Janvier 2020. Le monde du cinéma découvre les frères Safdie. Août 86. Nous nous mettons d'accord pour nous lancer dans le blogging ciné au moment même où les frères Safdie décident de se lancer dans la vie. 2008. Joshua Safdie, enfin décollé de son frère siamois après une opération d'envergure qui est aussi une première mondiale, tourne The Pleasure of being robbed et nous sommes les seuls à le repérer. 2009. Les deux frères se retrouvent et tournent leur premier long métrage ensemble, l'un tenant la caméra de la main gauche (d'où les cadrages foutraques et le tremblotement permanent de l'image), l'autre la perche de la main droite (le son n'est pas dégueu). Ainsi naît Lenny and the kids, dont nous assurons toute la promo, de A à Z, sur les pages de ce blog. Nous sommes très contents, ne vous méprenez pas, que les frères Safdie aient percé leur trou, soient enfin connus du très grand public. Attention, ce qu'on écrit là, c'est aussi une première mondiale, c'est de l'exclu, du off, on ne le déballe pas en soirées pour se faire mousser, comme tous ces producteurs parisiens qui étalent leur carnet d'adresse à la première rencontre, fiers comme pas deux d'avoir un jour serré la main moite de Tarsem Singh ou de Tar Tampion, on n'est pas là pour parader, mais c'est vrai qu'on a eu le flair sur leur cas un peu avant l'heure grâce à notre état de veille permanente sur le cinéma mondial (fiction et non-fiction confondus). Bon ça peut avoir l'air prétentieux dit comme ça. Passons à l'analyse du film.
Janvier 2020. Le monde découvre qu'Adam Sandler est un grand acteur doublé d'un homme unique en son genre. Août 66. On est à la baguette de la rencontre entre Judy, enseignante d'école maternelle, et Stanley Sandler, ingénieur électricien (35-2003), descendant d'immigrants juifs de Russie (plus tard nous consacrerons un mémoire à la trajectoire de ce père, Stanley Sandler, pionnier dans tous les domaines, et en particulier dans celui de l'ingénierie électrique). Ce coup de foudre donnera naissance un mois plus tard à Adam Richard Sandler, enfant légèrement prématuré mais animé d'une rage de vaincre éternelle et bien décidé à croquer la vie à pleines dents, car passé si près de la faucheuse. C'est un peu le bébé du bonheur, et de ce blog. Adam a choisi le costume du clown, souvent lourd à porter, et qui lui aura valu quolibets et jets de pierres, drôle d'injustice pour un homme dont la noble ambition est de faire rire (de la plus vulgaire des façons). Nous l'avons soutenu sur ces pages quand il était tout au fond, vilipendé par absolument toutes les critiques papiers et numériques, et se baladait au quotidien dans un sac poubelle contenant ses trois effets, dont une étoile de ninja. Il aura fallu son Tchao Pantin (suite au désistement de Jonah Hill, qui devait tenir le rôle principal d'Uncut Gems, jusqu'à cette nuit sans lune où deux inconnus blogueurs ciné sont allés le ligoter sur son lit douillet, la veille du casting), pour que le monde du cinéma daigne reconnaître la présence, l'existence, le talent d'Adam Sandler.
Janvier 2020. Nous découvrons en avant-première mondiale les premiers rushs d'Uncut Gems, envoyés sur WeTransfer par les frères Safdie, soucieux de notre aval, avec comme mot de passe : "BeKindRewing". La première séquence, avec la découverte d'une pierre précieuse dans une mine lointaine, nous chope par le col, dénote un peu dans leur filmographie et crée de l'ouverture, donne de l'ampleur, envoie du souffle, promet de l'aventure. Deuxième séquence. Retour au bercail, au cinéma urbain trépidant, noir, nerveux que l'on connaît et où les frères Safdie ont leurs repères. Nous passons donc un bon moment devant ce film digne de leur cinéma, caméra au poing, rythme tendu comme le string de Guy Roux, direction d'acteurs jusqu'au-boutiste, défilé de tronches brisées (tous leurs amis d'enfance sont là, et quelques connaissances à nous, dont tonton Scefo, qui errait dans New York avec son club du troisième âge pendant le tournage, en quête d'un énième mad love), photographie urbaine giga-réaliste, montage syncopé, scénario minimaliste, exploration des failles de l'âme américaine à travers le personnage du gambler, cet accro au jeu, au dollar, à l'adrénaline incarné par un Adam Sandler complètement allumé de l'intérieur. Tout y est, et cependant, nous ne découvrons rien, contrairement au reste du monde cinéphile, et sommes peu surpris par la corde raide sur laquelle les frères Safdie nous font marcher tels des funambules allant droit vers l'échafaud et incapables de s'y soustraire. Encore faut-il avoir envie de se faire ramasser.
Uncut Gems des frères Safdie avec Adam Sandler (2020)