Grand Corps Malade a accouché d'un petit film de merde. Bon, c'est rude, et la formule est bête et facile, mais La Vie scolaire est quand même assez raté et a aussi le tort de nous quitter sur une dernière scène pitoyable. Le film cherche à nous narrer une année dans la vie d'un collège difficile, il essaye d'adopter en regard global en oubliant quasi personne : on s'intéresse donc aux élèves (en particulier les "pires", ceux de 3ème SOP, SOP comme "sans option", tous les cancres ayant été réunis par la direction en une seule classe), à leurs parents, leur quartier, aux professeurs, aux surveillants et surtout à la nouvelle CPE, qui vient d'arriver au bahut, campée par la sympathique Zita Hanrot. Ce portrait se veut à la fois léger et grave, tantôt comique tantôt tragique, mais toujours réaliste et humain. Le film consiste en un empilage facile de scénettes qui passent d'un registre à l'autre, avec plus ou moins de réussite. C'est rythmé, cela s'enchaîne vite, alors on regarde cela sans trop de difficulté, malgré tous les clichés, les lourdeurs et cette volonté énervante de bouffer à tous les râteliers. Heureusement, aussi, il y a donc Zita Hanrot, qui apporte tout son charme et sa fraîcheur à son personnage de CPE désireuse de bien faire et d'amener un peu d'ordre dans son nouvel établissement. L'actrice, déjà appréciée dans Fatima et Paul Sanchez est revenu, est l'atout numéro 1 du film.
La Vie scolaire est plus sympathique quand il tend vers l'humour, quand bien même celui-ci est terriblement sage et semble chercher, là encore, à plaire à strictement tout le monde. Mais le regard posé sur ces différents personnages est plutôt tendre et le film vise parfois juste dans les comportements et allures des élèves. Alors ça passe, on se surprend à sourire une paire de fois. C'est quand il se veut plus sérieux et émouvant qu'il se vautre complètement. Grand Corps Malade et son collègue Mehdi Idir ne savent pas appeler nos émotions autrement qu'en envoyant les violons, les ralentis, et tout plein d'effets indigestes et tire-larmes que l'on croirait sortis d'un clip pourri ou d'une pub nauséabonde. D'ailleurs, un passage musical (Grand Corps Malade oblige) surgit comme un trou noir au milieu du film, les couloirs et les salles du collège sont alors filmés au ralenti, les jeunes défilent sur un texte soi-disant poétique mais en réalité assez moche et balourd. On se serait volontiers passé de cet aparté douloureux pour nos oreilles délicates.
On pourrait être plus clément avec ce film ma foi pas bien méchant s'il ne nous quittait pas sur une si mauvaise note. La dernière scène nous apprend que le gamin que l'on a suivi de plus près durant tout le film, un élève de 3ème sensible et malin, qui a vu son année plombée par la mort accidentelle de son meilleur ami et un certain jemenfoutisme, redouble en 3ème SEGPA. La CPE, qui s'était auparavant plus d'une fois entretenu avec lui, avait perçu chez lui un grand potentiel et insistait pour qu'il postule à un BTS audiovisuel, entre dans sa classe et lui adresse un ultime sourire, plein de bienveillance et, plus incompréhensible, d'autosatisfaction. Comme si elle était contente de ce sort, alors qu'il s'agit là d'un échec cuisant, quand bien même Grand Corps Malade et son acolyte auront plus tôt consacré une petite scène à nous montrer que ce qui peut s'apparenter à de la musique pouvait être produit par des élèves de SEGPA. C'est vraiment mal connaître les joies de l'orientation scolaire dans notre pays... Un ultime plan tourné au drone, qui part du rebord de la fenêtre de la salle de classe et s'éloigne progressivement pour enfin nous offrir une grande vue d'ensemble glaçante, replace ce jeune au centre de son quartier, comme pour nous rappeler le déterminisme social auquel il n'a pas pu échapper. Une conclusion incohérente, maladroite et idiote.
La Vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir avec Zita Hanrot, Ablan Ivanov et Liam Perron (2019)