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Channel: Il a osé !
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The Pact

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Dans la situation actuelle du cinéma d'horreur et la triste sensation de désœuvrement que connaît l'amateur en manque de frissons, un petit film totalement inattendu comme The Pact fait un bien fou. Mais que ce fut difficile de mettre la main dessus ! Bien entendu, un tel titre ne sort pas en salles, ne sera jamais diffusé à la télévision et ne vous sera jamais conseillé par vos revues de cinéma, à part peut-être les plus spécialisées, et encore... Pourtant remarqué à différents festivals, ce film réalisé par un dénommé Nicholas McCarthy est seulement sorti en VOD et dans un nombre extrêmement limité de salles aux États-Unis. Il faut que des fins limiers, des amateurs aux goûts sûrs, altruistes et bien intentionnés, décident d'en faire les sous-titres eux-mêmes et de partager le résultat sur la toile pour espérer dénicher le film, un jour où, désespérément en quête d'une bonne pelloche horrifique, on tenterait un pari a priori bien risqué. Internet, ses blogs et ses forums de cinéphiles exigeants, s'occupent ensuite de donner une nouvelle vie à ce genre de pépites obscures qui, sans ça, seraient totalement éclipsées par ces mastodontes hideux dont les affiches inondent les frontons des multiplexes et gâchent les murs de nos rues, comme Sinister, Resident Evil 5 ou Possédée, offerts sur un plateau et à grands renforts publicitaires aux spectateurs les moins aventureux. 




Il ne faut cependant pas faire confiance à des sites comme IMDb et aux votes massifs de ses utilisateurs pour éventuellement mettre en lumière un film comme celui-ci qui, étant donné ce que l'on a désormais l'habitude de proposer au public, très juvénile, de ce cinéma-là, surprendra, décevra et ne pourra vraiment plaire qu'à une minorité. Car le réalisateur de The Pact fait partie de ces rares têtes neuves, parmi lesquelles Ti West ou Ben Wheatley, qui ont compris que, pour être réussie et marquante, pour avoir une chance d'être un peu terrifiante, l'ambiance d'un film d'horreur est primordiale et doit être construite avec patience et minutie. Le non-dit, aussi, est essentiel, ces zones d'ombres, qui sont ici laissées à l'imagination du spectateur, pour alimenter sa peur, et non pour cacher un scénario brinquebalant : ça aussi, Nicholas McCarthy, également scénariste, l'a tout à fait compris. La peur s'installe dès les premières minutes de ce qui est son premier long-métrage. Une jeune femme seule, retournée dans la demeure de sa mère décédée, se dispute au téléphone avec sa sœur. Après avoir raccroché, elle lance une conversation vidéo sur son ordinateur portable avec sa petite fille. Pour mieux capter le signal wifi, elle se déplace, MacBook au bras, dans les pièces et les couloirs d'une maison qui nous apparaît de plus en plus glauque, jusqu'à ce que sa gamine lui demande, l'air de rien, "Maman, qui est la personne derrière toi ?". C'est très simple et même attendu, mais c'est fait de telle façon que cela fonctionne parfaitement : l'effet est garanti. Cette maison de banlieue très ordinaire aux papiers peints particulièrement austères sera le principal et quasi unique décor de cette histoire de fantôme fort bien menée, dont on prendra bien du plaisir à découvrir progressivement tous les secrets. La sœur (Caity Lotz, une actrice blonde au visage assez particulier, dont le charme agit à retardement), absente de la première scène, devient l'héroïne du film : nous la suivons mener son enquête sur les disparitions mystérieuses survenues dans la maison de sa défunte mère, avec la seule aide d'un flic à l'âme charitable, incarné par le revenant Casper Van Dien (l'éternel troufion de Starship Troopers, devenu un vrai bellâtre en vieillissant, avec ses longues mèches, sa barbe grisonnantes et son regard azuréen qui lui donnent des faux airs de Viggo Mortensen).




