Simon a un don : il peut prendre l'apparence physique de n'importe quelle personne qu'il a déjà touchée. Comme c'est encore un petit garçon, il ne s'en sert pas à des fins sordides ou malsaines, mais pour aller s'acheter une barbe à papa en prenant l'aspect d'un moniteur de son foyer. Parce que Simon est orphelin, mais finit par trouver une famille d'adoption, celle de ses deux seuls amis, Thomas et Madeleine, qui vivent en Bretagne dans une belle baraque. Tout bascule le jour où Simon et Thomas font la course à travers bois et que ce dernier glisse dans un de ces insondables abîmes du relief breton. Simon décide alors de prendre l'apparence physique de Thomas, et son identité. Voici donc le pitch du premier long métrage de Léo Karmann, le fils de Sam, une œuvre très naïve que quelques-uns ont présenté comme un vent de fraîcheur sur le cinéma français. Certes, il est rare que celui-ci s'essaie au fantastique de cette manière, avec un tel sérieux et l'ambition évidente d'un élan romanesque. Mais dans les faits, on tient simplement là un pénible ersatz des films de Spielberg ou Zemeckis des années 80, très vraisemblablement signé par un faquin déjà nostalgique, qui a grandi avec ce cinéma-là et n'a pas beaucoup élargi son horizon depuis. Derrière son idée de départ toute bête mais a priori prometteuse se cache une sorte de pseudo conte fantastique au scénario aussi prévisible que lourdingue, qui prend rapidement une tournure assez gênante, lorsque les personnages deviennent adultes, avec la romance faisandée qu'il met en scène (vous l'aurez compris, Simon est amoureux de sa sœur, Madeleine, qui est atteinte d'une maladie incurable, histoire d'en rajouter encore une couche).
Léo Karmann croit pouvoir nous emporter dans son histoire à grands coups de violons envahissants et omniprésents, de mouvements de caméra plein d'emphase, les paysages de Bretagne filmés comme des cartes postales, recouvrant le tout d'un symbolisme lourdingue (le héros, usurpateur d'identité, finit par travailler dans la miroiterie de son père adoptif). Les dialogues et le jeu des acteurs, en particulier Martin Karmann (frère de...), sont à l'avenant. La légèreté, la subtilité, connaît pas ! Le jeune cinéaste est si peu malin qu'il nous montre même les transformations de son personnage principal lorsque celui-ci révèle son secret à ses deux amis, nous offrant des morphings hideux dont on se serait volontiers passé, quand n'importe qui doté d'un peu de bon sens aurait naturellement choisi de laisser cela hors-champ. Après Trois jours et une vie, La Dernière vie de Simon est aussi le deuxième film français tout récent qui parvient à provoquer l'hilarité à la mort accidentelle et tragique d'un enfant (la chute dans le gouffre, précédée d'une longue glissade pathétique), scène pivot des deux films ; c'est problématique, non ? En fin de compte, le premier long de Léo Karmann, 31 ans, ressemble à son ignoble affiche, pour une fois nullement mensongère, et ne laisse que peu d'espoir pour la suite, tant il paraît maladroit et boursoufflé, à contre-temps et venu d'une autre époque. Un vent de fraîcheur ? Tu parles, moi j'ai plutôt senti comme une vieille odeur de pet bien rance.
La Dernière vie de Simon de Léo Karmann avec Camille Claris, Benjamin Voisin et Martin Karmann (2020)