, le cinéma de Burton n’est rien. Big Eyes correspond en tout point au téléfilm quotidien de l’après-midi sur M6. Il y a bien deux scènes où Burton se réveille (on l'imagine, couvert de biafine jusqu'aux extrémités des tifs et reprenant du poil de la bête derrière son combo), pour représenter sa dessinatrice d’héroïne soudain affublée des gros yeux de ses portraits tandis qu'elle se regarde dans un miroir, ou croisant une ménagère elle aussi atteinte de triple glaucomes dans un supermarché, mais que c’est timide… de la part de celui auquel on prête habituellement tout un « univers » !


Beau placement de produit pour Jiffy. Tim Burton n'a plus qu'à trouver des idées de génie...

On en vient à s’imaginer que ce film est porteur d’un message secret. Peut-être est-ce, en réalité, le premier film de Tim Burton ! Imaginez ! Son premier ! Le soulagement de dingue !... Pourquoi son premier ? Parce que les autres auront été réalisés par sa femme, Helena Bonham-Carter***. Et Burton, comme Walter Keane dans le film, fort d’un bagout de tous les diables et d’une allure de malade susceptible d'accrocher les photographes, se sera accaparé le travail de sa compagne. Les deux freaks ayant divorcé tout récemment, Burton s’est retrouvé comme un con avec ce drôle d’objet qu’il n’avait encore jamais touché de sa vie, non, pas un peigne, une caméra, et dépourvu de tout le pognon habituel qui plus est, forcé de fabriquer un film avec les moyens du bord pour ne pas se retrouver comme Christoph Waltz à la fin du récit, contraint à mimer un tennis elbow inopiné pour ne pas avoir à dessiner un enfant aux yeux exorbités devant un juge de cour peu commode. D’où Big Eyes, qui nous révèle en pointillés cette sombre affaire. Et alors, si tout cela est vrai, autant dire que notre cinéaste décalé, au panthéon des plus adulés du XXIème siècle, a un sens du cinéma aussi étroit que les yeux de son titre sont gros, et aussi ras que (l'arrière de) son crâne est hirsute.


Série de croutes mises à sécher.

* Mes connaissances en histoire de l’art sont trop limitées pour le dire, mais si Margaret Keane a contribué à la mode aujourd’hui souveraine des personnages de films animés destinés aux enfants dotés d’yeux au-delà de disproportionnés, nous ne remercions pas cette brave dame.

** On se rappellera des soupçons de plagiat qui pèsent encore sur le cinéaste suite à l’affaire Burton/Selick, que mon acolyte avait révélés dès le mois de novembre 2010 dans un article massue ! C’est une clé de lecture pour ce nouvel opus de Burton que je vous glisse sous la porte (et que confirme, comme quoi c'est du solide, la fin de cet article). Aux Mediapart et autres Wikileaks de s’en emparer. Faites votre boulot les gars...

*** Ou par ses femmes, puisque Burton a d'abord vécu avec l'actrice Lisa Marie, qu'il quitte durant le tournage de La Planète des singes pour épouser Helena Bonham-Carter. Et autant dire, si notre théorie est juste, qu'il valait mieux apposer sa signature au bas des films de sa première conquête que revendiquer ceux de la seconde...


Big Eyes de Tim Burton avec Christoph Waltz et Amy Adams (2015)

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