Thunder Road est le premier long métrage de Jim Cummings. Très remarqué à sa sortie, récompensé à Deauville et dans quelques autres festivals, il s'agit du prolongement d'un court-métrage déjà acclamé de l'acteur-réalisateur correspondant ici à la scène d'introduction. Filmée en plan séquence, celle-ci nous montre le personnage principal, Jim Arnaud, un flic émotif et un peu simplet, prononcer une interminable et étrange oraison funèbre en hommage à sa défunte mère. Cette introduction tragi-comique a le mérite de nous placer d'emblée face à la personnalité bizarre de cet officier de police au bord de la rupture. Elle annonce sans ambages le ton très particulier du film, que Jim Cummings, dans un numéro d'équilibriste risqué, parviendra à tenir jusqu'au bout. Nous suivrons ensuite les déboires de ce personnage toqué qui s'apprête à traverser une période particulièrement difficile de sa vie, devant donc à la fois gérer la mort de sa mère, son divorce et la garde de sa fille.
Entre rires et larmes, Jim Cummings s'avère assez agile et manie plutôt bien le mélange des registres, nous faisant tour à tour passer d'une légèreté amusante, avec quelques détails comiques franchement réussis, à des moments plus sérieux et quasi dépressifs, où nous ressentons une vraie pitié pour son personnage. "Written, directed and performed by Jim Cummings" précise la première ligne du générique final, pour bien insister sur la véritable performance livrée par le cinéaste, qui porte littéralement son film à bout de bras, quitte à pouvoir être accusé d'un brin d'égocentrisme. Jim Cummings livre une sacrée performance, il faut le reconnaître, évoquant parfois le talent d'un Jim Carrey pour passer d'un registre à un autre avec le plus grand sérieux, sans sacrifier la crédibilité de son personnage. Bien au contraire : il parvient à donner vie à un drôle d'énergumène qui n'a pas l'air d'être une petite fabrication amusante de scénariste mais qui prend peu à peu une réelle épaisseur.
Reconnaissons toutefois que Jim Cummings est peut-être un peu trop dans la performance, justement, nous donnant à admirer toute sa maîtrise de façon un poil ostentatoire lors de longs plans où il vit son rôle à fond les ballons et passe systématiquement par un très large éventail d'émotions. Mais quand bien même l'acteur-réalisateur doit beaucoup aimer se regarder, il n'en reste pas moins véritablement bluffant et doté d'un grand talent. Nous verrons, en gardant un œil attentif à sa carrière, s'il parviendra par la suite à s'intéresser à autre chose qu'à lui-même. Son film souffre peut-être aussi de son démarrage en fanfare : s'il parvient à être régulièrement drôle, avec notamment quelques dialogues imaginatifs et parfaitement placés, Thunder Road s'essouffle un brin et peine à maintenir la cadence. Rien de plus logique et il s'agit là d'un défaut mineur avec lequel on fera preuve d'indulgence, comme avec le reste.
Car il y a là un ton singulier, une vraie personnalité et une espèce de sincérité qui sauvent clairement la mise et permettent au film de ne faire que flirter avec les travers habituels, et insupportables, de ce cinéma indé estampillé Sundance qui lui tendaient pourtant grand les bras. Au bout du compte, Thunder Road est un premier film très encourageant qui, en plus de nous dépeindre le portrait d'un père en devenir, à une étape décisive et charnière de son existence, réussit aussi à nous dépeindre, en creux, une fort belle amitié, celle qui le lie à son collègue flic, toujours fidèle au poste et filmé avec une délicatesse touchante. Nous espérons à présent que Jim Cummings ne sera pas l'homme d'un seul film et qu'il saura puiser vers d'autres ressources pour nous surprendre de nouveau à l'avenir.
Thunder Road de et avec Jim Cummings (2018)