Nous accueillons un vieil habitué en la personne de Joe G. qui va nous faire part de son opinion sur le film de Lellouche :
Passons outre deux choses sans quoi on ne pourra pas commencer dignement la critique de ce film de zlop de bain (underpants flick). Premièrement, passons outre notre désamour pour les films de potes réalisés par l'un desdits potes qui sont des "stars", surtout quand Canet (le chantre français du genre) est de la partie, et que Lellouche (le chantre français de que. dalle.) est aux manettes. Oublions ça. Et puis oublions au passage que c'est un film sur la dépression et les connards parce que si on commence une critique de film en disant "encore un de ces films qui tournent autour de dépressifs qui sont des connards ou qui sont entourés de connards", on n'ira pas loin. L'époque veut, c'est-à-dire que des connards dépressifs en charge des scénarii, de la mise en scène et du financement d'une bonne partie du cinéma occidental veulent que nous bouffions à tous les rateliers de cet imaginaire moite comme un cul merdeux. Si ces gens ne cherchent sans doute pas, en nous montrant des gens qui se détestent et qui détestent les autres, à nous dire que la fin du monde est proche, quelque part ils nous poussent à l'espérer. Marre. Mais passons outre, faisons fi, laissons pisser, là n'est pas le sujet. Enfin si, le sujet du film c'est bien la dépression et les connards. Mais creusons un brin.
En mettant des lunettes noires un brin déformantes et avec beaucoup d'imagination, on pourrait penser que Le Grand Bain est un film sur le sport, et plus précisément un représentant de la sous-catégorie "partis de nulle part on va épater la gallerie", dans la lignée des Rasta Rockett, Rocky et autres The Karate Kid. C'est ainsi que l'on voit cette équipe de mecs plutôt quarante voire cinquantenaires bedonnants, dépressifs, connards, voire juste un peu cons sur les bords, menés par une entraîneuse alcoolique, finir par décrocher une médaille d'or mondiale grâce à une paraplégique et quelques male stunts bien gaulés pour sortir les panards de l'eau tout de même. Schéma classique avec des moments où rien ne va plus, mais finalement si, et à la fin on crie victoire devant le soleil couchant (levant ? je ne sais plus, peu importe). Et c'est là que je voudrais apporter une note de cynisme devant ces feel good moments si attendus. Ce qui me lourde avec ces films, et particulièrement avec celui-ci (qui est très mauvais), c'est combien ils charrient (le sachant ou ne le sachant pas) un imaginaire débectant qu'il va bien falloir qualifier de "capitaliste".
C'est toujours pareil : ces types sont des "ratés", qui cherchent à "réussir leur vie", en "accomplissant" quelque chose, qui va consister évidemment à "gagner" l'or, en battant d'autres types parce qu'ils se seront "dépassés"... Mais arrêtez un peu de nous casser les couilles enfin ! Ce dont Lellouche ne se rend même pas compte, c'est que c'est bien parce que ses personnages (= lui et ses potes) sont englués dans cet imaginaire-là qu'ils sont dépressifs... Et que leur seule échappatoire est forcément furtive, et qu'elle ne peut résider que dans la compétition en vue de la conquête éphémère d'une victoire inutile. Parce qu'une fois qu'on a gagné de l'or, on fait quoi ? On retourne à sa vie "de merde" ? Une fois qu'on a pris le temps de baiser triomphalement sa femme (pauvre Marina Foïs) ou de pérorer devant d'autres connards (pauvre Philippe Katerine), on va retourner à sa routine auto-alimentée de "gros naze". Et soit on cherchera à accumuler plus d'or, soit on finira par se tirer une balle. C'est la définition du capitalisme. Ces ignominiesques films de réussite (american way of flicks) font partie de l'arsenal avec lequel on convainc les gens de la nullité de leurs vies, avec force bons sentiments, force camaraderie (en général ce sont des buddy flicks) et force soft brainwashing. Ce qui me conduit à un doigt d'honneur final.
Le Grand bain de Gilles Lellouche avec Guillaume Canet, Philippe Katerine, Virginie Efira, Marina Foïs (2018)