La simplicité ou, devrait-on dire, la limpidité du scénario apparaît elle aussi comme un véritable bol d'air frais à l'heure où la règle qui semble dominer le cinéma de genre pourrait se résumer par l'idiote formule "Plus c'est compliqué et tordu, mieux c'est". The Pact nous raconte une histoire bien glauque, certes, mais remplie de motifs simples que l'on peut décliner, déplacer, généraliser, comme sont faites ces histoires fantastiques conçues pour nourrir et faire bouillir notre imaginaire macabre. Nicholas McCarthy choisit les lieux les plus familiers pour y faire surgir l'horreur, filmant cette banale maison comme s'il s'agissait d'un vieux château gothique à la personnalité écrasante. Surtout, ce cinéaste d'origine inconnue a la très chic idée d'incorporer son histoire dans notre quotidien le plus actuel à travers un savant usage des NTIC (Nouvelles Technologies d'Information et de Communication), à l'image de la scène d'ouverture donc, où le téléphone portable, utilisé avec le haut-parleur, nous incite à imaginer la présence de l'interlocutrice, avant que la webcam s'avère révélatrice d'une menace inattendue, possiblement un fantôme quant à lui réellement invisible mais bel et bien présent. Pas dénué d'imagination et disposant de plus d'un tour dans son sac malgré un budget que l'on imagine rachitique, Nicholas McCarthy va même jusqu'à utiliser Google Map pour provoquer l'effroi en tirant partie des formes étranges que l'on peut parfois croiser sur ce site, au détour d'une rue ou d'un paysage, avec ces images instantanées, fondues les unes dans les autres, enchevêtrées, déformées, sans contour, où chaque pixel peut cacher une forme anormale, floue, inconnue, à condition d'être invité à la voir ainsi. Évidemment, les appareils photos numériques sont aussi utilisés pour capturer d'inquiétantes présences absentes, révéler des formes bizarres et nous faire frémir, The Pact rappelle alors le très efficace Shutter (littéralement "obturateur"), ce film de trouille thaïlandais de 2004, déjà l'objet d'un sordide remake hollywoodien, qui utilisait également cette idée et les autres possibilités offertes par les APN jusqu'à la corde, pour nous offrir quelques scènes véritablement terrifiantes.




Nicholas McCarthy parsème son film d'idées de mise en scène toutes simples mais diablement efficaces. Il ne tombe jamais dans la facilité et n'abuse pas, par exemple, de ces agaçants "jump scares", ces moments stridents hélas à la mode qui feraient sursauter n'importe qui n'importe quand, à l'exception d'un panoramique a priori fameux qui s'achève sur l'apparition inquiétante d'une silhouette à moitié dissimulée dans l'ombre, image malheureusement accompagnée d'un effet sonore très soudain, forcément terrorisant. Son récit mène le cinéaste vers des scènes à haut risque car déjà vues cent fois ailleurs (comme cette scène où une jeune medium s'aventure dans la maison hantée pour être réceptive aux signes paranormaux et finit par piquer une crise, puis ce moment où l'héroïne improvise une séance de spiritisme pour communiquer avec les esprits à l'aide d'un ouija), mais il s'en tire toujours avec les honneurs et parfois même à merveille, sans jamais faire de redite ni altérer l'identité propre de son œuvre. Il met d'abord en place un rythme assez lent, incertain, pour mieux préparer le terrain vers un final redoutable où le film prend alors une tournure assez inattendue, car plus rationnelle et terre-à-terre, mais qui permet cependant au scénario de se boucler proprement et à la tension de culminer vers des sommets très rarement atteints ces dernières années sur pellicule. Et ce n'est que lors de cette conclusion terrible que le cinéaste débutant se permet une citation très nette d'un classique de l'horreur, le Halloween de Carpenter, quand son héroïne sexy adopte la même posture que Jamie Lee Curtis, se servant d'un cintre aux mêmes fins, puis par ces ultimes plans fixes rythmés par le son d'une respiration de plus en plus forte. Il y a évidemment bien pire comme source d'inspiration et Nicholas McCarthy comble moins une lacune créative qu'il n'adresse là un très bel hommage à l’œuvre de John Carpenter, dont on sent par ailleurs qu'elle constitue une influence de taille. Par ailleurs, son attitude modeste, respectueuse du genre, consciente de ses influences et sachant s'affranchir de ses maigres moyens, n'est donc pas sans rappeler la démarche salutaire de Ti West, notamment sur le très réussi The House of the Devil autre film d'horreur américain « super-indépendant » sorti en DTV. The Pact déborde tellement de bonnes intentions et nous fait passer un moment de trouille d'une telle qualité qu'on lui pardonne aisément ses quelques petites maladresses, à l'image d'un plan final inutile et digne d'une piètre série b. Ces bémols seraient de toute façon largement insuffisants pour refroidir notre vif enthousiasme à l'égard de ce film d'horreur humble, intelligent et, surtout, réellement terrifiant, comme il est trop rare d'en voir actuellement, et qu'il me semble donc nécessaire de saluer. Inutile de préciser que nous suivrons de très près la suite de la carrière de ce cinéaste.


The Pact de Nicholas McCarthy avec Caity Lotz, Casper Van Dien, Agnes Bruckner, Mark Stegger et Haley Hudson (2012)

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