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Channel: Il a osé !
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40 ans : Mode d'emploi

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La petite vie de Judd Apatow, acte IV. En 2005, Apatow nous avouait sans la moindre honte qu'à 40 ans, il n'avait pas encore vu ni touché le loup. Deux ans plus tard, il se servait d'un film pour annoncer à sa femme qu'il l'avait mise enceinte et en profitait pour nous partager ses craintes sur la gestation et sa future paternité. En 2009, avec une régularité de métronome, Apatow interrogeait le public sur son incapacité à faire rire, via Funny People, une thérapie à 75 millions de dollars, un film lucide qui lui a sûrement fait du bien, et c'est tant mieux pour lui. On attendait tous un film en 2011, mais c'était sans compter sur l'échec monumental de Funny People, qui a eu l'heureux effet de ralentir les velléités d'Apatow metteur en scène. Un mogul des studios lui aurait déclaré "Tu peux filmer ça" en lui pointant son majeur. Apatow, dont la carrière en tant que producteur avait été couverte de succès dans les années 2000, se retrouvait en plein doute en tant qu'auteur. Qu'allait-il faire ensuite ?




Apatow, c'est un peu comme Microsoft avec les claviers et les souris, s'il n'était que producteur, on le respecterait pour son travail. Ceci dit, rappelons tout de même qu'Apatow a aussi produit un sacré tas de merdes. Mais il a participé à Anchorman, Ricky Bobby, Walk Hard, Step Brothers, bref, autant de films qui permettent de lui pardonner pas mal d'écarts de conduite. Reconnu comme un auteur crucial du cinéma américain des années 2000 par certains critiques qui sont définitivement trop à la recherche de la nouvelle star, souvent considéré comme l'étendard du renouveau de la comédie US par les cinéphiles en manque de guides, il est nécessaire de rappeler l'indigence du cinéma personnel d'Apatow, particulièrement frappant dans son dernier opus. Cet homme est décidément bien plus doué quand il s'agit simplement de placer ses billes dans les oeuvres drolatiques portées par de vrais génies du rire, à commencer par Will Ferrell, tout en s'écartant au maximum du travail créatif. 




Un film comme 40 ans : Mode d'emploi est pourtant encore l'occasion de constater qu'Apatow a des thèmes, des problématiques clairement identifiables, autour desquels il tourne, en rond, depuis maintenant des années, dans un circuit fermé parfaitement cohérent qui dégage une vieille odeur de pieds sales. Car il faut voir à quel point tout ça est creux, sonne faux et, accessoirement, est toujours terriblement laid à regarder. Son nouveau film fait presque mal aux yeux. Et comme c'est long, comme c'est bête, comme c'est naze... Le titre français est méprisable mais pleinement mérité. On prend en pleine poire ses petits tracas de quarantenaire détestable, soucieux d'être encore au top sexuellement, de gagner un tas de fric pour remplir sa grosse berline BMW, de pas trop se faire bouffer par ses gosses. En outre, en engageant sa femme dans le premier rôle et ses deux filles pour des rôles également importants, Judd Apatow ne fait que rendre son petit film encore plus insupportablement égocentrique, plus recroquevillé sur lui-même que jamais. Il passe encore 2h20 à nous montrer son nombril en s'imaginant que celui-ci est infiniment drôle et intéressant à regarder.




Leslie Mann, sa femme, n'a pas l'étoffe d'un premier rôle. Triste fantôme qui traverse les comédies américaines depuis des années, ce n'est certainement pas un hasard si seul son époux a la gentillesse de l'embaucher pour la hisser enfin en tête d'affiche. Son visage trop fade, ses expressions toutes faites sorties des plus vilaines sitcoms et son manque absolu de charme en font une actrice totalement incapable de captiver son audimat. Apatow a beau la filmer sous tous les angles, nous dévoiler son anatomie jusque dans les moindres recoins, jusqu'au bout des tétons, ça ne marche pas, rien n'y fait. Elle exaspère. Apatow la met dans les situations sexuelles les plus suggestives, en la faisant par exemple réaliser une fellation soudaine et bienvenue à son mari qui n'en demandait pas tant, cela nous fait le même effet que de savoir avec qui couche NKM. Jusqu'au générique de fin, la souffrance de la voir presque de tous les plans est telle qu'on espère voir débarquer une vraie actrice, capable de faire rire et d'émouvoir, pour la remplacer et la bouter définitivement hors champ. En vain. A côté de ça, on doit plutôt supporter une Megan Fox qui passe pour LA bonnasse ultime, regardée par tous et toutes avec envie. Hé ben...




