Chaque année on sait qu'on finira dans le mur : devant le dernier Ozon. Chaque année on s'attaque à la critique du film pendant le film, et chaque année on commence à écrire de plus en plus tôt pendant la projection. Bientôt on commencera à rédiger avant d'avoir appuyé sur play... L'argument du film ? Vous le connaissez. Romain Duris aime se travestir. Sa plus grosse réplique, déballée les larmes aux yeux, résume bien l'affaire : "Je me souviens de ce qu'on nous disait enfants : les garçons naissent dans les choux, les filles naissent dans les fleurs. Eh ben moi je suis né dans un chou-fleur". Silence de rigueur après ça. Logiquement on devrait laisser un blanc typographique de huit kilomètres de long pour exprimer tout ce qu'on ressent. L'amie de Duris, Anaïs Demoustier, quant à elle, trouve ça brillant. Durant tout le film, elle suit son collègue dans tous ses délires schizophrènes, jusqu'au point de non-retour. Un électron libre (Raphaël Personnaz dans le rôle d'un perso super naze), gravite autour de cette amitié nocive pour les spectateurs comme pour les acteurs.
Tous les acteurs et actrices français se battent encore pour tourner avec Ozon. WTF ?
Dès les premières images, François Ozon s'accapare, une fois de plus, le très lourd héritage hitchcockien. Chaque scène contient une flopée de références à ce vieil Albert Hitchcock, qui fait une apparition dans le film ! Ce n'est d'ailleurs pas le seul caméo puisque Ozon lui-même débarque tout sourire dans une scène au ciné où il vient caresser le jarret dodu de Romain Duris, tendant, sous l'oeil fébrile de la caméra, une main toute manucurée du feu de Dieu. Autant dire que personne ne ressort grandi de cette entreprise. Hitchcock en sort sali, Ozon, ridicule, et le cinéma français traîné dans la boue. Anaïs Demoustier pour sa part ne démérite pas, même si les scènes où elle retire le haut nous font revoir à la hausse nos propres poitrails. Un petit push-up et on l'étale.
Toujours difficile de filmer une scène de tennis. Ozon rend ça plus facile pour les autres.
Difficile de se passionner pour ces personnages, leurs problèmes de roustons coincés dans la jarretelle et leurs petits secrets freudiens à trois francs. Comme souvent chez Ozon, et comme dans l'immense majorité des films français actuels, tous ces personnages préfabriqués vivent en outre dans des palaces trop vastes, se perdent dans leurs propres cuisines équipées comme celles de Francis Reblochon. Ras la casquette de ces apparts de jobastres, où la porte du moindre placard semble pouvoir conduire vers une nouvelle dimension et où l'on peut vivre confortablement à deux dans le frigo. Assez de ces garages monumentaux, dont l'architecture est inspirée de la pyramide du Louvre, et qui abritent des décapotables rouges certes cinégéniques mais qu'on a envie de rayer du pot au capot. Foin de ces trentenaires actifs qui chaque soir se mitonnent des putains de banquets royaux, dégustés en tête à tête sur des tables en marbre. Tout cela, on pourrait l'avaler avec un grand sourire si Ozon ne nous donnait pas la sensation de traverser un trou de ver. On est face à un objet filmique si merdeux que l'intensité de sa chienlit empêche toute forme de lumière ou de rayonnement de s'en échapper.
Une nouvelle amie de François Ozon avec Romain Duris, Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz et Aurore Clément (2014)