Le film dure 2h15 ou 15h2 ? Y'a un truc pas clair... En tout cas pour nous le temps ressenti c'est bien la moitié d'une journée qu'un malfrat nous aurait forcés à passer ligotés dans une cave insalubre uniformément grisâtre dont on distinguerait mal les contours architecturaux et la profondeur réelle... Où sommes-nous projetés ? Dans le sous-sol du monde ? Un lieu très net (8K) mais indiscernable à la fois, composé d'anti-matière et d'une surcharge de neutrons arrêtés dans leur course par le maître des clés et du temps en cette dimension perdue, le maniac cop David Fincher. On ne s'était pas autant fait chier depuis notre dernière leçon de Code, ou lors du mariage de ce cousin éloigné où Tonton Scefo a fini par faire basculer la longue table du vin d'honneur – non pas qu'il était fait, l'alcool pour une fois n'y était pour rien, il est simplement tombé raide de sommeil, du sommeil du juste –, la faisant basculer vers lui et transformant tous les tacos et verres de rouge en projectiles de catapulte, et bientôt en un tapis merdeux et pimenté projeté sur la robe de la mariée façon Jackson Pollock dans un remake sordide de Carrie au bal du diable.
C'est difficile d'enchaîner après ça. D'autant que cette soirée de mariage est un paradoxe en soi, étant donné que l'ennui prodigieux éprouvé pendant toute la cérémonie a précisément abouti à un feu d'artifice de tacos bell qui a transformé ladite soirée en une merveille qu'un photographe méticuleux a su immortaliser dans un album de famille plus proche du Nécronomicon que d'un catalogue photobox lambda. Mais revenons au film. On a parlé de la grisaille générale, mais que dire des mentions "Extérieur jour" inscrites à l'écran au début de chaque scène, qui nous rappellent qu'on est devant un biopic sur un scénariste à la manque, ou de ces cigarette burns qui rythment les séquences avec une régularité de métronome (certains pourront se toucher l'entrejambe en calculant le perfectionnisme légendaire de notre sinistre Fincher, qui a dû s'emmerder à les caser toutes les tant de minutes, équivalant à la durée des bobines de pellicule de l'époque, alors que son film est un renoncement au cinéma sur fond vert dégueulasse pensé pour être vu sur des écrans de smartphones).
Fincher est un malade. C'est acquis. Et bizarrement c'est mis à son crédit, c'est une médaille à son revers, c'est une couronne sur son crâne lustré à mort d'addict au Head&Shoulders. Vous avez vraiment cru qu'on a réussi à envoyer un robot sur Mars ? Que dalle, le petit Persévérance à roulettes est juste allé faire un ride sur le crâne désertique et morne de David Fincher, où il y a aussi peu de vie et d'enthousiasme que sur les collines martiennes... Le visage de Mars ? Juste quelques pellicules 36mm parmi la toison clairsemée d'un cinéaste trop attaché à la propreté pour être honnête. On connaît tous des gens chez qui, dès que la porte est passée, on se fait fusiller du regard si on ne retire pas fissa ses deux pompes : chez Fincher, à peine arrivé sur le seuil de son manoir maudit, il faut retirer ses godasses, ses soquettes, rester une demi-heure dans un pédiluve blindé de Garra rufa morts de faim et modifiés génétiquement par les laboratoires Pfizer pour résister à la javel et au chlore, quand il ne demande pas tout simplement à ses hôtes de se retrousser la peau des pieds pour ne pas faire de traces sur son carrelage.
Or, quand ce type un brin psychorigide demande à son actrice (Amanda Seyfried, à ne pas confondre avec Emma Stone ou avec un quelconque poisson-chat) de rejouer la même scène muette 200 fois, flinguant le calendrier de tournage pour toute une semaine et se torchant allègrement avec le code du travail (et pour Fincher c'est un minimum, il flingue un code civil de papier cul à chaque fois qu'il en coule un), tout le monde applaudit, trouve ça merveilleux, parle de "perfectionnisme", de "souci du détail", de "rigueur folle", de "passion de la précision", alors qu'on a affaire à un simple taré. Normalement, ça se termine aux prudhommes, les mains liées par un collier de serrage serflex tiré jusqu'au sang par un flic qui a payé son abonnement Netflix pour se vider le bulbe après une journée à briser des tibias de Gilets Jaunes, et qui n'a vu que le premier quart d'heure de Mank mais qui a passé le reste du film à essayer de taser son écran pour mettre un peu d'électricité dans tout ça et voir quelques images en technicolor.
Au tribunal, Fincher aura bien du mal à se dédouaner, mais il mentira pendant des plombes, car c'est un menteur, il l'a prouvé en fomentant un tissu de mensonges plus gros que lui à propos de la genèse du script de Citizen Kane (œuvre dont cinq secondes prises au hasard dépassent tout ce qu'il a fait et fera dans sa vie). Un mensonge répété pendant plus de deux heures en noir et blanc, avec un sérieux de pape et des acteurs déblatérant des dialogues mortels, n'est pas une vérité. Préférez la version avec Liev <3 Schreiber.
Mank de David Fincher avec Gary Veryoldman et Amanda Seyfried (2020)