Après le naufrage Prometheus, il faut bien avouer que nous n'espérions plus grand chose d'un nouvel épisode d'Alien. D'autant plus que le vieux Ridley Scott, vraisemblablement désireux de se réapproprier avec autorité la saga pour mieux la saccager de fond en comble, est une nouvelle fois aux commandes. Mais commande-t-il vraiment quoi que ce soit ? Sait-il ce qu'il fait ? Peut-il être encore considéré responsable juridiquement ? A-t-il tout simplement conscience de ses actes ? C'est toutes les questions que l'on se pose à la fin d'Alien : Covenant, un film qui devrait faire jurisprudence : à 80 ans, on ne devrait plus avoir le droit d'être à la tête d'une production de près de 100 millions de dollars, ni d'envisager une suite ou une préquelle à un classique réalisé à cette époque révolue où le cerveau de l'auteur fonctionnait alors en sur-régime.
Mais Alien : Covenant est un Alien et, en tant que fan de la saga originale, nous avions toujours un très mince espoir ou, au moins, une espèce de curiosité malsaine pour le devenir de la série. Hélas, il n'y a pas grand chose à dire sur ce nouvel opus tant il est prévisible dans sa nullité et profondément désolant. Refroidi par l'accueil glacial réservé à Prometheus par les véritables aficionados de la saga, Ridley Scott et son équipe de scénaristes (une telle bouillabaisse requiert la réunion d'une bonne demi-douzaine d'esprits torturés) ont plusieurs fois revu leur copie et ils ont même abandonné leurs désirs initiaux de nous en dire davantage sur les ingénieurs quitte à perdre encore plus de vue nos chers aliens. Ils nous ont donc finalement livrer une sorte d'infâme remake déguisé du premier film, allant même jusqu'à inventer un avatar ridicule de Ripley en la personne de l'officier Daniels, un personnage sans intérêt incarné par la pâlichonne Katherine Waterston, une grande brune un peu garçonne, déjà croisée dans Inherent Vice.
Nous suivons ici l'équipage du Covenant, un vaisseau dont la mission est d'aller établir une colonie de pionniers sur une planète bien précise, propice au développement des milliers de colons en hibernation et autres embryons humains qu'il transporte. En cours de route, une éruption stellaire provoque de sévères avaries et la mort du capitaine de bord, incarné par James Franco, dans son plus grand rôle au cinéma. Suite à cela, un étrange message est intercepté provenant d'une planète inconnue. Ni une, ni deux, le nouveau chef du vaisseau, Billy Crudup, décide de changer tous les plans préalablement établis pour se diriger à l'aveugle vers le lieu de provenance du signal. Une fois là-bas, ils retrouveront l'épave du Prometheus ainsi que son seul survivant, l'androïde David (Michael Fassbender), et les choses vont vite se gâter...
Face aux révélations de ce nouvel épisode, on regretterait presque le flou complet et les nombreux points d'interrogations en forme de majeurs dressés de Prometheus. Alien : Covenant paraît se consacrer à anéantir méthodiquement tout le mystère qui enveloppait l'univers alien, à commencer par l'origine de ses fameuses bestioles. Toute la fascination qu'elles exerçaient est ici totalement dévastée par un scénario lourdingue porteur de réflexions soi-disant philosophiques sur la création et par des explications minables qui donnent lieu à des flashbacks honteux ou des scènes sacrément gênantes (je repense à cet alien qui surgit fièrement du torse de son hôte et salue son "créateur" dans une posture risible). Si l'objectif était de gâcher tout le charme du premier film et de son habile prolongement signé James Cameron, alors il est atteint haut la main. Il faut désormais réussir à se convaincre que ces films n'existent pas.
Alien : Covenant amène encore de nouveaux invités hideux au bestiaire déjà tristement enrichi par le précédent opus. Cette fois-ci nous avons droit à des avortons bondissants d'aliens blanchâtres aux crânes déformés qui semblent provenir des premiers brouillons ratés d'HR Giger, ceux qui avaient sans doute finis rageusement froissés puis jetés en boule dans la corbeille de l'artiste et qu'il aurait été préférable de laisser définitivement aux oubliettes. L'hommage au dessinateur récemment disparu, dont le nom est particulièrement mis en avant aux génériques, sonne ici comme une cruelle injure. Ces créatures sont laides, disgracieuses et agissent comme de vulgaires chiens enragés, on est bien loin de la crainte attirante qu'inspiraient les premières apparitions de l'alien original. Quand un xénomorphe plus classique apparaît enfin à l'écran, il n'est guère filmé avec cœur et il finit rapidement expulsé dans l'espace. Du jamais vu.
"Rien ne fait sens ici" dit l'héroïne, touchée par un brin de lucidité, après sa rencontre avec David sur la planète mystérieuse. On ne s'attardera pas de nouveau sur les couacs et les incohérences du scénario, sur ces personnages inintéressants au possible et encore une fois appelés à effectuer connerie sur connerie pour le bien d'un récit aussi prévisible que ridicule. On en a tellement marre de voir ça, ces trépanés qui s'en vont prendre une douche au meilleur moment, qui choisissent de copuler quand le danger rôde et qui débitent des dialogues de gros lourdauds de l'espace déjà entendus mille fois. Michael Fassbender, qui devient avec ce film le personnage le plus important de la saga auprès de Ripley et, accessoirement, son fossoyeur, est une nouvelle fois très agaçant dans un double rôle pathétique. Nous avons même droit à une scène où les deux androïdes s'affrontent à coups de pieds, c'est passionnant. D'autant plus que Ridley Scott torche ça comme un sagouin, les séquences d'action sont pénibles et le montage a été fait à coups de hache. Il y a bien quelques moments un peu gores pour satisfaire les attentes primaires du spectateur, mais aucune scène ne sort du lot. Dans Prometheus, la césarienne que s'auto-administrait l'héroïne nous offrait au moins un petit pic d'intensité. Rien de tel ici et la dernière partie, reprise encore plus évidente du film de 1979, est d'une platitude absolue.
N'ayant pas vu les Alien vs Predator, je ne peux guère affirmer qu'il s'agit du pire film de l'univers alien élargi, mais on tient forcément là un très solide candidat à cette bien triste médaille. Il faudra un jour faire le point sur la filmographie de Ridley Scott, sans doute l'un des plus grands guignols d'Hollywood, totalement out depuis des années. Rémi et moi devons nous réunir prochainement pour vous dire tout le mal que l'on pense de son plus grand succès, Seul sur Mars. A la mort du cinéaste britannique, je respecterai le deuil de ses quelques fans irréductibles et il faudra bel et bien saluer sa carrière, débutée par deux titres majeurs du cinéma de science-fiction puis ponctuée, à un rythme qui lui a toujours permis de se maintenir à flot, par des triomphes populaires à la qualité bien plus relative. N'empêche qu'à la vue de ses derniers méfaits, on pourra également se demander si le trépas n'est pas la délivrance nécessaire pour un vieillard au bout du rouleau qui n'a décidément plus toute sa tête.
Alien : Covenant de Ridley Scott avec Katherine Waterston, Michael Fassbender et Danny McBride (2017)