Vers le milieu du film, c'est le drame : le maître du clebs meure soudainement. Et le iench se retrouve alors complètement esseulé, déboussolé, sans but, sans rien. Il se met alors à errer dans les quartiers de la ville à la recherche de son maître disparu. Il continue à se rendre tous les soirs à la gare pour attendre son retour du boulot, comme il le faisait habituellement. Puis rôde autour de sa maison, comme une âme en peine, malgré le départ de la famille. On croit pratiquement revivre la dernière partie terrible d'Allemagne Année Zéro mais avec un chien à la place du pauvre gosse. Et à travers cette histoire, le film nous dépeint les conséquences que peut avoir la disparition soudaine d'un être, ce qu'il reste de lui et ceux qu'il laisse derrière lui ; et c'est plutôt pas mal, ça donne matière à penser (food for thoughts). Cette dernière partie est assez culottée et poignante, on imagine aisément les torrents de larmes qui ont été versés face à ce si triste spectacle depuis la sortie de ce film devenu culte.
Remaké, américanisé et popularisé en 2009 par le yes-man en chef venu de Suède Lasse Hallstrôme et sa star Richard Gere, Hachiko Monogatari est initialement un film japonais sorti en 1987, mis en scène par Seijirō Kōyama. Il nous dépeint la réelle histoire d'amitié, voire d'amour, entre un chien pure race Akita,à la loyauté sans limite, et son maître, un vieux prof aux abords austères mais, au fond, très chaleureux, incarné par Tatsuya Nakadai. Alors qu'il n'était au départ pas très enthousiaste à l'idée d'accueillir ce clébard, le prof va peu à peu se mettre à l'aimer follement, allant jusqu'à traiter un peu par dessus la jambe sa vraie famille, à commencer par sa femme. C'est quasiment une histoire d'amour zoophile, crédible et sans les scènes crados (quoique...) que filme avec une application évidente Seijirō Kōyama. C'est aussi une histoire très populaire au Japon, où Hachiko, devenu symbole de fidélité et d'amitié, a sa statue, chaque jour admirée et saluée par des milliers de touristes qui espèrent croiser la star de Pretty Woman.
Le plus gros souci de l’œuvre de Kōyama vient de la particularité principale de cette race de clebs. Si vous avez eu la curiosité de cliquer sur mon premier lien, vous avez pu constater avec horreur que ces chiens-là on la queue totalement retournée, en permanence relevée contre leur dos dans un angle diabolique à 180°. Or, notre ami à quatre pattes est très souvent filmé de dos. Le film de Seijirō Kōyama devient ainsi un véritable témoignage sans faille de l'état de santé du trou de balle de ce chien pendant toute la période qu'a duré le tournage. Et c'est littéralement à nous glacer le sang, car dieu sait que cet animal gourmand n'a pas toujours eu une digestion idyllique, peut-être trop gavé par les techniciens et les autres acteurs en présence, ravis de lui faire plaisir et ignorant l'effroyable conséquence de leurs actes. Si la loyauté du chien est irréprochable, sa propreté l'est nettement moins.
Quand on est l'heureux propriétaire d'un animal domestique, que ça soit un clebs, un chat ou autre, on essaie toujours d'éviter ces moments où notre bestiole préférée nous tourne le dos, parfois tout près de nos mirettes, comme pour mieux nous montrer en maxi-format sa grande étoile noire pas toujours bien dessinée. Hachiko Monogatari est une compilation sordide de tous ces moments particulièrement dégueulasses de nos vies, de toutes ces trop longues secondes où l'on a été confrontés aux trous des culs immondes de nos animaux domestiques. C'est rude.
Malgré cela, Hachiko Monogatariest plutôt un joli film, à l'origine d'un vif regain d'intérêt pour la race Akita en dépit de son infâme signe particulier. Elle est désormais celle que l'on croise le plus souvent aux abords de nos aires d'autoroute. On devine aussi quelques aspects sans doute très spécifiques à la culture nippone à travers cette histoire de clebs, et c'est l'un des trucs qui rendent cette merde intéressante.
Hachiko (aka ハチ公物語, Hachikō Monogatari) de Seijirō Kōyama avec Tatsuya Nakadai (1987)