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Channel: Il a osé !
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Buchanan Rides Alone

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Le cinéaste Budd Boetticher et son acteur Randolph Scott ont collaboré pour sept westerns réalisés entre 1956 et 1960 entrés dans la légende du genre et que l'on désigne sous le nom de "cycle Ranown" en référence à la société de production qui en a produit la plupart. Sept westerns et autant de pépites, tous marqués par un sens de l'épure admirable, qui se reflète notamment dans leurs courtes durées. La Chevauchée de la vengeance, Sept hommes à abattre et Comanche Station sont sans doute les tout meilleurs du lot mais cela se joue à des détails tant ils valent tous le coup d’œil. Parmi ces sept films, il y en a tout de même un que j'aime tout particulièrement, ou disons plutôt différemment, il s'agit de Buchanan Rides Alone, assez platement devenu en VF L'Aventurier du Texas. Si la découverte de tous ces westerns est un grand plaisir garanti pour l'amateur, celle de Buchanan Rides Alone est peut-être encore plus jubilatoire.





Tourné en 1958, il est le quatrième film du cycle, pile au milieu : est-ce pour cela qu'il a ce ton particulier, peut-être plus léger, plus comique, comme une petite pause, une parenthèse amusée, après trois films plus graves et tendus ? Dès les premières images, à la vue du sourire béat et de l'allure joviale de Randolph Scott, on se dit que ce film-là sera différent. L'amusement que l'on ressent immédiatement passe donc d'abord par l'attitude de notre inévitable héros, un brave type qui revient du Mexique, où il a participé à la révolution, pour s'installer dans son Texas natal. Sur le chemin, il fait halte dans une petite ville située à la frontière californienne dont il constate rapidement qu'elle est entièrement sous la coupe d'une seule famille, les Agry. Après avoir pris la défense d'un jeune mexicain, notre homme devient l'ennemi des Agry et se retrouve impliqué dans une sombre histoire où il va risquer sa vie pour récupérer son oseille et, surtout, sauver son nouvel ami chicano.





Lors de toutes ces péripéties, Randolph Scott conservera son sourire de playboy et son air si serein, même dans les pires situations, quand sa vie est en jeu, sortant régulièrement des répliques implacables à ses adversaires. Le très chouette scénario du film est adapté d'un roman intitulé The Name's Buchanan et notre bon vieux Scott doit prononcer ces mots au moins cinq ou six fois au début du film lorsqu'il se présente, pour notre plus grand plaisir. Au passage, l'acteur, d'ordinaire impassible, auquel on peut peut-être reprocher un certain monolithisme dans les autres films du cycle, se montre ici plus expressif qu'à l'accoutumée, très détendu, il prouve qu'il est capable d'évoluer dans des registres différents et surprend agréablement en faisant preuve d'une telle autodérision. Notons aussi que son personnage joue cette fois-ci à peu près le même rôle que l'homme sans nom de Sergio Leone (dans Pour une poignée de dollars), élément perturbateur entre deux camps, semant la zizanie dès son arrivée, mais ici malgré lui et sans vrai calcul, à la différence de Clint Eastwood.





En 78 petites minutes menées tambour battant et passant en un clin d’œil, Budd Boetticher parvient à faire vivre toute une tripotée de personnages truculents. Soit dit en passant, bien des réalisateurs devraient voir ça aujourd'hui, à l'heure où la moindre cochonnerie hollywoodienne dépasse allègrement les deux plombes sans aucun personnage mémorable à l'écran... Notons toutefois qu'il n'y a parmi eux aucune femme, le nom de Jennifer Holden apparaissant sur l'affiche alors qu'elle est réduite à de la figuration. Le scénario rocambolesque et amusant de Buchanan Rides Alone fait la part belle à des hommes hauts en couleur, dépeints en quelques coups de pinceau, avec cette efficacité épatante qui caractérise aussi la patte Boetticher. Ils sont tous assez drôles dans leurs petits travers : les Agry sont une galerie de lascars de tous poils qui vont bien sûr finir par se tirer dessus lors d'une scène finale réjouissante. Quelques-uns, dans la bande à Buchanan, sont vite attachants et je pense notamment à l'un des adjoints du shériff, joué par un formidable L.Q. Jones, que Buchanan se mettra rapidement dans la poche. Cet autre texan est au cœur de la scène la plus belle et étonnante du film, une oraison funèbre improvisée très touchante, prononcée avec un accent texan terrible, pour un cadavre ligoté à un arbre car ne pouvant pas être enterré dans une zone trop marécageuse ; un moment peu utile à l'avancée de l'intrigue mais tout bonnement délicieux que se permet là Budd Boetticher.





On regarde donc tout ça avec un vif plaisir. L'humour est omniprésent mais toujours bien dosé et ne vient jamais parasiter l'action, bien au contraire. Quelques dialogues valent leur pesant d'or et certaines situations diffusent une décontraction contagieuse principalement véhiculée par le héros, tout en dérision, si cool et tranquille. A un moment crucial, alors que l'un de ses acolytes lui demande, inquiet, s'il a un plan et comment il imagine la suite des événements, Buchanan répond en toute simplicité et d'une voix inimitable : "D'abord, nous allons prendre soin des chevaux. Ensuite... je ne suis pas sûr...", passant ensuite devant le champ et quittant le cadre le dos voûté, le sourire en coin. C'est pour ce genre de choses que Buchanan Rides Alone est un western si divertissant, dans le plus noble sens du terme, la joyeuse perle du Cycle Ranown de l'ami Budd Boetticher. Un pur régal !


Buchanan Rides Alone (L'Aventurier du Texas) de Budd Boetticher avec Randolph Scott, Craig Stevens, Barry Kelley et L.Q. Jones (1958)

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