La première fois que j'ai lancé ce film je me suis endormi au bout de dix minutes. La deuxième fois j'ai pioncé à nouveau, et re-pioncé la troisième. Je l'ai retenté deux fois ensuite, les deux fois je me suis encore endormi au passage de la barre fatidique des dix minutes, précisément. Les trois tentatives suivantes (respectivement les sixième, septième et huitième essais) connurent le même sort. Je n'évoquerai même pas la neuvième fois, car elle n'a pas à proprement parler eu lieu. Les cinq fois suivantes, je n'ai pas dépassé le quart d'heure (mais je notai, pas peu fier, une amélioration de cinq minutes sur mon record jusque là maintes fois égalé, jamais dépassé). La quinzième tentative fut la bonne. Ce film m'aura servi une cure de sommeil maxi modèle sur un plateau. On n'a pas idée de tout filmer dans le noir aussi... Near dark c'est dark, très dark, trop dark. Les vampires craignent le soleil, ok, mais pas les spectateurs, alors c'était pas la peine de tourner le film dans le noir complet, parce que c'est con mais on n'y voit rien. J'ai eu beau mettre la luminosité à 100% sur mon écran Daewoo, j'y ai vu que dalle. Comment ne pas pioncer comme un loir ? Et la bande originale par Tangerine Dream (« Tango de rêve ») n'arrange rien. Le rythme mollasson et les suites de plans auxquels on ne comprend rien, non plus !
Lance Henriksen, vampire de longue date, brave l'interdit (foutre un pied dehors en plein jour) pour se faire un McDrive. Après avoir avalé la route à l'aveugle et à 2 km/h, le pare-soleil tendu sur toute la surface du pare-brise, il décide de prendre la file du Drive à l'envers pour ne pas trop s'exposer, quitte à devoir hurler pour qu'on prenne sa commande. Il finit aussi cuit et sec que les deux steaks rachitiques de son prochain Big Mac, mais il termine la scène avec un sourire, assurant que ça valait le coup« pour les corbacs » (cornichons).
Au début du film, une scène s'avère très symptomatique de l'échec de miss Kathryn Bigelow (Academy Award Robber grâce à Démineurs), celle où Mae (Jenny Wright), une vampiros pas du tout lesbos, embarque dans la mustang d'Adrian Pasdar qui l'emmène voir son cheval (un mustang, l'homme fait une fixette). Sous leurs yeux admiratifs, la bête se cabre majestueusement, dévoilant une érection hippique notoire, et la jeune femme, émoustillée, se lance dans des sous-entendus lourdingues quant à son statut de vampire, pendant vingt minutes au bas mot. Alors peut-être que c'est efficace pour ceux qui découvrent le film sans savoir du tout de quoi il s'agit, pour ceux qui ont fermé les yeux en louant le dvd, peut-être que pour eux, qui s'attendent autant à un western spaghetto avec Terence Hill et Budd Spencer jouant à s'envoyer des baffes pendant une heure et demi qu'à une comédie sociale de Philippe Lioret encore plus noire que le film de vampire tourné dans le noir auquel ils devront en réalité faire face, peut-être que pour ces gens-là c'est intriguant et appréciable tout ce passage où la fille fait comprendre à demi-mots à son nouvel étalon qu'elle en est, à coups de «Autant je serai encore là dans mille ans...», «Les chevaux ont peur de oim », «Sans gousses d'ail, ma salade Caesar, tu seras gentil, par contre fais passer le cheddar », « Peut-être que tu pourrais devenir éternel itou si d'aventure on s'encastre », « Ne m'embrasse pas je vais te bouffer la moitié de la joue » et autres « Magne-toi de renfiler ton zlip de gangourou, le jour se lève ». Mais pour nous autres qui savons de quoi il retourne, cette scène est embarrassante. Un peu plus loin, on trouve, ne soyons pas vaches, une scène moins nulle. Quand Adrian Pasdar vient juste de se faire niaquer et cavale dans les champs terreux, ses pas soulevant la poussière derrière lui, son corps fumant de pied en cap à l'approche du soleil. Avec la musique aux sonorités moins directement estampillées 80s qui accompagne le film à ce moment-là (je crois qu'il s'agit de la chanson Marakesh de Tango de rêve), j'ai trouvé cette scène assez réussie. Pas super bien filmée mais assez habile quand même. Sans bien savoir pourquoi, on aime voir ce mec fumant courir plié en deux dans un champ aride du Texas. C'est le seul truc qui fonctionne à peu près dans tout le film.
Adrian Pasdar commence à flamber. Il m'est arrivé la même chose une fois avec un froc Celio*, alors qu'il ne faisait pas spécialement beau. Il a pris feu comme ça, en pleine rue, sans prévenir.
Restent quand même des masses de péripéties pas tellement cohérentes. Je ne suis pas pro en vampires, mais s'il suffisait qu'on leur fasse une transfusion avec du sang de mortel pour qu'ils redeviennent normaux, ça se saurait. Pareil pour la scène de la fusillade dans le bigelow, dans le bungalow pardon : le moindre rayon de soleil fait flamber les vampires alors qu'on les a déjà vus, allongés derrière des persiennes, sur des transats, en train de bronzer comme des gros lézards camés… Puis la fin est limite. Le méga vampire qui suce du sang depuis des lustres se fait surprendre par l'aube en pissant un dernier coup à la belle étoile dans son jardin, alors qu'il n'a que ça à penser, depuis des millénaires : fuir le soleil !
Aux Frontières de l'aube de Kathryn Bigelow avec Adrian Pasdar, Jenny Wright, Lance Henriksen, Bill Paxton et James LeGros (1987)