Voici donc l'un des derniers lauréats du Goya du Meilleur Film, l'équivalent pour l'Espagne des Oscar et autres César. Des récompenses qui ne signifient donc pas grand chose et ce n'est malheureusement pas le premier long métrage de Raúl Arévalo, primé en 2017, qui va nous faire changer d'avis. La Colère d'un Homme Patient n'est pas un mauvais film en soi, mais s'il s'agit bel et bien de ce qui est sorti de mieux, de l'autre côté des Pyrénées, cette année-là, alors le cinéma espagnol doit traverser une période bien sombre de son histoire. Mais revenons à nos moutons et à cet homme si patient et colérique... Le scénario à la fois simple et tordu de Raúl Arévalo avait le potentiel pour donner lieu à un très solide thriller, à une sorte de western contemporain sec et efficace. Hélas, trop d'emphase, trop de petites manières inutiles, font de ce film tout de même captivant un objet assez prétentieux et lourd, qui paraît péter plus haut que son cul et échoue à emporter réellement l'adhésion. Le titre "la colère d'un homme patient" doit être traduit par "la vengeance est un plat qui se mange froid", super froid : huit ans d'attente. Pour faire court, un homme attend la sortie de prison d'un autre pour mettre la main sur la bande qui a tué sa femme et son beau-père lors d'un banal braquage. L'homme du titre s'immisce patiemment dans l'entourage du prisonnier durant son absence, séduit sa femme et devient un habitué du bar de son frère, puis l'attend sagement à la sortie de taule pour l'embarquer dans une cavale meurtrière à travers l'Espagne, à la recherche de ses complices.
Raúl Arévalo semble s'affairer, dans la première et trop longue partie de son film (pourtant court, 90 minutes au compteur), à dissimuler la simplicité de son scénario, à le rendre vainement opaque. On a donc droit à 20 premières minutes d'exposition pénibles où il faut faire preuve de presque autant de patience que le personnage principal. Le film est découpé en petits chapitres aux titres minimalistes "Le Bar / Ana, etc", et se pare d'un voile de mystère tout à fait superflu. Quand la cavale commence enfin, on reprend un peu flot, et certaines scènes s'avèrent assez haletantes. La violence, filmée sans complaisance et généralement tenue hors champ, est toute intériorisée, elle semble suinter de chaque homme, toujours menaçante, nourrissant une ambiance très lourde. Peut-être influencé par NWR et sa trilogie Pusher, Raúl Arévalo choisit un style très réaliste, il colle aux dos de son acteur, pour nous placer au plus près de ses agissements. Devant la caméra, Antonio de la Torre est irréprochable, tout en souffrance et en rage contenues. Quand le scénario a fini de révéler ses maigres secrets, avec un twist pas bête pour conclure, on en vient à regretter que Raúl Arévalo n'ait pas choisi une façon plus humble de le tourner. Il serait alors peut-être passé à côté des récompenses en carton mais il aurait sans doute gagné notre estime et ceux des amateurs de films de genre.
La Colère d'un homme patient de Raúl Arévalo avec Antonio de la Torre, Ruth Diaz et Luis Callejo (2017)