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Channel: Il a osé !
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Demolition Man

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L'un des films phares de "l'année Sly". On est en 1993 ou 1995, Sly Stallone est à l'affiche de Cliffhanger, Judge Dredd, Assassins, et donc Demolition Man, aka D.M. (même si aller voir ce film au cinéma était tout sauf un devoir maison). Commençons par l'affiche, qui contient plus d'idées et de punchlines que la plupart des films d'action actuels. On compte sur ce seul poster pas moins de trois taglines, dont la fameuse : "Le futur n'est pas assez grand pour ces deux cons". Sly "Stallone" Snipes est opposé à l'acteur Dennis Rodman pour un duel au sommet entre un flic blanc et un truand noir. Rappel de l'histoire : Los Angeles, 1996, un flic aux méthodes un poil rustres, qui lui valent le surnom de "Demolition Man", interpelle un braqueur récidiviste sociopathe nommé Simon Phoenix. Les deux hommes s'annihilent et se retrouvent cryogénisés. 




Trente-quatre ans plus tard, dans une société aseptisée, où le mal, du crime de masse au moindre gros mot, a disparu, Simon Phoenix et le démolisseur feront un peu tache dans le tableau. En effet, Simon Phoenix se réveille plus tôt que prévu, la faute à une érection du matin vieille de 34 ans qui aura fini par élimer le caisson métallique dans lequel il était retenu prisonnier au cryo-pénitencier du coin. Malgré un lavage de cerveau longue durée, le criminel n'a rien oublié de ses petites pulsions perso et ne tarde pas à remettre la ville à sac. Pour l'arrêter, la flicaille désormais impuissante de Los Angeles, rodée aux seules contravention pour papier jeté sur le trottoir, se propose de rebrancher l'Homme Démolition, seul capable de castrer une bonne fois pour toutes le malade à crête blonde qui rue dans les brancards. Il sera tout de même épaulé, dans le but de se familiariser avec un monde complètement nouveau, par deux policiers des temps modernes, dont une fliquette pas piquée des vers, incarnée par Sandra Bullock.




Mais avant de revenir sur ce dernier point, rappelons que le film dresse le portrait d'une société futuriste incroyablement crédible, et chaque jour qui passe donne raison à Marco Brambilla, le réalisateur, pote d'enfance de Sly (car Stallone a vécu en Italie, et les deux bambins tapaient la balle ensemble dans les ruelles de Milan). On parle beaucoup de 1984, Le Meilleur des mondes, Fahrenheit 451, Ravage, comme autant de dates dans la peinture de sociétés futuristes totalitaires glaçantes. Marc Brambilla affirme n'avoir lu aucune page de ces livres, et pourtant son film rivalise. Chez nous, nous avons d'un côté du salon une dvdthèque, de l'autre côté une bibliothèque, or Demolition Man est rangé dans la seconde, entre tous ces classiques de la littérature d'anticipation qui ont façonné notre esprit critique durant l'adolescence et qui nous ont fait taper du poing sur la table en plein repas, lors du troisième mariage inoubliable de Tonton Scefo, en plein toast : "A quoi bon ?!".




Les scènes et les répliques marquantes dans ce film sont indénombrables. Rappelez-vous ! "1, 8, 7, secteur nord-ouest", cette réplique nous a valu une semaine d'exclusion du bahut à l'époque, car les profs n'en pouvaient plus de nous voir lever le doigt toutes les cinq minutes juste pour réciter cette phrase avec la voix robotique du film. "Allez passer une semaine à l'ombre chez vos parents, ça vous passera", nous avait dit le principal du collège. Sauf qu'on a passé une semaine à ré-étudier le film et que la date de réintégration de l'établissement scolaire coïncidait fort heureusement avec les grandes vacances. Il y a aussi toutes ces séquences où les deux héros déballent des tonnes d'insanités pour faire griller les machins à PV qui jalonnent toutes les rues de la ville, ces ordinateurs qui filent des amendes à quiconque prononce un mot de travers. Les deux acteurs en tête d'affiche s'en donnent à cœur joie et nous ont appris des tas d'injures nouvelles. Ces fumiers de Sly et Rodman sont en roues libres du début à la fin du film. Le premier était sur son nuage. C'était l'acteur le plus bankable d'une époque où ce mot n'existait pas. L'engager, c'était s'assurer d'un retour sur investissement fracassant. Les producteurs savaient d'avance qu'ils rembourseraient tous les frais de production (y compris le fric brûlé pour ses petites facéties personnelles de starlette capricieuse), et ce dès la première projection. Quant à Rodman... Citez-nous un exemple de sportif qui a réussi à tourner dans un chef-d’œuvre, à l'exception des 22 héros de l'équipe de France dans Les Yeux dans les bleus.




Mais ce film, c'est pas que des muscles. C'est aussi de la peau, ferme en chaque endroit, celle de Sandra Bullock, alors à son zénith, malgré deux sourcils ignobles mais bien pensés pour coller au futur. Avec Eric Rohmer, Marco Brambilla est le seul cinéaste à nous avoir autant excités sur un genou (voir, et fixer du regard, le photogramme ci-dessus). On veut bien sûr parler de cette scène d'amour à distance, par wifi, entre Sly et Bullock assis face-à-face, la seconde portant un peignoir blanc qui nous a valu quelques nuits blanches. La tension érotique de cette séquence platonique a donné un gros coup de pied au cul à notre enfance. On a vite réclamé la sexualité d'un homme adulte, tirant un trait sur la pourtant fatidique période de l'adolescence. Pas de transition, pas de "passage", voyage sans escale des bacs à sable au spring break. A l'époque, Traque sur Internet, Speed, puis Demolition Man ont installé Bullock tout en haut de notre palmarès perso, aussi garde-t-on une affection éternelle pour cette actrice. Et quand maman s'est rendue compte que les photos de Meg Ryan, idole de notre enfance, aimée d'un amour tendre et désintéressé pour la joliesse et la douceur de ses traits de petite blonde à la manque, avaient laissé place à celles de Sandra Bullock, elle nous a simplement murmuré : "T'as un peu changé..." Bref, Demolition Man est un film qui a beaucoup compté pour nous, et on comprend parfaitement que Marco Brambilla n'ait rien tourné ensuite, un peu à la façon de Charles Laughton. One perfect shot.


Demolition Man de Marco Brambilla avec Sylverster Stallone, Dennis Rodman et Sandra Bullock (1993)

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