Robert Redford EST le condor dans Les Trois Jours du Condor de feu Sydney Pollack, un film d'espionnage sorti en 1975 à l'époque où les thrillers paranoïaques, théâtres des pires conspirations, avaient le vent en poupe. On pense notamment aux films du spécialiste Alan J. Pakula tels The Parallax View (A Cause d'un assassinat, en VF) et Les Hommes du Président avec le même Redford, mais aussi au terrible Conversation Secrète de Coppola. Le film de Sydney Pollack est-il à la hauteur des meilleurs films de ce genre produits dans les fastes années 70 du cinéma américain ? Il n'atteint guère les sommets mais il est tout de même agréable à voir. D'abord parce que l'on a aucun mal à suivre Robert Redford dans ses péripéties et ce, dès le premier plan où nous le voyons se rendre au taff sur sa mobylette, enquiquinant toutes les bagnoles autour de lui. Robert Redford est à son zénith, il peut séquestrer Faye Dunaway dans sa salle de bains, la laisser attachée à la tuyauterie des chiottes pendant des heures, et tout de même réussir à l'emballer le soir venu, quand vient le moment d'aller au lit. Il peut aussi sortir les pires banalités à propos des photographies de l'artiste Dunaway, et réussir à l'impressionner.
Bob Redford incarne donc Joseph Turner aka "Condor" (heureusement pour le titre qu'il n'est pas tombé sur le nom de code "Buse" ou "Pigeon"), un gars qui travaille pour une petite unité de la CIA chargée de dénicher des renseignements en effectuant une veille permanente de tous les écrits publiés à travers le monde. C'est beaucoup de boulot, surtout à une époque dépourvue de l'internet... Un jour pluvieux (comme l'indique le titre, l'action ne se déroule que sur trois jours, ce qui est toujours une bonne chose pour un film de ce genre, surtout pour un Pollack, dont on se doute bien qu'il n'aurait pas tenu la cadence sur une semaine), un jour de pluie, donc, après être allé faire des courses pour la pause déjeuner et avoir déposé une réclamation auprès de son agence immobilière pour une fuite autour de l'un des vieux vélux de son appartement, Bob Redford retrouve tous ses collègues assassinés. Tous. S'engage alors une course contre la montre pour savoir qui a commis ces meurtres et comment lui échapper. Mais petit à petit, plusieurs indices poussent notre héros à penser que des agents de la CIA sont à l'origine du drame et qu'il est désormais au milieu d'une conflit qui le dépasse totalement... Bref, il est dans une merde NOIRE.
Les Trois Jours du Condor vaut le coup pour son scénario, assez limpide et compréhensible comparativement à beaucoup d'autres du même genre (en particulier l'ensemble des films de Shane Carruth), pour ses acteurs, tous très bons à commencer par Max Von Sydow génial dans la peau d'un mystérieux tueur à gages, et pour quelques scènes assez tendues où le suspense fonctionne bien, dont celle dite "de l'ascenseur" dans lequel Robert Redford se retrouve littéralement nez-à-nez avec ledit tueur. La petite romance qu'essaie de développer Sydney Pollack entre Redford et Dunaway est assez plaisante car les deux acteurs sont très charismatiques et l'alchimie est palpable, mais en dehors de cela, elle paraît bien légère et superflue. La résolution de l'intrigue, avec cet agent de la CIA désireux de provoquer une guerre au Moyen-Orient pour mettre la main sur l'or noir, a l'avantage de pouvoir sonner encore d'actualité aujourd'hui (merci George W. et tous tes potes, j'espère qu'un jour vous serez jugés comme il se doit). En bref, le film n'a pas si mal vieilli et mérite le coup d’œil, tout particulièrement pour les amateurs du genre. En ce qui me concerne, je retiendrai surtout cette scène assez tendre, vers la fin, entre Max Von Sydow et Robert Redford : le premier, bluffé par le second qui, n'étant guère un homme de terrain n'a pourtant fait qu'improviser tout le long, l'interroge avec malice sur ses choix, sur la stratégie adoptée, avec une admiration respectueuse. Un moment de calme après la tempête, de complicité après les querelles, magnifié par un duo d'acteurs en pleine forme.
Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack avec Robert Redford, Faye Dunaway et Max Von Sydow (1975)