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Channel: Il a osé !
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Télé gaucho

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Accueillons aujourd'hui une invitée, Flavie, pour nous parler du dernier film en date du réalisateur déjà coupable en 2010 du Nom des gens. Flavie a vécu le phénomène des télés libres de l'intérieur et nous livre son impression à chaud sur la peinture qu'en propose Michel Leclerc :

« Ce film est librement inspiré de l’expérience Télé Bocal entre 1995 et 2000 ». Voilà comment Michel Leclerc justifie son forfait en tête du générique de fin de Télé gaucho. Le film est donc semi-autobiographique, « librement inspiré » de son expérience au sein d'une télé libre. Le titre annonçait déjà la couleur, le film a été à la hauteur de toutes mes appréhensions. Michel ne croit clairement plus, ou bien n'a jamais cru (difficile à dire mais dans le fond, on s'en fout) à la pluralité audiovisuelle.


 
Gauche caviar, droite jambon-beurre !

Passons sur l'absence de mise en scène et venons-en directement au cœur du problème et à la fabuleuse galerie de personnages. Belle collection de clichés, du leader paradoxal anti-charismatique et plutôt malhonnête (Elmonsnino, transparent), à sa compagne féministe hystérique (insupportable Maïwenn), la palme revenant au personnage de Clara, sombre conne incohérente et insupportable, elle aussi « librement inspirée » de l'ex-compagne du réalisateur, interprétée par une Sara Forestier embarrassante, la gène atteignant son apogée lorsque Clara met le feu au dos d'un spectateur en crachant le feu (wut ?). La seule qui tire son épingle du jeu c'est encore Emmanuelle Béart, qui dans le rôle de l'animatrice botoxée qui évolue comme un poisson dans l'eau au sein du monde cynique des médias de masse, mais qui dans le fond cache la plaie encore ouverte d'une obésité adolescente, s'en sort plutôt pas trop mal en jouant la carte de l'improbabilité.


 
Le regard profond et vide. C'est donc comme ça que Michel Leclerc voit sa femme ? A sa place je le prendrais assez mal...

Le poteau rose, court-métrage réalisé en 2000, contenait déjà toutes les bonnes idées du film et avait le mérite de raconter l'histoire personnelle de Michel Leclerc de manière drôle et candide. La version longue n'y aura ajouté que des travers : le portrait conventionnel d'une jeunesse de gauche décérébrée et inoffensive. Vision de vieux con embourbé dans sa philosophie de vie gentille, toute en consensus mou.


Le président des bisous.

J'ai eu l'occasion de vivre un petit bout de l'histoire des télés libres moi aussi, pendant 6 mois, au sein de Zalea TV. Zalea a existé de 2000 à 2007, et je connais mal la filiation avec télé bocal, mais c'était une formidable expérience de liberté et ces six mois on été une des périodes les plus enrichissantes et excitantes de ma vie. C'était certes un laboratoire foutraque, peuplé de personnages entiers, différents et souvent incompatibles, mais réunis par un combat précieux, celui de la liberté d'expression audiovisuelle, dans un amateurisme revendiqué mais éclairé. J'avais 22 ans et une conscience relative de l'ampleur de la chose, (d'autres le savaient mieux que moi fort heureusement), mais je crois que c'était plutôt pas mal, et surtout salutaire dans le paysage audiovisuel de l'époque (même limité au canal 99 de la freebox). Et plutôt éloigné du tableau de la bande de branquignoles gauchistes abrutis que nous a soigneusement peint Leclerc. Il s'agissait de donner la parole à tous ceux qui souhaitaient la prendre, collectifs et associations, évidement souvent des combats de gauche, mais aussi aux quartiers : le quartier, celui de Stalingrad, ex-plaque tournante du crack, qui se reconstruisait progressivement, avant la gentrification, et aux quartiers, ceux des banlieues qui prenaient l'antenne pour des plateaux réguliers. De donner un espace médiatique à tous les refusés de l'antenne, à tous les programmes (plateaux, courts métrages, documentaires, clips, etc.) qui sortaient des cadres ultra formatés de la télévision mainstream, pour lutter contre le modèle débilitant largement imposé. Bref, d'inventer un pluralisme audiovisuel.


Le titre du premier long métrage de Michel Leclerc (de loin son meilleur), J'invente rien, avec Kad Merad et Elsa Zylberstein, sonnait comme la prophétie d'une filmographie oubliable. 

On pourrait débattre du droit individuel de relater sa vision propre d'une expérience collective. Michel Leclerc en a bien le droit. Ça ne fait pas passer mon envie de lui cracher à la gueule. Car voilà, ce film est certainement la première introduction des télés libres dans la fiction cinématographique, qui plus est plutôt destinée à un large public. Et j'ai juste le sentiment que l'image véhiculée fait du tort à l'histoire commune des télés libres, dont tous les acteurs sont de fait un peu responsables. Je ne te dis pas merci Michel de nous faire tous passer pour des gros cons.

NB : Pour plus d'informations sur le pourquoi du comment Zalea s'est crée et dissoute, je vous invite à lire l'article "Zalea TV a décidé de se dissoudre" et "L'appel des fondateurs de Zalea TV à la société civile" sur le site de Zalea. Et à visiter le site des Mutins de Pangée, coopérative audiovisuelle crée plus tard par certains de ses membres fondateurs.


Télé gaucho de Michel Leclerc avec Eric Elmosnino, Sara Forestier, Maïwenn Le Besco et Emmanuelle Béart (2012)

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