On a permis à Dave Franco de réaliser un film. Il lui a été autorisé de porter à l'écran son propre scénario. Après un premier jet désastreux, Joe Swanberg, sombre énergumène chantre du mumblecore déjà croisé aux génériques d'autres pépites comme You're Next ou Drinking Buddies, a bien voulu l'épauler dans l'écriture du script. C'est qu'il ne pouvait pas faire ça tout seul. Depuis qu'il est tout petit, Dave Franco a besoin d'aide pour faire ses devoirs. Il lui faut quelqu'un sur le dos, pour le surveiller, le motiver, l'encourager, le soutenir. Il a connu une scolarité longue et difficile, mais il y est arrivé, "au talent", dit-il, avec son sourire de playboy et son air benêt qui feraient de lui l'acteur idéal pour un futur biopic de CR7, à condition d'apprendre à jouer au foot, ce qu'il ne fera jamais, car ça serait trop lui demander, il aime seulement pratiquer les sports individuels ou regarder les sports de combat, ceux qui lui permettent de "vider [sa] tête" et d'entretenir son "six-pack".
Une somme d'argent conséquente a été octroyée à Dave Franco pour qu'il puisse concrétiser son projet et mettre en scène cette triste histoire. Dave Franco a réuni sa compagne (Alison Brie) et quelques-uns de ses amis acteurs (Dan Stevens, Sheila Vand et Chunk) pour leur demander de bien vouloir y jouer. Ils ont accepté, par fidélité, par loyauté, par ignorance ou parce qu'ils n'avaient rien d'autre à faire. Le studio de production a gentiment mis au service de Dave Franco quelques techniciens compétents et, pendant un peu plus d'un mois, tout ce beau monde s'est affairé, s'est mis au travail, à un rythme assez tranquille, pour la réalisation de ce film. C'est ainsi qu'est né The Rental, le premier long métrage du petit frère de James Franco, un nuisible si infect qu'il est parvenu à se frayer un chemin dans nos salles de cinéma, au milieu du mois d'août d'une année maudite où le COVID a empêché tant d'autres œuvres d'être distribuées et vues dans les conditions qu'elles méritaient.
Dave Franco devait croire qu'il était facile de mettre en boîte un thriller horrifique efficace ; il nous démontre que c'est là l'apanage des seuls cinéastes doués et non des tocards de son espèce. Il devait penser qu'il serait aisé de se faire remarquer dès son premier fait d'arme derrière la caméra, d'être d'emblée considéré comme un réalisateur crédible, à suivre ; il se fourre le doigt dans l’œil et parvient même à ridiculiser tous ses piètres acteurs (c'est bien simple, celui qui s'en sort le mieux, le seul qui peut garder la tête haute, c'est Chunk, un adorable bulldog au temps d'apparition à l'écran hélas très frustrant). Dave Franco devait enfin s'imaginer que le succès allait être au rendez-vous grâce aux nombreuses qualités qu'il reconnaissait à son œuvre "affûtée comme une liane" (sic) ; il a vu son premier film, son bébé laid, se planter puis être téléchargé, vu à moitié et aussitôt supprimé par ces quelques curieux, amers et rancuniers, dont je fais tristement partie.
The Rental accomplit la prouesse d'être au moins trois choses craignos à la fois. Une mauvaise sitcom infestée de trentenaires insupportables que l'on a rapidement envie d'étrangler et dont on se contrefout comme c'est pas permis des pénibles histoires de fesses. Un avorton de slasher tout à fait inutile, prévisible de bout en bout, qui nous réserve une seule pauvre idée de mise en scène (un effet de montage aussi brutal que l'intervention du tueur masqué, que je relève ici par simple grandeur d'âme). Et enfin, un ersatz d'émission de télé-réalité minable, avec sa bande de guignols filmée sous tous les angles, doté d’une scène de bain de minuit putride qui vient directement rendre hommage au plus grand moment de la première saison de Loft Story (indice : celle-ci implique également deux débiles, un jacuzzi et des hormones en ébullition). Vous l'aurez compris, tout ça fait de The Rental un sacré film de merde, y'a pas d'autres mots, et l'on souhaite très fort que la carrière de Dave Franco s'arrête tout net.
The Rental de Dave Franco avec Dan Stevens, Alison Brie, Sheila Vand et Chunk (2020)