En ce jour de Joël (que nous vous souhaitons noyeux ! - logiquement cette première phrase vient de vous flinguer la fête), M6, la chaîne de télévision, qui ma foi existe encore, a décidé de diffuser le remake live des 101 dalmatiens de Walt Disney, réalisé en 1996 par Stephen Herek, deuxième du nom, le fils (Herek's son). Ce film, c'était le "grand come-back" de Glenn Close, au même titre que tous les films tournés par Glenn Close, actrice au parcours chaotique qui, disparaissant des salles de cinéma entre chaque film tourné, n'a cessé de "revenir"à l'écran. Glenn Close, qu'il ne faut jamais regarder de trop près, contrairement à ce que son patronyme d'usage indique, sous peine de devenir curé manu militari, incarne ici Cruella d'Enfer, une stricte ordure humaine qui ne songe qu'à une chose : désosser 101 petits clébards innocents tachetés de black pour s'en faire un pur blouson. Glenn Close porte le film, il faut bien le dire, sur ses épaules (solides, voir l'affiche), malgré la présence du plus fringuant Jeff Daniels au casting. Capable de déformer sa tronche infecte dans tous les sens, plus qu'aucun animatronics ou autre dessin à main levée, l'actrice a décidé que c'était le moment ou jamais de putain de cabotiner. Résultat électrifiant.
Sur le plateau, en bleu de travail, Glenn Close, interviewée pour les besoins du making-of par le patron de Diaphana, Mouss Diouphana, répond à la question : "Pourquoi ce film ?" en exhibant son chèque de paie. La même honnêteté, et la même longévité, qu'Harrison Ford, qui invoquait les mêmes arguments tout récemment pour expliquer son retour dans la saga Star Wars.
Je suis triste cependant, en ce jour de réveillon, car M6 a décidé de diffuser la version grand public montée par les studios Disney. Je vous recommande de tout cœur le DVD du film aux éditions Diaphana, dont les bonus soumettent à notre curiosité les deux autres versions de la fin du film, signées de A à Z par Stephen Herek : l'une ultra positive, l'autre ultra négative. La première est une variante d'une séquence bel et bien présente mais fort édulcorée dans le film tel qu'il a été diffusé aujourd'hui sur la sixième chienne, qui se situe juste avant le moment où les deux sbires de Cruella, Horace et Jaspert (ce dernier incarné par un Hugh Laurie loin de s'imaginer qu'il deviendrait bientôt un sex symbol de mes deux), se font rôtir les burnes sur une clôture électrique. Dans la mouture originale de cette scène, prévue pour conclure le film, les gentils (les dalmatiens et Jeff Daniels, qui deux ans plus tôt était déjà toiletteur pour chiens dans Dumb and Dumber, chef-d’œuvre des frères Farrelly sur le point, d'après mes sources, de détrôner Vertigo en tête du palmarès du célèbre British Film Institute), gagnent, haut la main, large. C'est même un over happy end puisque le film se clôture sur une scène hilarante où Cruella d'Enfer, après avoir reçu coups de sabots sur targeons d'ailes de poulets dans la gueule au sein de la ferme où elle cherche les dalmatiens (le règne animal s'étant coalisé pour lui foutre la rouste), subit in fine les assauts déments du gros porc concupiscent dont elle a tiré le zob, malencontreusement confondu à travers un tas de paille avec la queue d'un des clébards traqués. Glenn Close est plus que jamais survoltée dans ces quelques minutes de cinéma underground où un goret enragé, le cousin dégénéré de Babe, crédité au générique de fin comme Zgeg le cochon devenu acteur porno, la lui fait à l'envers sous les yeux ébahis de tous les bestiaux de la ferme.
Jolie scène où Jeff Daniels joue à Earthworm Jim PC sous le regard bienveillant de son dalmatien, Davy Croquette.
Dans la deuxième fin alternative, c'est au contraire Cruella qui marque les trois points. Rien de visuellement traumatisant ni de gore dans cette version-là. A condition toutefois de ne pas du tout aimer les animaux. En effet, Cruella finit ici par mettre la main sur chacun des 101 chiots des quais (elle n'en loupe pas un), et les dépèce un à un sous l'objectif un brin complaisant de Stephen Herek, avant de les coudre tête-bêche, pour finir reine du défilé, pavoisant sur le podium avec son manteau de poils ras, toute de chiens morts vêtue. Gênant. Peut-être vous dites-vous que, tout compte fait, la version plus connue du film est encore la plus adaptée à un public enfantin. Certes, mais c'est faire fi de la cruauté inhérente aux contes merveilleux, et fermer les yeux sur l'audace délirante d'un authentique jobard du cinéma en la personne de Stephen Herek, fan incorrigible du cinéaste belge Jean-Louis Le Tacon, comme le prouvent ces deux fins originales qui réunissent l'amour du porc et la fascination pour le massacre animal qui font la richesse de Cochon qui s'en dédit, documentaire tétanisant s'il en est. Mais soit. Je peux comprendre. Chacun son délire. Et pour ceux qui veulent se perdre parmi les dalmatiens en ce 25 décembre, bouffer 250 minutes de yenches et faire des rêves en noir et blanc jusqu'au nouvel an, le film est suivi des 102 dalmatiens, avec notre Gérard Depardieu national dans le rôle de Cruella d'Enfer. Exit Glenn Close. Cruella, désormais dotée d'un service trois pièces massif, mais encore et toujours condamnée à de terribles problèmes de naseaux, recherche cette fois-ci un clebs de plus, le cent-deuxième du titre, pour compléter sa tenue et agrémenter le manteau de ses rêves d'un slip XXL.
Les 101 dalmatiens de Stephen Herek avec Glenn Close, Jeff Daniels et Hugh Laurie (1996)