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La Nuit des maléfices

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Découvert grâce au cycle "Rencontre avec le diable" d'Arte, le très méconnu La Nuit des maléfices (encore visible, gratuitement, sur Arte Cinéma) pourrait faire un programme original pour la prochaine soirée d'Halloween. Film de 1971, sorti par un mini-studio que l'on pourrait qualifier de petit cousin de la Hammer, The Blood on Satan's Claw (en anglais) est un film de genre intéressant dont l'action se situe au XVIIIème siècle, dans un paysage rural d'Angleterre. En labourant son champ, un jeune homme, Ralph (Barry Andrews), déterre l'étrange cadavre d'une créature non-identifiable. Il en fait immédiatement part au juge du Comté (Patrick Wymark) mais ce dernier n'y prête pas attention. Peu à peu, les événements sordides se multiplient dans la petite bourgade, notamment chez les jeunes gens du coin : les jeunes filles se retrouvent couvertes de morceaux de peau brune poilue, une dame disparaît, une chasse aux sorcières anarchique se déploie et des groupes de jeunes gens se mettent à en massacrer d'autres, dirigés par l'une d'entre eux, la blonde Angel Blake (Linda Hayden), dont les sourcils se sont étrangement développés et qui n'est pas sans évoquer la diabolique Emmanuelle Seigner de Polanski (celle de Lune de fiel, de La Neuvième porte ou aussi bien de La Vénue à la fourrure) depuis qu'elle a trouvé une griffe dans le sillon d'un champ.




Le film n'est pas parfait, il faut le dire au risque de l'envoyer au casse-pipe. Avec ses rites sacrificiels ordonnés par toute une communauté de sorcières et de sorciers en l'honneur du Diable, La Nuit des maléfices peut évoquer The Wicker Man, autre film de genre anglais signé Robin Hardy et sorti deux ans plus tard, et les deux œuvres ont ceci en commun, me semble-t-il, qu'elles bénéficient d'un charme discret qui peut facilement s'évanouir ou échapper si le spectateur s'en est laissé dire monts et merveilles avant de les découvrir. Parmi les petits défauts de La Nuit des maléfices, on peut regretter l'absence de personnages forts. Les plus marquants sont au final Angel, la sorcière blonde séductrice aux gigantesques sourcils noirs, qui doit trop au charme de son interprète, et le juge, qui peut vaguement agacer en tant que citadin nanti et érudit venu éradiquer l'épidémie sévissant chez les petits paysans dévorés par le culte. Il y a aussi le prédicateur (Anthony Ainley), qui résiste non sans mal aux avances libidineuses de la très jeune et ensorcelante Angel, mais il ne joue qu'un rôle secondaire.


Photo de tournage d'une séquence de rite satanique.

Ceci étant dit, parlons plutôt des qualités du film. A commencer par la simplicité avec laquelle il égraine les éléments du récit et nous plonge sans heurt dans une ambiance gothique finement élaborée. Mais aussi et surtout la mise en scène de Piers Haggard, envoûtante dans les séquences violentes ou érotiques de rites sataniques. Le plus bizarre étant que ces cérémonies laissent apparaître parmi les enfants ou adolescents quelques vieillards isolés... La dernière est particulièrement réussie, avec la danse lascive d'une sorcière face à la dernière victime avant le réveil du Diable et, à l'autre bout de la scène, ces étonnants ralentis et arrêts sur image. Le film est par ailleurs ponctué de beaux effets de profondeur de champ, qui peuvent rappeler le travail d'un autre anglais, Jack Clayton, sur un autre film d'épouvante, Les Innocents, sorti en 61. 






Ces plans permettent au cinéaste de clôturer l'espace, par exemple dans une forme géométrique qui rappelle une disposition triangulaire rituelle de cérémonie occulte (cf. le 1er photogramme ci-dessus, tiré de la scène où Angel, à gauche, découvre la griffe du diable). Le procédé intervient également pour distribuer les personnages dans la profondeur afin de mieux séparer les contaminés des innocents, qui ne voient pas ce qui se joue face à eux (2ème photogramme). La profondeur de champ sert aussi à mettre en valeur certains membres du corps de tous ces jeunes gens qui, rongés par une maladie de peau diabolique ou directement amputés, s'apprêtent à donner (leur) corps au Malin. Surgissant du cadre, les pieds ou les mains des victimes sont comme détachés du reste de leur corps et attirés par celui qui ne demande qu'à s'incarner. Par exemple dans ce plan où Ralph cherche le cadavre qu'il a découvert au début du film, débout dans un champ : au premier plan se détachent les bottes de Ralph (qui bientôt se blessera précisément au tibia sous l'influence d'un corbeau de mauvais augure), tandis que derrière lui apparaît le juge circonspect. Ou encore ces nombreux plans qui nous montrent la jambe et le pied d'une jeune fille envoûtée que le médecin du village tente de libérer de sa peau infernale. Autant d'élégances de mise en scène qui font aussi la saveur de ce petit film fantastique à découvrir.


La Nuit des maléfices de Piers Haggard avec Patrick Wymark, Linda Hayden, Barry Andrews, Wendy Padbury et Anthony Ainley (1971)

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