Face à Leslie Mann, on retrouve un habitué : le si pâle Paul Rudd, qui joue donc un ersatz de Judd Apatow. On apprécie Paul Rudd pour son rôle dans Anchorman. Avouons qu'il a une tête sympathique et qu'on aurait sans doute envie de taper la discussion avec lui si on le croisait. Mais reconnaissons aussi qu'il n'a pas du tout les épaules assez larges pour camper le rôle principal d'une "comédie" de 2h20 (avec les films signés Apatow, j'hésite toujours à appeler ça des comédies tant les rires sont rares au profit d'une psychanalyse de trottoir). Paul Rudd est ici traîné dans la boue dans des situations grotesques et embarrassantes : quid de cette scène où, les quatre fers en l'air, dépourvu du moindre slip, l'intimité réduite à néant, il demande sans ambages à Leslie Mann de lui inspecter le trou de balle ? L'acteur n'arrive pas à rendre son personnage attachant et, pire encore, ne sort jamais grandit de telles situations, qu'il échoue systématiquement à rendre un tant soit peu amusantes. Il semble subir le film et être la marionnette pathétique de son ami réalisateur. Quand il lâche une série de pets sur le lit conjugal au visage de sa femme, on éprouve quasiment de la pitié pour lui. On aime la loyauté de l'acteur envers son pote réalisateur, beaucoup d'autres auraient refusé de participer à une telle mascarade, mais après un tel film, on ne peut s'empêcher d'avoir une idée encore plus cruelle du talent réel de Paul Rudd. Vivement Anchorman 2 pour qu'il puisse revenir au niveau d'estime que nous lui portions.




Les rares scènes ou moments drôles sont entièrement dus à des acteurs en roue libre, au pouvoir comique réel, mais cantonnés à des rôles toujours très secondaires, décoratifs. On est ainsi ravis de retrouver la fameuse "grosse de Mes Meilleures Amies" qui agit ici telle de la dynamite dans un ensemble d'une extrême fadeur. Melissa McCarthy a deux scènes seulement, les deux meilleures du film, de loin. L'actrice, une petite boule de haine intenable, y laisse complètement aller son talent nerveux pour l'improvisation comique. On aurait aimé que cela dure plus longtemps. L'une de ces scènes est d'ailleurs si supérieure au reste qu'on en retrouve les rushs au générique final, terrible aveu final de lucidité de la part d'Apatow, conscient qu'il tient là le seul moment réellement poilant. Albert Brooks, le vilain de Drive, surprend quant à lui dans le rôle d'un père totalement irresponsable, un personnage aux répliques souvent inattendues et toujours placées avec tact, avec le sérieux et la conviction qui caractérisent les plus grands malades. L'acteur nous rappelle qu'il a commencé par le stand-up avant de finir poignardé sur un parking. On peut hélas regretter que son personnage soit justement réduit à ces petites répliques, et qu'il n'ait même pas une scène pour nous combler et nous faire pleinement goûter sa verve comique toujours vivace, dont il ne peut que donner des aperçus assez frustrants. Notons toutefois que cet acteur est un véritable moteur diesel qui part très doucement, de manière assez laborieuse, pour finir littéralement en roue libre, au meilleur de sa forme.


 

Inutile d'aborder le sujet même du film, c'est-à-dire la crise existentielle de la quarantaine selon Docteur Apatow. C'est à peu près aussi profond qu'une émission télévisée présentée par Arthur. Si des gens se reconnaissent là-dedans et sont touchés par les états d'âme dépeints par Apatow et exprimés à travers ses personnages lamentables, j'ai simplement beaucoup de peine pour eux. Son film rappelle voire martèle la tagline ridicule de la série Cougar Town dans laquelle Courteney Cox essaye péniblement de trouver une nouvelle jeunesse : "40 is the new 20". 40 ans : Mode d'emploi ne donne pas envie d'atteindre les 40 ans, il donne simplement envie de rien. Il fait partie de ces films, parmi les plus déprimants, qui nous abandonnent plein d'idées noires et avec une piètre opinion de l'être humain dans sa globalité. Je suis mort quatre fois en matant ce film. Une fois toutes les 30 minutes.


40 ans : Mode d'emploi de Judd Apatow avec Leslie Mann, Paul Rudd, Albert Brooks, Jason Segel, Megan Fox, Maude Apatow et Iris Apatow (2013)

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